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Décisions

CA Paris, ch. 3, 23 septembre 2020, n° 18/16957

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

BRASIL COONECTION (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme THAUNAT

Conseillers :

Mme GIL, Mme GOURY

Paris, du 30 mai 2018

30 mai 2018

Par acte authentique du 23 mai 1997, M. Jean-Jacques D. a donné à bail à la société AMAZONIA, aux droits de laquelle vient la société BRASIL CONNECTION en suite d'une cession de fonds en date du 5 septembre 2006, des locaux à usage commercial dépendant d'un immeuble situé [...] 11e, pour une durée de 9 ans à compter du 1er juin 1997, à destination de la « vente de cadeaux et accessoires de modes ' souvenirs et tous objets décoratifs ».

 

Par jugement du 2 février 2010, le tribunal de commerce de Paris a ordonné l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société BRASIL CONNECTION et, par jugement du 7 juin 2011, arrêté un plan de redressement au bénéfice de cette société.

 

Par acte extrajudiciaire du 22 janvier 2014, la société BRASIL CONNECTION a sollicité de M. D. l'autorisation de modifier la destination des locaux, pour y exercer une activité de restauration et débit de boissons, épicerie fine et primeur.

 

M. D. s'y est opposé par acte extrajudiciaire du 17 mars 2014.

 

Par acte extrajudiciaire du 27 mai 2014, la société BRASIL CONNECTION a sollicité de M. D. l'autorisation de modifier la destination des locaux et d'y exercer, conjointement ou séparément, à titre principal l'activité de "traiteur", venant compléter l'activité de "épicerie fine et primeur" visée dans la première demande et non refusée et à titre subsidiaire, les activités de "glacier, salon de thé et boulangerie-pâtisserie-chocolatier".

 

Par acte extrajudiciaire du 29 juillet 2014, M. D. a refusé la déspécialisation sollicitée.

 

Par acte du 14 janvier 2015, la société BRASIL CONNECTION a fait assigner M. Jean-Jacques D. devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'être autorisée, à titre principal, à adjoindre l'activité de traiteur à l'activité d'épicerie fine et de primeur et, à titre subsidiaire, exercer dans les locaux les activités de glacier, salon de thé et boulangerie, pâtisserie, chocolatier.

 

Par jugement du 30 mai 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :

 

- Rejeté la demande de la société BRASIL CONNECTION tendant à être autorisée à exercer dans les locaux loués les activités de restauration, débit de boissons, épicerie fine ou primeur,

 

- Rejeté la demande de la société BRASIL CONNECTION tendant à être autorisée à exercer dans les locaux loués, conjointement ou séparément, à titre principal, l'activité de « traiteur » venant compléter l'activité de « épicerie fine et primeur » visée dans la demande du 27 janvier 2014 et, à titre subsidiaire, les activités de « glacier, salon de thé et boulangerie ' pâtisseries - chocolatier»,

 

- Dit et jugé que le non-respect, par la société BRASIL CONNECTION, des activités de « vente de cadeaux et accessoires de modes ' souvenirs et tous objets décoratifs » constitue un manquement grave de cette dernière à ses obligations contractuelles,

 

- Ordonné la résiliation judiciaire du bail liant M. Jean-Jacques D. à la société BRASIL CONNECTION aux torts exclusifs de la société BRASIL CONNECTION à compter de la présente décision,

 

- Dit et jugé que la société BRASIL CONNECTION devra libérer de sa personne et de ses biens, ainsi que tous occupants de son chef, les lieux occupés au 26 et [...] 11e à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,

 

- Dit et jugé que, faute pour la société BRASIL CONNECTION et tout occupant de son chef d'avoir quitté les lieux dans le délai indiqué et celui-ci passé, M. Jean-Jacques D. pourra faire procéder à leur expulsion, avec l'assistance de la force publique si besoin est,

 

- Rappelé que le sort des meubles trouvés dans les lieux est régi par l'article L.433-1 du code des procédures civiles d'exécution,

 

- Fixé l'indemnité d'occupation due par la société BRASIL CONNECTION à M. D. à compter de la présente décision à 0h00 et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du dernier loyer contractuel en cours, outre les taxes et les charges, et en tant que de besoin, la condamne à la lui payer,

 

- Condamné la société BRASIL CONNECTION à payer à M. D. la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

 

- Condamné la société BRASIL CONNECTION aux dépens, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

 

- Dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire,

 

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes.

