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Décisions

CA Versailles, 13e ch., 24 novembre 2020, n° 19/08361

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Centre Cardiologique d'Évecquemont (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Valay Brière

Conseillers :

Mme Baumann, Mme Bonnet

Avocats :

Me Gourion, Me Lefèvre, Me Arena, Me Akbar

T. com. Versailles, du 30 oct. 2019, n° …

30 octobre 2019

Le 30 juin 2014, M. B D Z a été nommé président de la SAS Centre cardiologique d'Evecquemont par décision des deux associés, les sociétés Fineve et Invita. Cette décision précisait qu'il était mandataire social non salarié, qu'il ne cotisait pas aux Assedic et qu'il percevait une rémunération annuelle de 46 666 euros bruts outre une indemnité annuelle de non-concurrence de 23 333 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 août 2018, doublé d'un courriel, la société Invita, constatant l'absence de M. Z à un rendez-vous fixé le 29 août 2018 à 9h aux fins d'évoquer une éventuelle révocation de son mandat de président de la SAS Centre cardiologique d'Evecquemont, l'a convoqué à un rendez-vous avec les actionnaires le 6 septembre 2018 à 9h30.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 3 septembre 2018 et par courriel, M. Z a informé la société Inviva être en arrêt maladie du 23 août au 9 septembre 2018 et sollicité le report du rendez-vous.

Par une nouvelle lettre recommandée avec avis de réception en date du 7 septembre 2018, l'entretien a été fixé au 12 septembre 2018 à 11h. Par lettre datée du même jour, puis par courriel en date du 10 septembre suivant, M. Z a avisé la société Invita de la prolongation de son arrêt de travail jusqu'au 30 septembre 2018.

Par décision prise le 12 septembre 2018, les associés de la SAS Centre cardiologique d'Evecquemont ont procédé à la révocation du mandat de président de M. Z avec effet immédiat.

Cette décision a été portée à la connaissance de M. Z par courriel du 17 septembre 2018.

Considérant que sa révocation s'était déroulée dans des conditions brutales et vexatoires, M. Z, par acte du 18 mars 2019, a fait assigner la SAS Centre Cardiologique d'Evecquemont devant le tribunal de commerce de Versailles, qui par jugement contradictoire du 30 octobre 2019 l'a débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts et l'a condamné à payer à la SAS Centre Cardiologique d'Evecquemont la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

M. Z a interjeté appel de cette décision le 2 décembre 2019.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 11 septembre 2020, il demande à la cour de :

- le déclarer recevable et fondé en son appel ;

y faisant droit,

- prendre acte de ce que son nouveau domicile est situé ... (27 000) ;

- réformer le jugement en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau,

- constater que la révocation de ses fonctions de président n'est pas intervenue en respectant le principe du contradictoire et l'obligation de loyauté ;

- constater que la révocation de ses fonctions est intervenue dans des conditions brutales, vexatoires et humiliantes ;

- condamner la SAS Centre cardiologique d'Evecquemont au paiement d'une somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice ;

- condamner la SAS Centre cardiologique d'Evecquemont au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter la SAS Centre cardiologique d'Evecquemont de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SAS Centre cardiologique d'Evecquemont aux entiers dépens et dire qu'ils pourront être recouvrés directement par maître Gourion, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Après avoir rappelé qu'il avait été nommé le même jour président du CHP du Montgardé et de la SAS Centre cardiologique d'Evecquemont et directeur général de la SAS Centre d'hémodialyse de Mantes la Jolie, puis contraint de démissionner de cette dernière fonction le 20 juin 2018, ses excellents résultats de 2014 à 2017 et ses problèmes de santé, M. Z soutient que sa révocation est intervenue d'une part en violation du principe du contradictoire et de l'obligation de loyauté et d'autre part dans des conditions brutales, vexatoires et humiliantes.

