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Décisions

CA Lyon, 3e ch. A, 6 avril 2017, n° 16/00215

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

AG2I (SARL)

Défendeur :

SGP (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Devalette

Conseillers :

Mme Homs, M. Bardoux

Avocats :

Selarl Andres & Associés, SCP Adida & Associés, Selarl de Fourcroy Avocats Associés

T. com. Lyon, du 27 nov. 2015, n° 2014j2…

27 novembre 2015

EXPOSE DU LITIGE

La S. A.S. SGP, constituée en août 2012, a pour activité la vente aux entreprises de tous articles relatifs à la détection incendie, désenfumage et lutte contre le feu.

La société SGP a été constituée à parts égales entre deux associés opérationnels, Eric B. et la S. A.R. L. AG2I, et deux autres associés investisseurs, les sociétés FINSECUR et AER HOLDING, Guy A., également gérant de la société AG2I, a été désigné en qualité de président de la société lors de sa constitution, sans rémunération à ce titre.

En raison de pertes d'exploitation importantes, certains associés ont souhaité se désengager et par acte sous seing privé du 30 juillet 2013, la société AG2I, Eric B. et AER HOLDING ont cédé la totalité de leurs actions détenues dans la société SGP à la société FINSECUR et 30 août 2013, Guy A. a démissionné de ses fonctions de président.

La société SGP prétend avoir découvert, lors de la mise en place de sa nouvelle direction, l'existence d'une prestation facturée mensuellement à 2.500 € HT outre frais de déplacement, par la société AG2I depuis le 1er septembre 2012 sur la base d'une convention préparée en janvier 2013, avec effet au 1er septembre 2012 signée par Monsieur B., en tant que représentant de la société SGP et AGI représentée par Monsieur A., pour des missions de gestion administrative, financière et commerciale. Cette mission avait une durée de 16 mois et en cas de résiliation avant le terme, une indemnité forfaitaire de 12 mois était stipulée au profit d'AG2I.

La société SGP a alors mis fin unilatéralement le 25 septembre 2013 à la mission de la société AG2I et cessé de régler les honoraires mensuels depuis juin 2013.

N'obtenant pas le règlement de ses honoraires qu'elle estime dus, la société AG2I a, par acte du 25 septembre 2014, assigné la société SGP devant le tribunal de commerce de Lyon aux fins de condamnation au paiement de la somme de 51.395,34 € au titre des honoraires et de la somme de 30.000 € au titre de l'indemnité contractuelle de rupture.

Par jugement en date du 27 novembre 2015, le tribunal de commerce de Lyon a :

- jugé la convention de prestation de service datée du 1er septembre 2012 nulle et sans effet pour défaut de cause ainsi que pour défaut de pouvoir de représentation du signataire de la société SGP,

- débouté la société AG2I de l'ensemble de ses demandes et prétentions,

- condamné la société AG2I à restituer à la société SGP les honoraires perçus au titre de ladite convention, soit la somme de 40.273,82 € outre les intérêts au taux légal avec capitalisation annuelle à compter du prononcé du jugement,

- condamné la société AG2I à payer à la société SGP la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.

Par déclaration reçue le 11 janvier 2016, la société AG2I a relevé appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions, déposées le 11 avril 2016, la société AG2I demande à la cour de :

rejetant toutes conclusions contraires,

- dire et juger recevable et bien fondé l'appel interjeté par la société AG2I,

réformant le jugement entrepris,

à titre principal,

- dire et juger pour les causes sus énoncées recevables et bien fondées les prétentions formées par la société AG2I,

- condamner la société SGP à payer à la SARL AG2I les sommes suivantes :

13.895,34 € TTC au titre de la période de juin à septembre 2013,

37.500 € au titre de la période d'octobre 2013 au 31 décembre 2014,

30.000 € au titre de l'indemnité contractuelle de rupture,

à titre subsidiaire,

- condamner la société SGP à payer à la SARL AG2I la somme de 40.273,82 €,

- condamner encore la société SGP à payer à la société AG2I la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens tant de première instance que d'appel.

