CA Bordeaux, ch. soc. A, 25 février 2014, n° 13/02268
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Demeures de Thetis (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Vignau
Conseillers :
Mme Grandemange, M. Berthommé
Avocats :
Me Calbiac, Me Katz
Monsieur B. Dominique a été engagé à compter du 1er août 2009 sans contrat écrit, en qualité de chargé de mission par la SAS les Demeures de Thetis avec une rémunération mensuelle de 1.321,13 €.
A partir de la même date Monsieur B. devenait directeur général de la SAS les Demeures de Thetis, société par action simplifiée au capital de 1.000 000 €, ayant pour objet : la prise de participation dans toute société', qu'il dirigeait, en l'absence de son président, Monsieur Sabatier.
Suite à des problèmes de santé rencontrés de novembre 2010 à juin 2011, le 22 juillet 2011 Monsieur B. Dominique a saisi le Conseil de Prud'hommes, statuant en référé pour solliciter un salaire mensuel de 3.776,79 € au titre de sa fonction de directeur général, un rappel de salaires correspondant à 82.427 €, ainsi que diverses autres sommes.
Par ordonnance du 6 octobre 2011 cette juridiction a constaté l'existence d'une contestation sérieuse concernant la rémunération de la fonction de directeur général mais a accueilli la demande de Monsieur B. concernant un complément de salaire pendant l'arrêt de travail à hauteur de 2.942,5 €, a rejeté la demande de compensation réclamée par l'employeur et a condamné la société Thetis à payer à Monsieur B. Dominique 350 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 12 octobre 2011 Monsieur B. a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, au fond. Il indiquait exercer les fonctions de directeur général et souhaiter percevoir la somme de 3.776,79 € par mois, il demandait un rappel de salaire de 83.492,44 €, des dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail, des dommages et intérêts pour licenciement nul de 70.000 €, à titre subsidiaire 60.000 € pour licenciement abusif, une indemnité compensatrice de préavis de 11.330,04 €.
Par jugement du 20 février 2013 cette juridiction a dit que Monsieur B. demandait la condamnation de la société Thetis au seul paiement d'une rémunération au titre de sa fonction de directeur général, et donc en sa qualité de mandataire social et non de salarié et s'est déclaré matériellement incompétent au profit du Tribunal de Commerce de Bordeaux.
Ce jugement, dont le délibéré prévu initialement le 23 octobre 2012 a été prorogé au 20 février 2013, a été notifié aux parties le 21 février 2013.
Monsieur B. a, par déclaration au greffe du Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, le 6 mars 2013 formé un contredit à l'encontre de ce jugement (article 80 et suivants du code de procédure civile).
A l'appui de son contredit Monsieur B. demande à voir reconnaître qu'il était titulaire d'un contrat de travail, que ses demandes se rapportent à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail, de déclarer recevable le contredit de compétence, de déclarer la juridiction prud'homale compétente, il demande à la Cour d'évoquer le fond du dossier, à titre principal de dire qu'il exerçait les fonctions de secrétaire général et devait percevoir une rémunération mensuelle de 3.776,79 €, de condamner la SAS les Demeures de Thetis à lui verser : un rappel de salaire de 83.492,44 €, 8.349,79 € au titre des congés payés afférents, la somme de 1.391,55 € au titre du solde de l'indemnité de licenciement, enjoindre à la SAS les Demeures de Thetis de lui remettre sous astreinte les bulletins de salaire et l'attestation Pôle Emploi rectifiés, condamner les Demeures de Thetis à lui verser la somme de 10.000 € pour exécution déloyale du contrat de travail et non respect de son obligation de sécurité.