Sur le premier moyen, il affirme n'avoir jamais reçu de convocation pour un entretien fixé au 29 août 2018 à 9h et ne pas avoir été convoqué par téléphone par Mme Dominique Boulangé, présidente de la société Invita, le 22 août 2018, en vue de sa révocation, soulignant que le courriel de celle-ci adressé au service juridique, non corroboré par d'autres éléments, n'est pas une preuve et qu'à supposer qu'il ait existé, ce mode de convocation ne lui aurait pas permis de connaître précisément les motifs pour lesquels sa révocation était envisagée et donc de pouvoir préparer utilement sa défense. Il précise également qu'il ne connaît pas la directrice des ressources humaines puisque n'étant pas salarié, il ne rendait compte qu'au président directeur général du groupe. Il ajoute ne pas avoir davantage reçu le courriel de Mme Y en date du 28 août 2018, dont il relève qu'il ne fait pas état d'une possible révocation, indiquant qu'à cette époque il était victime d'un piratage de sa boîte émail solutionné par la suite ce qui explique qu'il ait reçu le courriel envoyé le 30 août 2018. A ce sujet, il fait valoir que les intimés ne produisent pas la notification de remise au destinataire du courriel qui lui aurait été envoyé le 28 août 2018. Il conteste ensuite avoir pris l'initiative de prendre des rendez-vous médicaux pour échapper aux convocations expliquant que si son cardiologue avait autorisé des sorties dans le cadre de son arrêt de travail c'était uniquement pour des raisons médicales et non pour d'autres motifs mêmes professionnels, raison pour laquelle il n'a pas pris l'initiative d'aller retirer sa lettre recommandée avec avis de réception auprès des services postaux. S'agissant de la troisième convocation pour le 12 septembre 2018 qui lui a été adressée sans tenir compte de son arrêt de travail, il fait observer qu'elle l'invitait à présenter des observations sur son éventuelle révocation sans le mettre en mesure d'y répondre utilement puisqu'il ne lui a jamais été indiqué sauf en termes vagues, à savoir résultats insuffisants, les raisons pour lesquelles sa révocation était envisagée.

Il expose enfin que la décision de révocation indique de manière mensongère qu'il lui a été rappelé les raisons pour lesquelles sa révocation avait été envisagée et qu'il a ensuite été invité à présenter ses observations en défense.

Sur le second moyen, M. Z explique qu'il a été sommé par courriel du 17 septembre 2018 de remettre son matériel professionnel sans délai à son successeur, qu'il n'a pas pu dire au revoir à ses anciens collaborateurs et que son successeur a informé l'ensemble du personnel de sa nomination en précisant, de manière ironique, qu'il lui souhaitait une bonne continuation 'dans les nouveaux projets qui sont les siens'. Il considère qu'il s'agit de circonstances expéditives, brutales et vexatoires, portant atteinte à son honneur et à sa réputation, compte tenu notamment de l'intervention chirurgicale qu'il venait de subir et de son absence de projet professionnel.

Enfin, M. Z explique qu'il a subi un préjudice moral considérable puisque atteint d'une grave pathologie, il s'est retrouvé à 66 ans sans ressources puisque sans indemnité Pôle emploi et sans possibilité de prétendre à une retraite à taux plein.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 29 juillet 2020, la société Centre cardiologique d'Evecquemont demande à la cour de :

- rejeter l'ensemble des demandes de M. Z ;

- en conséquence, confirmer le jugement ;

- condamner M. Z à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux dépens.

Elle réplique que la révocation de M. Z de son mandat social est intervenue de manière tout à fait régulière et exclusive de toute circonstance justifiant l'allocation de dommages et intérêts.

En premier lieu, après avoir retracé l'historique des convocations, elle explique que M. Z connaissait depuis au moins le 22 août 2018 les griefs qui lui ont été faits et qu'il avait été mis en mesure d'y répondre, ce qu'il a choisi de ne pas faire, de même qu'il a choisi par calcul de ne pas déférer aux trois convocations qui lui ont été adressées, de sorte que la révocation n'a pas été brutale.