La société AG2I fait valoir tout d'abord que la convention est sincère, comme le démontre le fait que la société SGP ait réglé pendant une année entière les sommes dues, et qu'il est normal qu'elle soit datée du 1er septembre 2012, date à laquelle les relations contractuelles ont réellement débuté, ce que confirme l'attestation de l'expert comptable qui indique avoir lui même établi le document.

Elle prétend concernant la validité de cet acte que Monsieur B. a reçu tacitement une délégation de pouvoir de la part du président de la société SGP aux fins de régulariser la convention de prestation de service, ceci pour éviter une signature unique, et qu'en tout état de cause, ses fonctions de directeur commercial de la société SGP lui permettaient de conclure de tels contrats avec des tiers.

Elle ajoute qu'il doit être retenu, à tout le moins, que Monsieur B. a agi en qualité de représentant du président de la société SGP dans le cadre d'un mandat apparent.

Elle soutient que le fait que la société SGP ait exécuté les obligations qui lui incombaient en vertu du contrat de prestation de service pendant de nombreux mois vaut nécessairement ratification, de sorte que la convention ne peut être déclarée nulle.

Elle affirme que la convention n'est pas dépourvue de cause puisque dans le cadre d'une SAS régie par l'article L227-5 du code de commerce, la direction générale de la société SGP peut être confiée à une autre personne que le Président, et ce en vertu des clauses statutaires, et que les missions qui lui ont été confiées ne font pas double emploi avec la mission de représentation de Monsieur A., en sa qualité de Président de la société SGP, ne percevant pas de rémunération.

Elle prétend que les prestations prévues par la convention ont bien été réalisées, comme le démontre notamment l'attestation établie par Monsieur B. et que l'action en répétition de l'indu soit ainsi rejetée.

Elle soutient que si la nullité de la convention était prononcée, aucune restitution des sommes versées ne pourrait s'effectuer puisque la restitution des prestations de service n'est pas possible et ne pourrait se faire que sous forme d'indemnité venant en compensation de la somme restituée.

Dans ses dernières conclusions, déposées le 13 juin 2016, la société SGP demande à la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que la convention de prestation de service datée du 1er septembre 2012 est nulle et sans effet que ce soit pour défaut de pouvoir de représentation du signataire de la société SGP ou pour défaut de cause,

en conséquence,

- débouter la société AG2I de l'ensemble de ses demandes en paiement,

- condamner la société AG2I à restituer à la société SGP les honoraires perçus au titre de ladite convention, soit la somme de 40.273,82 €, outre les intérêts au taux légal avec capitalisation annuelle

à compter du prononcé du jugement à intervenir,

à titre infiniment subsidiaire, si la Cour venait à réformer la décision entreprise et statuant à nouveau, ne prononçait pas la nullité de la convention datée du 1er septembre 2012,

- constater l'absence de sincérité de la convention de prestation de service datée du 1er septembre 2012 communiquée par la société AG2I,

- dire et juger en conséquence que la société AG2I n'apporte pas la preuve que la convention devait être exécutée jusqu'au 31 décembre 2014, ni que la société SGP était tenue au paiement d'une clause pénale de 12 mois en cas de rupture anticipée,

- débouter la société AG2I de sa demande en paiement des indemnités contractuelles de rupture de 12 mois et de sa demande en paiement des honoraires de septembre 2013 jusqu'au 31 décembre 2014,

- constater l'absence de preuve de la réalité de prestations effectuées pour la société SGP,

- débouter la société AG2I de sa demande en paiement des honoraires pour les mois de juin, juillet et août 2013,

- condamner la société AG2I a rembourser à la société SGP la somme indûment perçue de 40.273,82 €, outre les intérêts au taux légal avec capitalisation annuelle à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,

- en tout état de cause, condamner la société AG2I à payer la société SGP la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; la condamner aux entiers dépens.

