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Décisions

Cass. crim., 28 avril 1977, n° 75-93.284

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Monguilan

Rapporteur :

M. Ledoux

Avocat général :

M. Pageaud

Avocats :

Me Delvolvé, Me de Grandmaison

Besançon, ch. corr., du 21 oct. 1975

21 octobre 1975

SUR LES POURVOIS DE X..., DE VEUVE Z..., ET DE L'ASSOCIATION DE PECHE ET DE PISCICULTURE DE LA SEILLE : ATTENDU QU'AUCUN MOYEN N'A ETE PRODUIT A L'APPUI DE LEUR POURVOI ;

SUR LE POURVOI DU PROCUREUR GENERAL, DU MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DU SYNDICAT DE PISCICULTEURS ET SALMONICULTEURS DE FRANCE :

VU LES MEMOIRES PRODUITS TANT EN DEMANDE QU'EN DEFENSE ;

SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION DU PROCUREUR GENERAL REPRIS PAR LE SYNDICAT DES PISCICULTEURS ET SALMONICULTEURS DE FRANCE, PRIS DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 434-1, PARAGRAPHE 1, DU CODE RURAL, POUR DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, EN CE QUE LA COUR, APRES AVOIR ADMIS QU'IL ETAIT ETABLI QU'UNE PARTIE AU MOINS DU FUEL DONT LA PRESENCE A ETE CONSTATEE A LA SOURCE Z... PROVENAIT DE L'USINE A..., A RENVOYE JEAN A..., PRESIDENT-DIRECTEUR GENERAL, PENALEMENT RESPONSABLE DE CET ETABLISSEMENT, DES FINS DE LA POURSUITE, AU MOTIF PRIS QU'IL IGNORAIT CET ECOULEMENT ET QU'AUCUNE IMPRUDENCE, NEGLIGENCE OU TOUTE AUTRE FAUTE AYANT ETE A L'ORIGINE DU FAIT POLLUANT N'A PU ETRE RELEVEE A SA CHARGE ;

ALORS QUE CES ELEMENTS NE SONT PAS CONSTITUTIFS DU DELIT VISE A L'ARTICLE 434-1 DU CODE RURAL ;

SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION DU MINISTRE DE L'AGRICULTURE PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 434-1 DU CODE RURAL, DE L'ARTICLE 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, DE L'ARTICLE 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT DE MOTIFS ET DE BASE LEGALE, EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A RELAXE LE PREVENU DES FINS DE LA POURSUITE POUR DELIT DE POLLUTION DE COURS D'EAU PAR DEVERSEMENT DE SUBSTANCES NOCIVES ;

AUX MOTIFS QUE, SI L'ELEMENT MATERIEL DE L'INFRACTION EST ETABLI, IL N'EN EST PAS DE MEME DE L'ELEMENT MORAL QUI DOIT CONSISTER EN UNE IMPRUDENCE, UNE NEGLIGENCE OU EN TOUTE AUTRE FAUTE DONT LE PREVENU NE S'EST PAS EXONERE PAR LA PREUVE D'UNE FORCE MAJEURE ;

QU'EN EFFET, LES CANALISATIONS QUI SONT A L'ORIGINE DE LA POLLUTION ONT ETE INSTALLEES CONFORMEMENT AUX REGLEMENTS ET AUX REGLES DE L'ART, QU'ELLES ETAIENT NON DENUDEES ET GAINEES DE BETON, QU'ELLES ETAIENT RECENTES ;

QU'EN CONSEQUENCE, LE PREVENU N'AVAIT PAS A LES VERIFIER PERIODIQUEMENT ET QUE LEUR CORROSION PRECOCE ETAIT IMPREVISIBLE POUR LUI ;

ALORS QU'UN DEVERSEMENT ACCIDENTEL DE SUBSTANCES NOCIVES, FUT-IL INVOLONTAIRE ET IMPREVISIBLE, SUFFIT A CONSTITUER L'INFRACTION POURSUIVIE ;

QUE LA COUR AURAIT DU, A TOUT LE MOINS, CONSIDERER QU'IL Y AVAIT EU DE LA PART DU PREVENU NEGLIGENCE FAUTIVE DANS LE CHOIX DES CANALISATIONS SUJETTES A CORROSION PRECOCE ;

QU'EN OUTRE, L'ACCIDENT NE POUVAIT ETRE QUALIFIE D'IMPREVISIBLE, LE PREVENU ETANT TENU D'APPRECIER LES QUALITES ET LES DEFAUTS DES CANALISATIONS CHOISIES ;

LES MOYENS ETANT REUNIS ;

VU LESDITS ARTICLES ;

ATTENDU QUE LE DELIT DE POLLUTION DE COURS D'EAU, PREVU ET PUNI PAR L'ARTICLE 434-1 DU CODE RURAL, A SEULEMENT LE CARACTERE D'UNE INFRACTION MATERIELLE ;