En deuxième lieu, sur la connaissance des motifs de la révocation, elle fait valoir que M. Z avait été informé de ce que le motif de sa révocation tenait à l'absence de résultat et que cette information était suffisante dans le cadre d'une révocation ad nutum. Elle considère que celui-ci ne peut pas tout à la fois se plaindre d'être tenu dans l'ignorance des griefs qui lui sont faits et user de procédés dilatoires pour ne pas se rendre aux rendez-vous au cours desquels il aurait eu tout loisir de les entendre et de s'exprimer.

En troisième lieu, elle expose qu'après avoir tenté de le joindre téléphoniquement en vain pour l'aviser de sa révocation, Mme Y a adressé un mail à M. Z le 17 septembre 2018, soit cinq jours après la décision formelle de révocation, l'invitant à restituer le matériel de la société resté en sa possession sans prévoir aucun délai de sorte qu'il avait de fait tout loisir de le faire en fonction de ses propres contraintes. Elle ajoute que contrairement à ce qu'en a pensé M. Z, il est permis de voir dans la lettre de M. X, qui ne mentionne pas la révocation, une marque de délicatesse, précisant qu'en tout état de cause cette lettre qui émane d'un tiers ne peut pas justifier une condamnation de la société. Elle précise également que les mails reçus par M. Z de ses anciens collaborateurs ne justifient pas d'un quelconque caractère brutal attaché à la révocation. Elle conclut, par conséquent, à l'absence de conditions vexatoires ou humiliantes ainsi qu'au respect de l'obligation de loyauté.

Elle critique, enfin, le préjudice allégué dont la nature est ignorée puisque M. Z fait état d'un préjudice moral tout en se fondant sur des motifs économiques, rappelant qu'en raison de la révocabilité ad nutum M. Z ne peut pas prétendre à des dommages et intérêts du fait de sa révocation. Elle précise que le caractère précaire du mandat social était compensé par le niveau de rémunération et qu'il n'est pas justifié d'un préjudice né des circonstances anormales entourant la révocation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 septembre 2019.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

La cour ne statuant en application de l'article 954 du code de procédure civile que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions, il n'y a pas lieu, en l'absence de demande figurant au dispositif de ses écritures, d'examiner les moyens développés à titre liminaire par l'intimée sur la non-conformité des conclusions de l'appelant.

Aucun moyen n'étant soulevé ou susceptible d'être relevé d'office, il convient de déclarer l'appel de M. Z recevable.

Selon l'article L.227-5 du code de commerce, les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société par actions simplifiées est dirigée.

Les statuts de la société Centre cardiologique d'Evecquemont prévoient en leur article 15 que la société est dirigée par un président, lequel 'est révocable à tout moment par décision collective des associés ou par décision de l'associé unique. La décision n'a pas à être motivée et peut intervenir à tout moment'.

Aucune forme n'est précisée.

La révocation ad nutum intervient sans juste motif, ni préavis ni indemnité. Elle suppose néanmoins le respect de l'obligation de loyauté qui appelle à observer le principe de la contradiction.

La preuve que Mme Y aurait, le 22 août 2018, convoqué M. Z par téléphone à un entretien en vue de sa révocation fixé le 29 août suivant est suffisamment rapportée, d'une part, par le mail qu'elle a adressé le même jour au service juridique indiquant 'J'ai convoqué M. Z par téléphone pour mercredi neuf heures à Hexagone. Il ne pouvait pas me voir avant. Je crois qu'il fuit. C lui avait dit qu'il le garderait jusqu'à l'été prochain parce qu'il pourrait être mis en retraite. Je pense que c'est beaucoup trop tard.' et, d'autre part, par les lettres que celui-ci lui a adressées le 23 août 2018 confirmant avoir un statut de salarié et le 3 septembre 2018 indiquant 'Je vous informe ne jamais avoir eu de rendez-vous le 29/8, officiellement, ni par courrier ni par mail'. En effet il se déduit de l 'emploi de l 'adverbe officiellement qu'il reconnaît en avoir eu connaissance officieusement.

