CA Grenoble, ch. com., 22 janvier 2015, n° 11/04418
GRENOBLE
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rolin
Conseillers :
M Bernaud, Mme Pages
Par acte en date des 9 et 12 septembre 1988, Madame T. veuve C., aux droits de laquelle se trouve Madame Renée C. épouse S., a donné à bail à la société MAMAN ET BÉBÉ, aux droits de laquelle se trouvent les époux F., un local commercial destiné exclusivement à l'exploitation d'un commerce d'habillement d'enfants, articles de puériculture et de jeunes mamans, bijouteries fantaisies et accessoires de mode.
À la suite d'une modification de l'activité, Madame Renée C. épouse S. a, par acte en date du 24 mars 2010, fait délivré aux époux F. un commandement d'avoir à cesser l'exercice d'activités non autorisées par le bail et visant la clause résolutoire insérée au bail.
Par actes du 26 avril 2010, les époux F. ont fait délivrer une demande de déspécialisation plénière et partielle des locaux commerciaux à Madame Renée C. épouse S. qui a répondu négativement par actes en date des 25 juin et 19 juillet 2010.
Par acte en date des 23 avril et 1er octobre 2010, les époux F. ont fait assigner Madame Renée C. épouse S. devant le tribunal de grande instance de Valence en nullité du commandement et en autorisation de déspécialisation totale ou partielle des locaux commerciaux.
Par jugement en date du 13 septembre 2011, le tribunal de grande instance de Valence a débouté les époux F. de leurs demandes en nullité du commandement et en déspécialisation partielle des locaux commerciaux, a fait droit à leur demande de déspécialisation plénière et les a autorisés à exercer une activité de «'vente de cosmétiques, application de cosmétiques sur le visage au moyen d'un appareil aux fins de rajeunissement, pratique de soins d'amincissement au moyen d'une machine appelée 'laserlipo' et toutes activités connexes ou complémentaires'».
Madame Renée C. épouse S. a relevé appel de cette décision le 3 octobre 2011.
Par conclusions du 15 octobre 2014, Madame Renée C. épouse S. demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les intimés de leurs demandes en nullité de commandement et de déspécialisation partielle, de le réformer pour le surplus, de débouter les époux F. de leurs demandes et de les condamner à lui payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile aux motifs':
'que l'activité de vente de cosmétiques et leur usage n'est pas comprise dans les activités prévues au bail'et celle exercée par les locataires n'est pas connexe ou complémentaire à celle autorisée ;
-que les époux F. se sont placés en infraction au regard du contrat en exerçant une activité non prévue et en ne sollicitant pas préalablement l'autorisation ;
'que les époux F. ont formé une demande de transformation de leur activité alors que l'infraction était définitivement consommée ;
' que le seul défaut d'autorisation préalable constitue un motif grave et légitime de refus ;
' que la seule baisse du chiffre d'affaires des preneurs ne peut justifier une telle transformation à défaut d'une modification sensible de la situation économique et de l'organisation de la distribution et alors que la compatibilité de la nouvelle activité avec le local commercial n'est pas démontrée, les normes de sécurité et d'hygiène pour l'exercice de soins à la personne étant soumises à une réglementation stricte ;
Par écritures du 1er mars 2012, les époux F. concluent à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a autorisé la déspécialisation plénière des locaux, à sa réformation en ce qu'il a rejeté la nullité du commandement et à la condamnation de l'appelante à leur payer la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile aux motifs':
' que les commerçants doivent adapter leur offre à la demande de la clientèle et l'activité, qu'ils demandent l'autorisation d'exercer au titre d'une déspécialisation partielle est en liaison avec la vente de cosmétiques alors que l'activité prévue au bail ne permet pas de survivre ainsi que le démontre la baisse constante de leur chiffre d'affaires';
' que le tribunal n'a pas tiré les conséquences de sa décision puisque que l'activité autorisée était celle exercée à la date du commandement, il devait en prononcer la nullité';
' que l'activité principale du fonds de commerce est la vente de bijoux fantaisie, la vente de produits de beauté n'étant pas interdite, activité secondaire qui vient en soutien de l'exploitation principale qui se montre défaillante au plan commercial.
