CA Aix-en-Provence, 2e ch., 24 novembre 2016, n° 15/19421
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Edition Varoise de Communication (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Aubry Camoin
Conseillers :
M. Fohlen, M. Prieur
Avocats :
Me Juston, Me Kuntz
EXPOSE DU LITIGE
Le 6 mars 2015 a été constituée la SAS EDITION VAROISE DE COMMUNICATION ayant pour activité l'édition de périodiques, de magazines sous toutes formes, tout achat, vente ou création ayant trait à la communication sous toutes ses formes, la publicité, l'édition, la diffusion numérique, la téléphonie ainsi que la diffusion de tout support de presse ou de communication, et pour actionnaires monsieur Frédéric B., madame Morag C., monsieur Laurent M., monsieur Gilles C., l'association pour la Diffusion d'Info de Magazines, madame Lydie J., madame Françoise V.D.M., madame Mylène N., monsieur Dominique P., monsieur Michel C..
Par jugement du 18 mars 2015, le tribunal de commerce a rejeté le plan de cession présenté par la société EDITION VAROISE DE COMMUNICATION aux fins de reprendre la société SRPC qui éditait le journal Telex, et a prononcé la liquidation judiciaire des sociétés SRPC et SFRPC.
Les actionnaires de la société EDITION VAROISE DE COMMUNICATION ont décidé la création d'un journal hebdomadaire de petites annonces gratuites sous le nom de T83.
Par acte du 26 juin 2015, monsieur Frédéric B., madame Morag C., monsieur Laurent M., monsieur Gilles C., l'association pour la diffusion d'info de magazines, madame Lydie J., madame Françoise V.D.M. ont assigné la SAS EDITION VAROISE DE COMMUNICATION devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Toulon au visa des articles L 227-1 du code de commerce, aux fins de voir :
- nommer un mandataire de justice avec pour mission de convoquer une assemblée générale des associés de la société EDITION VAROISE DE COMMUNICATION dans les meilleurs délais,
- fixer l'ordre du jour de ladite assemblée comme suit :
révocation de madame Mylène N. de ses fonctions de présidente de la société EDITION VAROISE DE COMMUNICATION
nomination d'un nouveau président
- condamner la société EDITION VAROISE DE COMMUNICATION aux entiers dépens.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 juillet 2015, madame Mylène N. a convoqué l'assemblée générale le samedi 8 août 2015 aux fins de se prononcer sur l'ordre du jour demandé par les requérants dans l'instance.
A l'audience du 2 septembre 2015, les demandeurs arguant d'irrégularités dans la tenue de l'assemblée générale, ont amplié leur demande à la désignation d'un administrateur provisoire de la société.
Par ordonnance contradictoire du 21 octobre 2015, le juge des référés a :
- débouté la société EDITION VAROISE DE COMMUNICATION de l'ensemble de ses demandes,
- nommé Maître Xavier HUERTAS en qualité de d'administrateur provisoire de la société EDITION VAROISE DE COMMUNICATION avec pour mission de :
diriger la société EDITION VAROISE DE COMMUNICATION prendre toutes les décisions rendues nécessaires par l'état de la société procéder à la rédaction d'un bordereau d'état des souscriptions et des versements conforme aux versements effectivement réalisés
convoquer une assemblée générale ayant pour ordre du jour la révocation de madame N. en qualité de présidente et la désignation d'un nouveau président de la société
rétablir le dialogue social entre les associés rédiger un rapport mettant en exergue les difficultés rencontrées par la société depuis sa création et les éventuelles irrégularités observées dans le cadre de sa mission
- dit que les frais du mandataire après taxation seront à la charge de la société EDITION VAROISE DE COMMUNICATION,
- débouté les parties de toutes autres demandes, fins et conclusions,
- condamné la société EDITION VAROISE DE COMMUNICATION aux entiers dépens.
Par déclaration au greffe de la cour en date du 2 novembre 2015, la SAS EDITION VAROISE DE COMMUNICATION a régulièrement relevé appel de cette décision à l'encontre de monsieur Frédéric B., madame Morag C., monsieur Laurent M., monsieur Gilles C., l'association pour la diffusion d'info de magazines, madame Lydie J., madame Françoise V.D.M. ainsi que de Maître HUERTAS es qualités d'administrateur provisoire.