 

Par déclaration du 4 juillet 2018, la société BRASIL CONNECTION a interjeté appel de ce jugement.

 

Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 25 juin 2020, la société BRASIL CONNECTION demande à la cour de :

 

Vu les articles L. 145-47 et suivants et les articles L. 145-52 et suivants du Code de Commerce,

 

Vu les articles L.145-10 et L.145- 17 du même Code,

 

Vu les dispositions des articles 144, 232 et suivants du Code de Procédure Civile,

 

Vu l'article 1353 du Code Civil,

 

Vu les pièces versées aux débats,

 

- Déclarer la Société BRASIL CONNECTION recevable et bien fondée en son appel.

 

- Infirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris du 30 mai 2018 en toutes ses dispositions.

 

ET STATUANT A NOUVEAU,

 

Sur le respect des dispositions du bail :

 

- Dire et Juger que la Société BRASIL CONNECTION n'a pas manqué à ses obligations contractuelles notamment au regard de la clause de destination du bail commercial.

 

- Subsidiairement, commettre tel expert qu'il plaira à la Cour ayant pour mission de déterminer si la Société BRASIL CONNECTION a méconnu la clause de destination du bail commercial.

 

- Constater, Dire et Juger que les éventuels manquements à la destination ne sont pas suffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire.

 

- Constater de surcroît l'accord tacite par Monsieur D. au renouvellement du bail commercial de BRASIL CONNECTION en dépit des manquements allégués par Monsieur D., le déclarer en conséquence irrecevable en ses demandes.

 

- Dire et juger subsidiairement que tout manquement grave, s'il en était, à la clause de destination du bail, devra cesser dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir et ne justifie pas le prononcé d'une résiliation immédiate.

 

- Dire et juger en conséquence que Monsieur D. n'est pas fondé à demander une résiliation judiciaire du bail pour méconnaissance de la clause de destination du bail commercial.

 

- Rejeter la demande de M. D. de résiliation judiciaire du bail aux torts de la société BRASIL CONNECTION.

 

- Déclarer la société BRASIL CONNECTION recevable en sa demande de modification des activités prévues au bail en date du 23 mai 1997 concernant les locaux à usage commercial, sis à [...], appartenant à M. D. et dont la société BRASIL CONNECTION est locataire.

 

Et, s'agissant de la demande de modification d'activité de la société BRASIL CONNECTION

 

S'agissant de l'activité d'épicerie fine et de primeur :

 

- Dire que M. Jean-Jacques D. a autorisé la société BRASIL CONNECTION à exercer l'activité d'épicerie fine et de primeur depuis le 17 mars 2014, ou à tout le moins, n'a pas opposé d'arguments à l'activité d'épicerie fine et de primeur, et n'a donc pas justifié son refus et, a fortiori, n'a donc pas opposé de motif grave et légitime.

 

- Dire, à l'inverse, que la société BRASIL CONNECTION établit que les conditions prévues par l'article L. 145-48 du Code de Commerce, pour justifier l'activité envisagée, sont remplies en l'espèce.

 

- En conséquent, Autoriser la Société BRASIL CONNECTION à exercer l'activité de primeur et épicerie fine.

 

- et Ordonner le maintien du loyer à son niveau actuel, ou à défaut, Ordonner une expertise aux fins de fixation du loyer au frais du bailleur.

 

S'agissant de l'activité de restauration et de débit de boisson :

 

- Dire que les motifs avancés par M. Jean-Jacques D. à l'appui de son refus d'autoriser l'activité de restauration et de débit de boisson ne sont pas justifiés, ou, à tout le moins, ne constituent pas un motif grave et légitime, au sens de l'article L. 145-52 du Code de Commerce.

 

- Dire, à l'inverse, que la Société BRASIL CONNECTION établit que les conditions prévues par l'article L. 145-48 du Code de Commerce, pour justifier l'activité envisagée, sont remplies en l'espèce.

 

- En conséquent, Autoriser la Société BRASIL CONNECTION à exercer l'activité de restauration et de débit de boisson.

 

- Fixer le loyer mensuel à la somme de 2.000,00 euros, ou à défaut, Ordonner une expertise aux fins de fixation du loyer.