La clôture de la procédure a été prononcée le 27 novembre 2014.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur la nullité du commandement en date du 24 mars 2010 :
Attendu que du procès verbal de constat établi le 28 décembre 2009 à la demande de la bailleresse il ressort que le commerce exercé dans les lieux loués sous l'enseigne «'BEAUTÉ BIO ET NATURELLE'» a trait à la vente de produits cosmétiques bio et naturels, amincissement, rajeunissement';
Que l'activité initiale des époux F. déclarée au RCS et exercée sous l'enseigne«TURQUOISE» était celle de création et vente de bijoux fantaisie' alors que l'extrait du RCS daté du 1er février 2010 mentionne une activité de «'centre de bien être et de remise en forme, négoce de parfumerie, cosmétique, bijoux fantaisies, objets décoration, accessoire, mode'» exercée sous l'enseigne «'BEAUTÉ BIO ET NATURELLE'» ;
Que le changement d'activité a donc précédé la demande d'autorisation de déspécialisation partielle et plénière et existait à la date de délivrance du commandement dont les époux F. ne peuvent dès lors solliciter la nullité à défaut de justification de motifs de nullité autre que l'autorisation judiciaire donnée ultérieurement et qui ne peut rétroagir à la date du commandement ;
Que le jugement déféré sera confirmé de ce chef';
Sur la déspécialisation partielle :
Attendu que par des motifs pertinents que la cour adopte le premier juge a dit que l'activité exercée par Mme F. n'était ni connexe, ni complémentaire de celle autorisée par le bail';
Qu'en effet, pour justifier leur demande, les intimés soutiennent que l'activité sollicitée est en lien avec la vente de cosmétiques alors que celle ci n'était pas plus prévue au bail, «'fantaisie et accessoires de mode'» ne pouvant s'entendre comme étant des articles de parfumerie et de cosmétique';
Que le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de déspécialisation partielle';
Sur la déspécialisation plénière :
Attendu que Mme Renée C. épouse S. a refusé la demande des époux F. en arguant que celle-ci ne se fondait sur aucune des conditions visées à l'article L.145-48 du code de commerce et que la transformation d'activité avait précédé la demande en autorisation';
Attendu qu'en application de l'article L.145-48 du code de commerce , la déspécialisation plénière peut être autorisée eu égard à la conjoncture économique et aux nécessités de l'organisation rationnelle de la distribution et à condition que l'activité envisagée soit compatible avec la destination, les caractères et la situation de l'immeuble';
Que par suite, le locataire doit prouver non seulement que l'activité de fabrication et vente de bijoux fantaisie initialement exploitée n'est plus rentable mais également que la ou les nouvelles activités sont pertinentes compte tenu des nécessités de l'organisation de la distribution dans le quartier';
Attendu que les époux F. justifient d'une dégradation importante du chiffre d'affaires et du résultat du fonds de commerce qui sont passés de 91 991 € et 19 009 € en 2006 à 49 462 € et un déficit de 202 € en 2009';
Que cependant, il n'est pas démontré par les preneurs que leur nouvelle activité est utile à l'organisation de la distribution dans le quartier et notamment qu'elle correspond à un besoin du consommateur';
Qu'au contraire, il est établi que la ville de Valence compte plus de 50 instituts de beauté à l'activité similaire dont plus de 20 au centre ville et 4 dans la seule rue où est implanté le fonds de commerce exploité par les intimés et ce, sans compter les parfumeries';
Que par conséquent, la demande des époux F., qui de surcroit n'ont pas respecté la procédure prévue et se sont mis en infraction en débutant leur activité plusieurs mois avant d'en solliciter l'autorisation, sera rejetée et le jugement déféré infirmé';
Attendu que l'équité commande qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'intimée ;
Que les époux F., qui succombent en leur appel, seront déboutés de ce chef';
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
'
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à nullité du commandement en date du 24 mars 2010 et débouté les époux F. de leur demande en déspécialisation partielle,
Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,
Déboute les époux F. de leur demande en déspécialisation plénière et de celle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne les époux F. à payer à Mme Renée C. épouse S. la somme de 1 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne les époux F. aux dépens.