La société SGP fait valoir que la convention est nulle pour défaut de pouvoir du signataire puisqu'étant une SAS, seul son président ou un directeur général dûment nommé peut la représenter vis-à- vis des tiers. Or, Monsieur B., signataire de la convention, n'est qu'associé et salarié et n'était titulaire d'aucune délégation de pouvoir ou de signature pour signer ce type de contrat, l'article 19 des statuts ne prévoyant pas de délégation de pouvoir possible de la part du président de la SAS.

Elle ajoute que la société AG2I ne peut alléguer d'un mandat apparent puisque son gérant, Monsieur A., qui est également son ancien président, ne pouvait pas ignorer que Monsieur B. ne pouvait pas régulièrement la représenter, ce dernier attestant d'une simple délégation de signature et non de pouvoir.

Elle fait valoir que la société AG2I ne peut se prévaloir des règlements effectués pour couvrir l'irrégularité de l'acte.

Elle soutient également que la convention est nulle au visa de l'article 1131 du code civil pour défaut de cause puisqu'elle fait double emploi avec les missions sociales dévolues à Monsieur A., de sorte qu'il n'existe aucune contrepartie réelle aux obligations de paiement. Elle considère à cet égard que la jurisprudence applicable aux SA est applicable aux SAS, et qu'en l'absence de nomination d'un directeur général, les statuts n'autorisaient pas le président à déléguer les fonctions de direction générale à une société tierce, peu important qu'il ne perçoive pas de rémunération, puisque celle ci relève d'une décision du comité stratégique.

Elle affirme que la nullité de la convention entraîne l'effacement rétroactif du contrat, même pour un contrat à exécution successive, d'autant plus que rien n'empêche la remise en état des parties, aucune prestation de service ne lui ayant été rendue. La société AG2I doit donc lui rendre les sommes indûment perçues.

Elle soutient, à titre subsidiaire, si la nullité n'était pas prononcée, que la convention n'est pas sincère puisqu'elle est datée du 1er septembre 2012 alors qu'elle n'a été établie par le cabinet comptable qu'au 23 janvier 2013, et même plus tard dans ses versions ultérieures, date à laquelle la société AG2I n'était plus associée de la société SGP et où Monsieur A. n'était plus gérant de la société SGP et qu'elle a été modifiée postérieurement de façon unilatérale par la société AG2I, en prévoyant un préavis et une clause pénale d'un an.

Elle ajoute que la société AG2I ne rapporte pas la preuve que le contrat devait se maintenir jusqu'au 31 décembre 2014 ni qu'elle était tenue au paiement d'une indemnité contractuelle de rupture de 12 mois.

Elle fait valoir que la société AG2I ne rapporte pas la preuve de la réalisation des prestations facturées de juin à août 2013 ce qui justifie son action en répétition d'indu avec capitalisation annuelle.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 janvier 2017.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de nullité du contrat de prestation de service

La société SGP fonde sa demande de nullité de la convention de service qui la lie avec la société AG2I pour défaut de pouvoir de son signataire, Monsieur B., directeur commercial à l'époque de la société SGP, nullité relative dont elle est seule recevable à se prévaloir.

S'agissant d'une SAS, le pouvoir de représentation à l'égard des tiers est confié à son Président, ou selon les articles L227-3 et L227-6 du code de commerce à « celui ou ceux de ses dirigeants que les statuts désignent à cet effet ».

En l'espèce l'article 19 des statuts de la société SGP dispose à cet égard : « le président représente la société à l'égard des tiers et est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société, dans la limite de l'objet social. Il est investi des pouvoirs de Direction Générale, aussi bien dans l'ordre économique que financier, juridique, social, commercial et tous autres et ce, sous réserve des dispositions statutaires concernant la compétence du Comité Stratégique...

Le président peut en outre donner toute délégation de signatures au Directeur Général pour un ou plusieurs objets déterminés.»