Par ordonnance du 3 novembre 2015 rendue sur requête de Maître Xavier HUERTAS , le Président du Tribunal de commerce de Toulon a désigné la SCP DOUHAIRE AVAZERI représentée par maître DOUHAIRE en qualité d'administrateur provisoire de la société EDITION VAROISE DE COMMUNICATION en remplacement de Maître HUERTAS qui avait été précédemment administrateur judiciaire de la société SRPC.
Dans ses dernières conclusions du 2 février 2016, la société VAROISE DE COMMUNICATION demande à la Cour au visa des articles L 210-2, L 225-14, L 225-16, L 227-5, L 227-9 et R 224-2 du code de commerce, de la jurisprudence prise en vertu de l'article L 223-27 alinéa 5 du code de commerce, des articles 15 et 23 des statuts de la SAS, de l'article 70 du code de procédure civile, de :
- infirmer l'ordonnance déférée,
- déclarer irrecevables et rejeter l'ensemble des demandes et fins de monsieur Frédéric B., madame Morag C., monsieur Laurent M., monsieur Giles C., l'association pour la diffusion d'info de magazines, madame Lydie J., madame Françoise V.D.M.,
- condamner monsieur Frédéric B., madame Morag C., monsieur Laurent M., monsieur Gilles C., l'association pour la diffusion d'info de magazines, madame Lydie J., madame Françoise V.D.M., chacun au paiement de la somme de 1 000 euros en application de l'article 700du code de procédure civile,
- les condamner aux entiers dépens avec distraction.
La société VAROISE DE COMMUNICATION soutient :
- que la demande initiale de convocation d'une assemblée générale par un mandataire judiciaire est irrecevable dès lors que les actionnaires n'ont pas adressé préalablement à la présidente de la société une mise en demeure de réunir l'assemblée, et que la preuve de la carence de cette dernière n'est pas rapportée,
- que la demande initiale est dépourvue d'intérêt dès lors que l'assemblée générale pour statuer sur l'ordre du jour demandé par l'assignation du 26 juin 2015 a été convoquée le samedi 8 août 2015 par la présidente de la société par lettre recommandées avec accusé de réception du 13 juillet 2015, et que l'assemblée générale s'est bien tenue le 8 août 2015,
- que la demande nouvelle formée devant le tribunal de commerce aux fins de voir désigner un administrateur provisoire est irrecevable par application de l'article 70 du code de procédure civile, en l'absence de lien suffisant entre la demande initiale et la demande nouvelle, dès lors que la demande nouvelle a pour objet de dessaisir la présidente de la société de ses fonctions,
- que les demandeurs ne rapportent la preuve ni d'un trouble illicite, ni de l'existence de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et d'un péril imminent pour celle ci.
Monsieur Frédéric B. a été assigné le 5 février 2016 en l'étude de l'huissier.
Monsieur Gilles C. a été assigné le 5 février 2016 en l'étude de l'huissier.
L'association pour la diffusion d'info magazines a été assignée le 5 février 2016 en l'étude de l'huissier.
Madame V.D.M. a été assignée le 5 février 2016 en l'étude de l'huissier. Monsieur Morag C. a été assigné le 8 février 2016 en l'étude de l'huissier.
Madame Lydie J. a été assignée le 10 février 2016 par PV de recherche article 659.
Monsieur Laurent M. a été assigné le 8 février 2016 en l'étude de l'huissier.
L'association pour la diffusion d'info magazines, a été assignée le 5 février 2016 en l'étude de l'huissier.
Les intimés n'ont pas constitué avocat quoique régulièrement assignés.
Maître HUERTAS, assigné le 4 février 2016 à sa personne, a refusé l'acte en raison de la fin de sa mission par ordonnance du 3 novembre 2015.
Par acte du 3 août 2016, la société EDITION VAROISE DE COMMUNICATION a assigné Maître DOUHAIRE en sa qualité d'administrateur provisoire de ladite société.
Maître DOUHAIRE es qualités, assigné à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.