 

S'agissant de l'activité de traiteur :

 

- Dire que les motifs avancés par M. Jean-Jacques D. à l'appui de son refus d'autoriser l'adjonction de l'activité de traiteur ne sont pas justifiés, et, à tout le moins, ne constituent pas un motif grave et légitime, au sens de l'article L. 145-52 du Code de Commerce ;

 

- Dire, à l'inverse, que la Société BRASIL CONNECTION établit que les conditions prévues par l'article L. 145-48 du Code de Commerce, pour justifier de l'adjonction de l'activité envisagée, sont remplies en l'espèce.

 

- En conséquent, autoriser la Société BRASIL CONNECTION à exercer l'activité de traiteur.

 

- Fixer le loyer mensuel à la somme de 1.800,00 euros, ou à défaut, Ordonner une expertise aux fins de fixation du loyer.

 

S'agissant de l'activité de glacier, salon de thé et boulangerie-pâtisserie-chocolatier :

 

- Dire que les motifs avancés par M. Jean-Jacques D. à l'appui de son refus d'autorisation des activités de glacier, salon de thé et boulangerie - pâtisseries ' chocolatier ne sont pas justifiés, et, à tout le moins, ne constituent pas un motif grave et légitime, au sens de l'article L. 145-52 du Code de Commerce.

 

- Dire, à l'inverse, que la Société BRASIL CONNECTION établit que les conditions prévues par l'article L. 145-48 du Code de Commerce, pour justifier la modification d'activité envisagée, sont remplies en l'espèce.

 

- Autoriser, en conséquence, la Société BRASIL CONNECTION à exercer, dans les lieux, les activités de glacier, salon de thé et boulangerie - pâtisseries ' chocolatier, et ce, en application de l'article L. 145-52 du Code de Commerce,

 

- et Ordonner le maintien du loyer à son niveau actuel, ou à défaut, Ordonner une expertise aux fins de fixation du loyer.

 

En tout état de cause :

 

- Condamner M. Jean-Jacques D. à verser la somme de 3.500,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

 

- Condamner M. Jean-Jacques D. aux entiers frais et dépens dont le recouvrement sera directement poursuivi par Maître Laurence T.-B. conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

 

Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 18 juin 2020, M. Jean-Jacques D. demande à la cour de :

 

Vu les articles L 145-48 et suivants du Code de commerce,

 

Vu les articles 1729 et 1184 du Code Civil

 

Vu les pièces communiquées

 

- Déclarer Monsieur D. recevable et bien fondé en ses écritures,

 

En conséquence :

 

A titre principal,

 

- Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de PARIS en date du 30 mai 2018

 

- Débouter la société BRASIL CONNECTION de l'ensemble de ses demandes

 

Y ajoutant,

 

- Condamner la société BRASIL CONNECTION à payer à Monsieur D. une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 2.900 euros hors charges à compter du jugement du 30 mai 2018 jusqu'à la libération effective des lieux

 

A titre subsidiaire,

 

- Dire que le refus de Monsieur D. du 17 mars 2014 concernant la demande de déspécialisation plénière du bail par la société BRASIL CONNECTION afin d'exercer dans les lieux loués une activité de restauration et débit de boisson ainsi qu'épicerie fine et primeur est justifié par un motif grave et légitime,

 

- Dire que le refus de Monsieur D. du 29 juillet 2014 concernant la demande de déspécialisation plénière du bail par la société BRASIL CONNECTION concernant les activités suivantes, prises conjointement ou séparément :

 

A titre principal, l'activité de « traiteur » venant compléter l'activité de « épicerie fine et primeur » visée dans la première demande et non refusée ; et

 

A titre subsidiaire, les activités de glacier, salon de thé et boulangerie 'pâtisserie - chocolatier».

 

est justifié par un motif grave et légitime

 

- Débouter la société BRASIL CONNECTION de l'ensemble de ses demandes.

 

A titre infiniment subsidiaire,

 

- Fixer le loyer à la somme mensuelle de 2.900 euros hors charges à compter du 28 juin 2016, date du procès-verbal constatant le changement de destination des lieux loués

 

En tout état de cause,

 

- Condamner la SARL BRASIL CONNECTION à payer à Monsieur D. la somme de TROIS MILLE CINQ CENTS EUROS (3.500 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

 

- Condamner la SARL BRASIL CONNECTION aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître G., en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

 

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 30 juin 2020.