A titre subsidiaire il demande de constater qu'il était titulaire d'un contrat de travail à temps plein et devait percevoir une rémunération de 2.642,26 €, de condamner la SAS les Demeures de Thetis à lui verser : un rappel de salaire de 44.914€, 4.491,4 €, 749,05 € au titre du solde de l'indemnité de licenciement, de condamner les Demeures de Thetis à lui verser la somme de 10.000 € pour exécution déloyale du contrat de travail et non respect de son obligation de sécurité; constater la nullité du licenciement, condamner la SAS les Demeures de Thetis à lui verser 70.000 € de dommages et intérêts, à titre subsidiaire, dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, condamner la SAS les Demeures de Thetis à lui verser 60.000 € de dommages et intérêts. En tout état de cause, de confirmer l'ordonnance de référé, de condamner la SAS les Demeures de Thetis à lui verser 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées au greffe, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence la SAS les Demeures de Thetis demande in limine litis de déclarer la demande de contredit irrecevable.
A titre principal, de constater que les demandes formulées par Monsieur B. relèvent de la qualité de mandataire social et non de celle de salarié, confirmer la décision attaquée, se déclarer incompétent au profit du Tribunal de Commerce de Bordeaux, de condamner Monsieur B. à verser à la Société les Demeures de Thetis 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire, et sur le fond, de dire qu'en tout état de cause la rémunération de Monsieur B. doit demeurer fixée à la somme mensuelle de 1.321,13 €, que Monsieur B. exerçait une activité à temps partiel, de rejeter sa demande au titre des rappels de salaires, dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, rejeter sa demande pour licenciement nul ou abusif, rejeter sa demande au titre des indemnités pour exécution déloyale du contrat de travail. A titre reconventionnel condamner Monsieur B. à payer à lui verser la somme de 39.664,05 € de frais non justifiés et 5.000 € au titre des frais irrépétibles.
Sur ce, la Cour :
Sur la recevabilité du contredit formé par Monsieur B.
Aux termes des articles 80 et suivants du code de procédure civile, le contredit doit être formé par déclaration au secrétariat greffe dans les quinze jours du prononcé du jugement, lorsque la date du jugement initialement fixée a été prorogée, ce qui est le cas en l'espèce, le délai de quinze jours court à partir de la date de notification.
En l'espèce, le jugement a été notifié le 21 février 2013, le contredit a été formé au greffe le 6 mars 2013 soit dans le délai de quinze jours visé à l'article 82 du code de procédure civile. Le contredit formé par Monsieur B. est donc recevable.
Sur la compétence du Conseil de Prud'hommes
Monsieur B. soutient, pour la première fois à l'appui de son appel, avoir, dès son embauche le 1er août 2009, uniquement exercé les fonctions de secrétaire général de la SAS les Demeures de Thetis dans le cadre d'un contrat de travail et c'est à ce titre qu'il doit percevoir un salaire mensuel de 3.776,79 €, il demande de condamner la SAS les Demeures de Thetis à lui verser un rappel de salaire de 83.492,44 € ainsi que 8.349,79 € au titre des congés payés afférents.
Or, il ressort des documents produits par les parties qu'à compter du 1er aout 2009 Monsieur B. a été nommé directeur général de la SAS les Demeures de Thetis pour assurer direction de la société, en l'absence de son président, Monsieur Sabatier.
Suivant l'article 14 des statuts de la société les Demeures de Thetis (pièce 8 de Monsieur B.) : la société est dirigée et représentée par un président et le cas échéant par un ou plusieurs directeurs généraux (ou directeurs généraux délégués), le président dirige et administre la société, à cet effet, il est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social et des pouvoirs attribués à la collectivité des associés. Le président représente la société à l'égard des tiers. Il peut déléguer les pouvoirs qu'il juge convenables (y compris le pouvoir de représentation de la société à l'égard des tiers).
Le président peut désigner un ou plusieurs directeurs généraux (ou directeurs généraux délégués).
Chaque directeur général (ou directeur général délégué) a les mêmes pouvoirs que le président. Toutefois, la décision qui le nomme peut les limiter dans l'ordre interne.
Sa rémunération est fixée par le président. Tout directeur général (ou directeur général délégué) peut résilier ses fonctions ou être révoqué dans les mêmes conditions par le président.
Il ressort encore des attestations produites par Monsieur B., lui-même : qu il a exercé les fonctions de directeur général à compter de juin 2009 et que du fait de l'absence permanente du président, domicilé au Maroc, Monsieur B. était le seul dirigeant des Demeures de Thetis et faisait bien fonction de directeur général' il était le seul, en l'absence permanente de Monsieur Sabatier à prendre toutes les décisions majeures de la société. (pièces 10, 11, 12 de Monsieur B.)