Il est également justifié que, par lettres recommandées datées du 30 août 2018 et du 7 septembre suivant, dont le dernier avis de réception porte la mention 'avisé non réclamé', doublées par l'envoi de mails, Mme Y a convoqué M. Z à un entretien le 6 septembre à 9h30 puis le 12 septembre à 11h. Si M. Z conteste avoir reçu le premier mail en raison d'un piratage de sa boîte de messagerie, tel n'est pas le cas du mail du 10 septembre 2018 auquel était jointe une copie de la lettre datée du 7 septembre 2018.

Ces lettres exposent pour la première que le rendez-vous a pour objet d'évoquer 'une éventuelle révocation de votre mandat de président [de la société Centre cardiologique d'Evecquemont]. ..En effet, nous vous rappelons que, face à vos résultats insuffisants, votre révocation est envisagée' et pour la seconde 'Il est souhaité qu'une décision soit prise quant à la poursuite ou non de votre mandat. Nous vous précisons également qu'il est tout à fait possible, si vous le souhaitez, de nous faire part de vos observations sur cette éventuelle révocation par écrit'.

Si ces rendez-vous ont été fixés durant les arrêts de travail de M. Z, Mme Y n'ayant eu connaissance de la prolongation de l'arrêt que le 11 septembre comme en atteste l'avis de réception joint à la lettre qui lui a été envoyée le 7 septembre 2018 par M. Z, à laquelle était jointe la prolongation de son arrêt jusqu'au 30 septembre suivant, il n'est cependant justifié d'aucune circonstance empêchant M. Z de se rendre à la poste pour retirer ses courriers puis à l'entretien fixé le 12 septembre dès lors que si l'arrêt du 23 août n'autorisait que des sorties pour raison médicales, tel n'était pas le cas de l'arrêt du 6 septembre qui autorisait les sorties sans distinction.

En outre, les convocations indiquaient de manière suffisamment précise le motif de l'entretien à savoir la révocation de M. Z au vu de l'insuffisance de ses résultats, de sorte que celui-ci aurait également pu, comme il y avait été invité, adresser à Mme Y des observations écrites.

Il se déduit de ces éléments que le respect de la contradiction a été respecté et que la société Centre cardiologique d'Evecquemont n'a donc pas manqué à son obligation de loyauté envers M. A

Contrairement à ce qui a été ressenti par M. Z, ni le mail de Mme Y daté du 17 septembre 2018 lui adressant la décision de révocation prise par les associés le 12 septembre précédent, nonobstant l'erreur qu'elle comporte quant à son audition, et lui demandant de remettre à M. X, son successeur, le matériel appartenant à la société mais sans lui imposer de condition ou lui enjoindre de délai pour le faire, étant observé que la société n'avait pas à attendre son rétablissement pour récupérer ses biens, ni le message adressé par ce dernier à l'ensemble du personnel médical, soignant et administratif, le 19 septembre 2018 pour les informer de sa nomination mentionnant 'Je prends la succession de M. B D Z à qui je souhaite une bonne continuation dans les nouveaux projets qui sont les siens', ne caractérisent des conditions vexatoires et humiliantes attachées à la révocation.

Enfin, M. Z ne démontre pas que la révocation a été accompagnée de circonstances ayant porté atteinte à sa réputation ou à son honneur, les attestations produites ne faisant état que de son implication dans ses fonctions et de ses résultats.

Il se déduit de ces éléments que les conditions de la révocation n'ont été ni brutales ni abusives.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. Z de sa demande en paiement de dommages et intérêts

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Déclare recevable l'appel formé par M. B D Z ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Condamne M. B D Z à payer à la SAS Centre cardiologique d'Evecquemont la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. B D Z aux dépens de la procédure d'appel.