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

 

Sur les demandes de déspécialisation plénière

 

La société BRASIL CONNECTION a formé une première demande de déspécialisation plénière par acte d'huissier de justice en date du 22 janvier 2014 pour exercer dans le local une activité de restauration et débit de boisson ainsi qu'épicerie fine et primeur.

 

Par acte d'huissier de justice en date du 17 mars 2014, le bailleur a déclarer refuser la déspécialisation plénière demandée et a indiqué que l'implantation d'un nouveau restaurant ne répondait pas aux nécessités d'une organisation rationnelle de la distribution dans la mesure où il existait déjà rue de Lappe une quarantaine de restaurants et ou de bars ; que la conjoncture économique affectait également cette activité et rappelait les stipulations du règlement de copropriété de l'immeuble aux termes duquel "sont formellement exclus tous établissements dangereux insalubres ou incommodes ou qui par l'odeur ou les émanations pourraient incommoder les voisins."

 

Le bailleur, n'a pas évoqué dans sa réponse l'activité de "épicerie fine et primeur", la motivation de son refus ne portant que sur l'activité de restauration et sa conclusion indiquant "en conséquence de ce qui précède, le bailleur refuse la déspécialisation plénière sollicitée par la société BRASIL CONNECTION'. Il en résulte que le bailleur ne s'est pas opposé à l'exercice d'une nouvelle activité d'épicerie fine et primeur. Il est dès lors, en application de l'article L145-49 du code de commerce, réputé avoir accepté cette demande.

 

Par jugement en date du 7 juin 2011, le tribunal de commerce de Paris a arrêté le plan de redressement de la société BRASIL CONNECTION, pour une durée de sept ans. Il n'est pas soutenu que le commerce exercé dans les lieux était rentable, le preneur pouvait en conséquence solliciter une déspecialisation plénière. Cependant, c'est à juste titre que le bailleur s'est opposé à la transformation du fonds en une activité de restauration, cette activité étant de nature à créer des nuisances.

 

Le preneur a présenté une seconde demande de déspécialisation plénière par acte d'huissier de justice en date du 27 mai 2014 relative à titre principal à l'activité de "traiteur", venant compléter l'activité de "épicerie fine et primeur" visée dans la première demande et non refusée et à titre subsidiaire, les activités de "glacier, salon de thé et boulangerie-pâtisserie-chocolatier".

 

Par acte d'huissier de justice en date du 29 juillet 2014, le bailleur a déclaré s'opposer à cette demande, aux motifs qu'il s'agissait d'un commerce de bouche et qu'il n'apparaissait pas que l'implantation d'un nouveau commerce de bouche réponde aux nécessités d'une organisation rationnelle de la distribution dans la mesure où il existait déjà dans le quartier de nombreux commerces de bouche et rappelait que le règlement de copropriété interdisait formellement les commerces dangereux, insalubres ou incommodes, ou qui par l'odeur ou les émanations pourraient incommoder les voisins.

 

La société locataire ne démontre pas que l'activité de "traiteur" et celle de "glacier, salon de thé et boulangerie-pâtisserie-chocolatier" répondent à la nécessité d'une organisation rationnelle de la distribution, ce type de commerce existant déjà dans le quartier, ainsi que le souligne le bailleur. En outre, les activités de "traiteur" et de "boulangerie-pâtisserie", sont de nature à créer des nuisances olfactives dans la mesure où elles supposent des activités de cuisson et des locaux adaptés à cet usage.

 

Dans ces conditions le bailleur s'est valablement opposé à cette seconde demande de déspécialisation plénière.