En l'espèce, en l'absence de directeur général à l'égard duquel ne pouvait au demeurant être consentie par le président de la SAS, Monsieur A., qu'une délégation de signature et non de pouvoir, Monsieur B., directeur commercial, n'avait aucun pouvoir, pour signer comme il l'a fait, la convention de prestation de service au nom de la société SGP, ou même pour signer cette convention au nom de son président.

De surcroît cette convention, signée d'une part par Monsieur A. gérant de la société AG2I et d'autre part par Monsieur B., a été anti datée au 1er septembre 2012, puisqu'il résulte des indications de l'expert comptable, qu'ayant découvert l'existence d'une convention non écrite de prestations, il en a proposé par mail plusieurs versions écrites jusqu'au 23 septembre 2013 sur l'adresse électronique de Guy A. qui en a modifié certains points pour aboutir à la version finale antidatée, de sorte qu'au moment où cette signature a été réellement apposée, ce dernier, démissionnaire depuis le 30 août 2013, ne pouvait plus consentir la moindre délégation de signature et encore moins de pouvoir.

Enfin, la société G2I dirigée par Monsieur A., ne peut invoquer de bonne foi la théorie de l'apparence de pouvoir de Monsieur B. au sein de la société SGP, dirigée également par Monsieur A. qui ne pouvait ignorer l'absence de pouvoir de son directeur commercial, sollicité uniquement pour éviter un seul et même signataire de la convention pour les deux sociétés.

Il ne peut être prétendu par ailleurs qu'en tant que directeur commercial sans mandat social, Monsieur B. pouvait engager la société au titre d'un contrat de prestation de services consenti à une société associée.

Sans qu'il soit nécessaire de statuer sur l'absence de cause de la convention, et indépendamment de la régularité d'une convention de prestations, avec effet rétroactif sur une année, au regard des dispositions statutaires de l'article 22 sur les conventions réglementées, le jugement qui a jugé que cette convention était nulle et de nul effet et qui a débouté la société AG2I de ses demandes en paiement de prestations jusqu'au terme du contrat et d'indemnité contractuelle de rupture, doit être confirmé.

Le tribunal a par ailleurs fait une exacte application des dispositions des articles 1108 et 1304 du code civil, dans leur rédaction applicable à l'espèce, qui disposent que les restitutions réciproques, conséquences nécessaires de la nullité d'un contrat de vente, peuvent être exécutées en nature ou en valeur, en condamnant d'une part la société AG2I à restituer toutes les sommes qu'elle a perçues au titre de la convention de prestations annulée, soit la somme non contestée de 40.273,82 € ressortant de la comptabilité de la société SGP, d'autre part en déboutant la société AG2I de sa demande de restitution en espèces, à hauteur de cette même somme, des prestations de service qu'elle estime avoir effectivement réalisées par le biais de son dirigeant Monsieur A., alors qu'il n'est apporté aucune preuve de la réalité et de la nature de ces prestations permettant d'en chiffrer la valeur et qu'il s'agissait là précisément des missions du président de la SAS SGP.

L'absence de rémunération de Monsieur A. pour ces fonctions de président , comme l'attestation établie le 23 janvier 2015 par Monsieur B., qui a accepté de signer un acte antidaté, qui n'appartient plus à la société SGP depuis juin 2014 et qui énumère de manière générale toutes les prestations qu'aurait réalisées la société AG 2I, sans que cette attestation ne soit étayée de la part de la société AG2I par des documents concrets (contrats flotte, contrats de travail, correspondances, convocations du comité stratégique, relations comptables et bancaires) ne constituent pas en effet des éléments suffisamment sérieux et probants de prestations effectives et chiffrables.

Le jugement doit être ainsi intégralement confirmé, y compris sur le point de départ des intérêts et de leur capitalisation, qui n'est pas critiqué, et la société AG2I doit être condamnée à verser à la société SGP une indemnité de procédure supplémentaire de 3.000 €.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Condamne la société AG2I à payer à la SOCIETE GENERALE DE PROTECTION la somme de 3.000 € à titre d'indemnité de procédure ;

Condamne la société AG2I aux dépens d'appel.