Contrairement à ce que soutient Monsieur B. devant la Cour d'Appel, il n'a jamais exercé les fonctions de secrétaire général , cette fonction n existe pas au vu des statuts précités, seulement celles de directeur général, visées à l'article 14 des statuts, ce conformément à l'article L.227-5 du code de commerce. Monsieur B. tenait ses pouvoirs de sa désignation en qualité de directeur général et des statuts qui lui conféraient les pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstances au nom de la société. Il ne tenait pas ses pouvoirs d'une délégation de pouvoirs. Cette délégation signée le 21 avril 2010, neuf mois après sa prise de fonction, par le président Monsieur Sabatier et par Monsieur B. en sa qualité de directeur général, n'a fait qu'officialiser les pouvoirs de représentation de Monsieur B. à l'égard des tiers, conformément aux dispositions légales et aux statuts de la société.
Il est constant que l'existence d'un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur. Or, en l'espèce, Les statuts de la société et les pièces produites par Monsieur B. établissent que ce dernier exerçait le mandat de Directeur Général avec les pleins pouvoirs, équivalents à ceux du président de la SAS, Monsieur B. reconnait, d'ailleurs, avoir réalisé des actifs de la société pour dix millions d'euros.
Le mandat social de Directeur Général n'est pas incompatible avec un contrat de travail.
Toutefois, pour que le cumul soit possible, il faut que le contrat de travail corresponde à un emploi effectif s'entendant de fonctions techniques distinctes de celles de direction, donnant lieu en principe à rémunération distincte, exercées dans le cadre d'un lien de subordination vis à vis de la société et dans des conditions exclusives de toute fraude à la loi. Ces règles sont applicables aux fonctions de dirigeant.
Monsieur B. a été engagé par la SAS les Demeures de Thetis par contrat de travail oral, il percevait une rémunération mensuelle de 1.321,13 € pour un poste de chargé de mission.
Or, en cause d'appel il nie avoir exercé cumulativement des fonctions de chargé de mission dans le cadre d'un contrat de travail et celles de directeur général de la SAS les Demeures de Thetis dans le cadre d'un mandat social.
Il ne revendique nullement avoir exercé des fonctions de chargé de mission à mi temps distinctes dans le cadre d'un contrat de travail. Il explique qu'il s'agissait d'une mission fictive et qu'il était entièrement absorbé par ses fonctions de direction à plein temps.
En l'espèce Monsieur B. ne caractérise l'existence d'aucun lien de subordination. Au contraire, Monsieur B. nie toutes fonctions distinctes. Il revendique notamment la requalification du contrat à plein temps au motif qu'il lui fallait du temps pour céder les actifs de la société.
Dès lors, il convient de le débouter de l'ensemble de ses demandes, accessoires et très accessoires puisque toutes les demandes chiffrées sollicitées au titre de salaires, rappels de salaires, de la requalification, du licenciement, le sont exclusivement au titre de l'exercice des fonctions de directeur général, et donc de son mandat social qui ne relèvent pas de la compétence de la juridiction prud'hommale.
La Cour confirme, en conséquence, la décision d'incompétence prise par la juridiction prud'hommale au profit du Tribunal de Commerce de Bordeaux.
Sur la demande reconventionnelle de la SAS les Demeures de Thetis, la Cour se déclare incompétente pour statuer sur des demandes de remboursements de frais qui relèvent de l'exercice du mandat social.
L'équité commande au vu de la disparité des ressources existant entre les parties de laisser à la charge de chacune d'elle, les frais irrépétibles engagés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme la décision attaquée dans toutes ses dispositions.
Se déclare incompétente matériellement pour statuer sur la demande reconventionnelle liée à l'exercice de la fonction de dirigeant. de la SAS les Demeures de Thetis.
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l article 700 du code de procédure civile.
Condamne les parties aux dépens chacune par moitié.