 

Sur la résiliation du bail

 

Le preneur conclut à l'infirmation du jugement entrepris. Il soutient qu'il n'a pas enfreint la clause de destination du bail, que compte tenu des difficultés rencontrées dans le domaine de la mode il a recentré son activité sur la vente de cadeaux dont une partie est orientée vers le concept du 'bien être' sur le modèle de l'enseigne Nature et Découverte qui propose dans ses 'idées cadeaux' des produits 'thés et épicerie' et 'bien être' parmi lesquels on retrouve tous les produits actuellement commercialisés dans la boutique ; que si la vente de thé ou de café vendus sous forme de coffrets cadeaux n'entrait pas expressément dans l'activité de vente de cadeaux, elle en constitue l'accessoire en l'espèce à la vente de service à thé ou café qui sont sans conteste des cadeaux. Elle soutient également que la clause de destination du bail ne lui interdit pas la vente de couches lavables qui constitue un cadeaux de naissance ; que la vente de tapis de yoga relève de la destination cadeaux et/ou accessoires. Elle conteste toute sous-location s'agissant d'un contrat de partenariat avec la société Aujourd'hui Bio, dont elle est le distributeur ; qu'elle reconnaît avoir voulu donner le fonds en location-gérance à la société SAS RESTAURATION 30, cette société ayant comme objet social une activité de vente de cadeaux, accessoires de modes et souvenirs ; que la location-gérance n'est pas interdite par le bail ; que le bailleur ne s'étant pas opposé à la demande de renouvellement du bail il est réputé avoir renoncé aux manquements évoqués.

 

Le bailleur conclut à la confirmation du jugement entrepris. Il reproche à la société locataire d'avoir en cours de procédure entrepris une nouvelle activité en contravention avec la clause de destination du bail, en commercialisant du thé, du café, des tisanes et divers objets liés à la vitalité, au sport, à l'énergie au naturel, des cosmétiques bio, des bijoux et accessoires magnétiques, des huiles essentielles et notamment des tapis de sols, des coussins pour les cervicales, des parfums d'intérieur, des bâtons d'encens, des hamacs, des bols et récipients divers, des outils de massage anti-cellulite. Il reproche également à la société locataire de ne pas exploiter les lieux de manière effective et met en doute le partenariat allégué. Il conteste toute acceptation tacite du renouvellement du bail, la demande de résiliation pour violation de la clause de destination ayant été présentée antérieurement à la demande de renouvellement du preneur.

 

En l'espèce, selon la clause de destination figurant au bail liant les parties 'les locaux faisant l'objet du présent bail devront exclusivement être consacrés par le preneur, savoir Vente de cadeaux et accessoires de mode -souvenirs et tous objets décoratifs'.

 

Il n'y a pas lieu à déspécialisation si l'activité litigieuse est implicitement incluse dans les commerces autorisés par le bail, en raison notamment de l'évolution des usages.

 

Le terme cadeaux est défini selon le dictionnaire PETIT ROBERT comme étant 'un objet que l'on offre à quelqu'un'. Le preneur rappelle que selon une décision de cette cour 'la notion de cadeau suppose un objet sortant plutôt de l'usage quotidien, obéissant à certaines exigences d'esthétiques ou d'originalité, s'accompagnant en principe d'une présentation élégante'. Le bailleur s'il soutient que le preneur a violé la clause de destination du bail en offrant à la vente du thé, du café, et divers objets liés au bien être et au yoga, ne précise pas les objets que la société pouvait commercialiser pour respecter la clause de destination. Le preneur établit notamment par la production d'un extrait du site internet www.mariefrance.fr, '25 idées de cadeaux' que peuvent être offerts comme cadeaux des objets destinés à chasser le stress et la fatigue, des coffrets de thés ou de café, des huiles de massage, des huiles essentielles..... Dans ces conditions, le preneur établit que l'évolution des usages permet la vente à titre de cadeau du thé, du café ou des tisanes à condition cependant que cette vente s'effectue sous forme de coffrets cadeaux. Elle permet également la vente d'objets liés au bien-être, ou au yoga comme des huiles essentielles, des coussins, de l'encens ou des tapis de yoga, dans la mesure où ces produits sortant plutôt de l'usage quotidien, sont vendus avec une présentation soignée. En revanche, la société locataire n'établit que l'évolution des usages permettrait la vente à titre de cadeaux de couches lavables.

 

En conséquence, compte tenu de l'imprécision du terme 'cadeaux' et des usages constatés quant aux ventes correspondantes, le manquement reproché par le bailleur à la clause de destination du bail n'est pas d'une gravité suffisante pour entraîner la résiliation du bail.

 

Le bailleur étant réputé avoir accepté l'activité d'épicerie fine, il ne peut être reproché à la société locataire la vente de 'cafés thés du monde, jus, tisanes, cocktails détox, chocolats, cacao, fines gourmandises, baies, fruits secs, miel production commerce équitable, épicerie fine sans gluten, végan', telle que relevée par l'huissier constatant le 28 juin 2016.