Il sera statué par arrêt de défaut.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande initiale de désignation d'un mandataire judiciaire avec mission de réunir l'assemblée générale de la société
Aux termes de l'article 23 des statuts de la société :
'Les assemblées générales sont convoquées, soit par le président, soit par un mandataire désigné par le président du tribunal de commerce statuant en référé à la demande d'un ou plusieurs associés réunissant cinq pour cent au moins du capital ou à la demande du comité d'entreprise en cas d'urgence, soit par le commissaire aux comptes s'il en existe un.'
La demande en désignation d'un mandataire judiciaire pour convoquer l'assemblée générale, formée par un certain nombre d'actionnaires réunissant cinq pour cent au moins du capital par acte du 26 juin 2015, est en conséquence recevable, aucune disposition n'imposant comme condition la carence de la présidente ou sa mise en demeure préalable.
L'assemblée générale de la société EDITION VAROISE DE COMMUNICATION s'est réunie le 8 août 2015 sur convocations adressées par lettre recommandées avec accusé de réception de la présidente du 13 juillet 2015, avec pour ordre du jour la révocation de madame Mylène N. de sa fonction et la désignation d'un nouveau président.
L'assemblée générale a rejeté la demande de révocation de madame Mylène N. de sa fonction de présidente de la société à une majorité de 458 voix contre 292 voix.
A la date de l'audience du 2 septembre 2015, la demande initiale était en conséquence devenue sans objet, en l'état de la réunion de l'assemblée générale le 8 août 2015.
Sur la demande additionnelle de désignation d'un administrateur provisoire
Aux termes de l'article 70 alinéa 1 du code de procédure civile :
'Les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.'
Les prétentions originaires avaient pour objet la désignation d'un mandataire judiciaire ayant pour mission de convoquer l'assemblée générale en vue de la révocation de la présidente et de la désignation d'un nouveau dirigeant.
Les motifs de l'assignation initiale étaient les suivants :
- les apports de chaque associé ne figurent pas dans les statuts, contrairement aux dispositions de l'article 1835 du code civil
- la présidente de la société n'a pas déféré à la demande des associés/actionnaires de se voir communiquer le registre des sociétés, les registre des assemblées générales, la répartition officielle des parts sociales, les preuves d'achat des registres
- les demandeurs disposent d'au moins 5% du capital social de la société et sont recevables à demander la réunion d'une assemblée générale visant à révoquer madame N. de ses fonctions de présidente.
La demande additionnelle a pour objet la désignation d'un administrateur provisoire, et pour motifs des irrégularités alléguées de l'assemblée générale du 8 août 2015.
La désignation d'un administrateur provisoire qui dessaisit le dirigeant social de sa fonction, suppose rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement régulier de la société, menaçant celle ci d'un dommage imminent et mettant en péril les intérêts sociaux.
La demande additionnelle n'est pas recevable dès lors qu'elle ne se rattache pas aux prétentions originaires par un lien suffisant.
L'ordonnance déférée sera en conséquence infirmée en toutes ses dispositions.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Les intimés qui succombent supporteront les entiers dépens de l'instance, et seront condamnés in solidum à payer à la société EDITION VAROISE DE COMMUNICATION la somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en dernier ressort par défaut
Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée, statuant à nouveau et ajoutant
Déclare recevable la demande initiale en désignation d'un mandataire judiciaire aux fins de convoquer l'assemblée générale de la société EDITION VAROISE DE COMMUNICATION,
Dit que la demande est devenue sans objet par suite de la convocation de l'assemblée générale par la présidente le 8 août 2015,
Déclare irrecevable la demande additionnelle en désignation d'un administrateur provisoire de la société EDITION VAROISE DE COMMUNICATION en l'absence de lien suffisant avec la demande initiale,
Condamne in solidum monsieur Frédéric B., madame Morag C., monsieur Laurent M., monsieur Gilles C., l'association pour la diffusion d'info de magazines, madame Lydie J., madame Françoise V.D.M. à payer à la société EDITION VAROISE DE COMMUNICATION la somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum monsieur Frédéric B., madame Morag C., monsieur Laurent M., monsieur Gilles C., l'association pour la diffusion d'info de magazines, madame Lydie J., madame Françoise V.D.M. aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction par application de l'article 699 du code de procédure civile.