QUE LE FAIT QU'IL INCRIMINE, D'AVOIR LAISSE S'ECOULER DANS UNE RIVIERE DES SUBSTANCES TOXIQUES, IMPLIQUE UNE FAUTE DONT LA PREUVE N'A PAS A ETRE SPECIALEMENT RAPPORTEE PAR LE MINISTERE PUBLIC ET DONT LE PREVENU NE PEUT ETRE EXONERE QUE PAR LA FORCE MAJEURE ;

ATTENDU QUE L'ARRET ATTAQUE CONSTATE QU'A PARTIR DU 16 MARS 1971 ET AU COURS DES ANNEES 1972 ET 1973, LA RIVIERE LA GIZIA A ETE POLLUEE PAR LE DEVERSEMENT, DANS SON COURS, DE MAZOUT QUI A DETRUIT LE POISSON, OU NUI A SA NUTRITION, A SA REPRODUCTION OU A SA VALEUR ALIMENTAIRE, QUE LE 18 DECEMBRE 1971, A..., INDUSTRIEL, EST PARVENU A LOCALISER LA FUITE S'ETANT PRODUITE SUR UNE CANALISATION, DEPENDANT DE SON ETABLISSEMENT, QUI, ENFOUIE DANS LE SOL, LAISSAIT APPARAITRE DES POINTS DE CORROSION QUI NE LA RENDAIT PLUS ETANCHE ;

QUE LE MAZOUT QUI S'ETAIT REPANDU DANS LE SOL, APRES LA DECOUVERTE DE LA FUITE, A CONTINUE A POLLUER LA RIVIERE EN RAISON DE LA NATURE DU TERRAIN ET DU REGIME DES PLUIES ;

ATTENDU QU'APRES AVOIR CONSIDERE QUE L'ELEMENT MATERIEL DE L'INFRACTION DEVAIT ETRE RETENU A LA CHARGE DE A..., LES JUGES D'APPEL, POUR RELAXER LE PREVENU ET DEBOUTER LES PARTIES CIVILES, ENONCENT QUE L'ELEMENT MORAL FAIT CEPENDANT DEFAUT, QU'EN EFFET SI L'ARTICLE 434-1 DU CODE RURAL A ETE CONCU EN DES TERMES TRES LARGES POUR LUTTER EFFICACEMENT CONTRE LA POLLUTION, IL N'EN DEMEURE PAS MOINS QUE L'INFRACTION, PREVUE PAR CE TEXTE, N'EST PAS PUREMENT MATERIELLE OU CONTRAVENTIONNELLE, QUE SI ELLE PEUT ETRE ETABLIE A L'ENCONTRE DE CELUI QUI, COMME EN L'ESPECE, IGNORAIT L'EXISTENCE DE L'ECOULEMENT, C'EST A LA CONDITION QUE SOIT RELEVEE A SA CHARGE, SOIT UNE IMPRUDENCE, SOIT UNE NEGLIGENCE OU TOUTE AUTRE FAUTE AYANT ETE A L'ORIGINE DU FAIT POLLUANT, ET QU'EN OUTRE LE PREVENU DOIT ETRE ADMIS A S'EXONERER PAR LA PREUVE DE LA FORCE MAJEURE ;

QUE, SELON L'ARRET, LA CANALISATION AYANT ETE MISE EN PLACE SIX ANS AUPARAVANT, CONFORMEMENT AUX REGLEMENTS ET AUX REGLES DE L'ART, IL NE SAURAIT ETRE FAIT GRIEF A A... DE NE PAS L'AVOIR PERIODIQUEMENT VISITEE POUR S'ASSURER DE SON ETANCHEITE ;

QUE, DES LORS, AUCUNE FAUTE NE PEUT ETRE ETABLIE A LA CHARGE DU PREVENU ;

MAIS ATTENDU QU'EN STATUANT AINSI LA COUR D'APPEL A MECONNU LE PRINCIPE CI-DESSUS RAPPELE ;

QUE LA CASSATION EST ENCOURUE DE CE CHEF ;

ET ATTENDU QU'EN RAISON DE L'INDIVISIBILITE LA CASSATION DOIT S'ETENDRE A TOUS LES DEMANDEURS ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE DANS TOUTES SES DISPOSITIONS L'ARRET DE LA COUR D'APPEL DE BESANCON, EN DATE DU 21 OCTOBRE 1975, ET POUR QU'IL SOIT STATUE A NOUVEAU CONFORMEMENT A LA LOI : RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D'APPEL DE DIJON

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE dans toutes ses dispositions l'arrêt de la Cour d'appel de Besançon, en date du 21 octobre 1975, et pour qu'il soit statué à nouveau conformément à la loi :

RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'appel de Dijon.