 

La proposition de dégustation gratuite, dès lors qu'elle est effectuée à titre promotionnel, ne contrevient pas à la clause de destination du bail.

 

Le bailleur soutient que le preneur n'exploiterait plus les lieux de manière effective. Aucune clause du bail ne fait obligation au preneur d'exploiter personnellement les lieux loués. Le preneur établit par la production d'un contrat de partenariat avec Aujourd'hui Bio, qu'il n'a pas consenti une sous-location de la boutique. Il établit par la production d'un bulletin de salaire de Mme Sandrine T., vendeuse dans la boutique, que celle-ci est salariée de la société BRASIL CONNECTION et non de son partenaire. Il établit également par la production de son grand livre et des factures correspondantes les achats effectués par la société BRASIL CONNECTION auprès de la société AUJOURD'HUI BIO. Aucune conclusion ne peut être tirée de la rédaction du site de la société AUJOURD'HUI BIO , invoquée par le bailleur, celle-ci ayant depuis lors été modifiée et présentant désormais la boutique de la rue de Lappecomme étant la boutique de son partenaire.

 

La société BRASIL CONNECTION soutient qu'ayant adressé au bailleur le 29 mai 2018 une demande de renouvellement du bail dont elle est titulaire, et le bailleur ne s'étant pas opposé à cette demande de renouvellement, il ne peut plus invoquer les manquements contractuels antérieurs à la date à laquelle le bail s'est renouvelé.

 

Le bailleur soutient que la société locataire ne peut se prévaloir de sa demande de renouvellement en application de l'article 1229 du code civil, la demande de résiliation étant antérieure à la demande de renouvellement du preneur.

 

En l'espèce, la société locataire a sollicité le renouvellement de son bail par un courrier dactylographié en date du 29 mai 2018, signé de M. Alexandre Y., gérant de la société BRASIL CONNECTION adressé à M. Jean-Jacques D., par lettre recommandée, l'accusé de réception portant une signature ainsi que la date de remise du 1er juin 2018 ; la copie du courrier produit aux débats, porte également la mention manuscrite "le 30 05 2018 Reçu en mains propres" suivie d'une signature. Ce courrier par lequel la société BRASIL CONNECTION sollicite le renouvellement de son bail "signé rétroactivement le 01 juin 2006", reproduit les dispositions de l'alinéa 4 de l'article L145-10 du code de commerce.

 

La validité de cet acte n'est pas contestée par M. D. et il n'est pas soutenu qu'il se serait opposé à ce renouvellement par un moyen quelconque, le jugement ordonnant la résiliation rendu le 30 mai 2018, ayant été frappé d'appel le 4 juillet 2018, alors qu'il n'était pas assorti de l'exécution provisoire et les premières conclusions de M. D., en sa qualité d'intimé, ne contiennent aucun développement à ce sujet.

 

Compte tenu de l'absence de réponse du bailleur à la demande de renouvellement, le bail s'est renouvelé entre les parties. Depuis le prononcé du jugement entrepris, le preneur a continué son activité à l'enseigne Aujourd'hui Bio. Le bailleur reproche au preneur la violation de la clause de destination du bail.

 

Pour les motifs développés ci-dessus, les manquements à la clause de destination du bail en raison des ventes réalisées dans les lieux loués, postérieurement au renouvellemement du bail, ne sont pas d'une gravité suffisante pour entraîner la résiliation du bail.

 

Aucune clause du bail n'interdisant la location-gérance , il ne peut être fait grief à la société BRASIL CONNECTION d'avoir souhaité donner en location-gérance le fonds de commerce exploité dans les lieux à la société RESTAURATION 30, laquelle selon l'extrait Kbis du registre du tribunal de commerce de Paris en date du 23 juin 2020 a pour activité 'vente de cadeaux et accessoires de mode, souvenirs et tous objets décoratifs'.

 

Compte tenu de la crise sanitaire, la dette de loyer arrêtée au 16 juin 2020, à la somme de 5364,21 euros, n'est pas d'un montant suffisamment élevé, pour entraîner la résiliation du bail.

 

Même considérés dans leur ensemble, les manquements reprochés au preneur ne sont pas d'une gravité suffisante pour entraîner la résiliation du bail.

 

En conséquence, le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail.

 

Sur les conséquences de la déspecialisation plénière

 

Le bailleur sollicite à titre subsidiaire en application de l'article L145-50 alinéa 2 du code de commerce de fixer le montant du loyer à compter du 28 juin 2016, date du constat d'huissier constatant le changement de destination des lieux.

 

Le constat d'huissier dressé à la demande du bailleur indique que sur la devanture du commerce figurent les mentions 'sélection bio café thés du monde, jus, tisanes, cocktails détox, chocolats, cacao, fines gourmandises, baies, fruits secs, miel production commerce équitable, épicerie fine sans gluten, végan'. Dans ces conditions, le bailleur mettant ainsi en évidence l'adjonction de l'activité d'épicerie fine depuis le 28 juin 2016, est bien fondé à demander en conséquence, en contrepartie de l'avantage concédé la modification du prix du bail, à compter de la transformation du commerce.

 

La cour ne possédant pas suffisamment d'éléments pour déterminer la valeur locative du bien loué à compter du 28 juin 2016, il convient d'instituer sur ce point une mesure d'expertise.

 

Sur les demandes accessoires

 

Le jugement étant infirmé à titre principal, il le sera également en ce qui concerne le sort des dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Il ne sera pas fait application en cause d'appel de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Les dépens seront réservés.

 

PAR CES MOTIFS

 

La cour statuant contradictoirement,

 

Infirme le jugement entrepris,

 

Dit que le bailleur ne s'est pas opposé dans les délais à la demande de déspécialisation plénière pour les activités de 'épicerie fine et primeurs' ;

 

Constate en conséquence que les activités d'épicerie fine et primeurs sont autorisées ;

 

Déboute la société BRASIL CONNECTION pour le surplus de ses demandes de despécialisation plénière ;

 

Dit que les manquements reprochés à la société BRASIL CONNECTION ne sont pas suffisamment graves pour entraîner la résiliation du bail liant les parties ;

 

Déboute M. D. de sa demande de résiliation du bail liant les parties ;

 

Reçoit M. D. en sa demande d'augmentation du montant du loyer compte tenu de la déspécialisation à compter du 28 juin 2016;

 

Institue une mesure d'expertise

 

commet pour y procéder

 

Gaël LE V.

 

[...]

 

[...]

 

[...]

 

tel : [...]

 

tel : [...]

 

avec mission, les parties ayant été convoquées et dans le respect du principe du contradictoire, de :

 

1/ se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission,

 

2/ se rendre sur les lieux situés [...] 11e et les visiter,

 

3/ décrire les locaux commerciaux, déterminer la surface des locaux, dire et justifier le cas échéant l'application d'un coefficient de pondération,

 

4/ donner son avis sur la valeur locative du loyer à la date du 26 juin 2016, compte tenu de l'adjonction de l'activité 'd'épicerie fine et primeurs' à celle de 'Vente de cadeaux et accessoires de mode-souvenirs et tous objets décoratifs'.

 

en tenant compte:

 

- de tous les éléments mentionnés aux articles L 145-33, L145-34, R 145-2 et suivants du Code de Commerce ,

 

- de toutes références pertinentes de fixations amiables et judiciaires,

 

- éventuellement des usages observés dans la branche d'activité considérée,

 

Dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport au greffe de la 3ème chambre du pôle 5 (5-3) de la cour d'appel de Paris avant le 15 septembre 2021 ;

 

Fixe à la somme de 3.000 (TROIS MILLE) euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, somme qui devra être consignée par M. D. à la Régie de la cour d'appel de Paris, [...] avant le 26 octobre 2020 ;

 

Dit que, faute de consignation de la provision dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet ;

 

Dit qu'un des magistrats de la chambre sera délégué au contrôle de cette expertise,

 

Renvoie l'affaire à l'audience de mise en état du jeudi 29octobre 2020 à 13H pour contrôle du versement de la consignation ;

 

Renvoie l'affaire pour reprise des débats après dépôt du rapport de l'expert, à l'audience du conseiller de la mise en état de la 3ème chambre du pôle 5 (5-3) de cette cour à la date qui sera fixée ultérieurement par le conseiller de la mise en état ;

 

Sursoit à statuer sur les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile

 

Réserve les dépens.