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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 9 février 2017, n° 15/20098

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Amilton Partners (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hébert-Pageot

Conseillers :

Mme Rohart-Messager, M. Bédouet

T. com. Paris, du 27 févr. 2015, n° 2013…

27 février 2015

Dans le cadre d'une opération de LMBO, M. X et Mme Y, ont décidé de racheter deux filiales de la société Assya Compagnie Financière qu'ils dirigeaient et qui étaient mises en vente, puis de constituer, le 1er février 2007, la Sas Amilton Partners, ayant pour activité les opérations sur valeurs mobilières. M. X a été désigné président de cette société, qui est devenue la holding des filiales Amilton Asset Management et Amilton Corporate Finance.

Le 31 décembre 2007, M. X et Mme Y ont conclu un pacte d'actionnaires stipulant l'engagement irrévocable d'apporter leurs titres Cfd/Assya à Amilton Partners dès qu'ils en auraient la libre disposition, ainsi qu'un engagement de non-concurrence aussi longtemps qu'ils seront titulaires de leurs titres. Les statuts d'Amilton Partner prévoient que l'exclusion d'un associé pourra être prononcée en cas de violation des statuts ou de tout engagement de nature à causer un préjudice à la société ou à ses filiales ou d'exercice direct ou indirect d'une activité concurrente, cette exclusion conférant à la société la faculté d'acquérir les actions détenues par l'associé exclu.

Des difficultés, sur l'origine desquelles les parties ne s'accordent pas, étant apparues, M. X a démissionné, le 8 janvier 2009, de son mandat social et a été remplacé par Mme Y.

Le 22 février 2010, M. X a créé la société Akoya Patrimoine dont il est le gérant et l'associé majoritaire.

Considérant que l'activité d'Akoya Patrimoine concurrençait celle d'Amilton Partners, le comité de direction de cette dernière, après avoir sollicité les explications de M. X, a décidé de l'exclure en tant qu'actionnaire, selon délibération du 30 juin 2010, et lui a notifié le rachat de ses 41.925 actions, représentant environ 32% du capital social, au prix de 1 euro, le 2 juillet 2010, ce montant tenant compte de pertes sociales de 1.196.809 euros.

C'est dans ce contexte que M. X a assigné Amilton Partners devant le tribunal de commerce de Paris aux fins notamment de restitution des actions dont il a été privés.

Par jugement du 27 février 2015, le tribunal de commerce de Paris a débouté M. X de ses demandes, la société Amilton Partners de ses demandes de dommages et intérêts et a condamné M. X au paiement de 8.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

M. X a relevé appel de cette décision selon déclaration du 12 octobre 2015 et demande à la cour, dans ses conclusions signifiées le 5 septembre 2016, d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes, de juger en tant que de besoin que la décision d'exclusion est annulée, de juger qu'il est associé d'Amilton Partners pour la totalité des 41.925 actions dont il a été irrégulièrement privés, de condamner Amilton Partners, dans l'hypothèse où une modification de la structure du capital ou de l'activité serait intervenue, à retrouver une quotité d'actions lui conférant la même participation au capital d'Amilton Partners ou de toute autre société à laquelle l'activité aurait été transférée, ainsi qu'au paiement de 25.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive et en réparation de son exclusion sociale depuis le 30 juin 2010, à 15.000 euros au titre des frais irrépétibles, de confirmer le jugement en ce qu'il débouté Amilton Partners de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts et de condamner l'intimée aux dépens.

Dans ses écritures signifiées le 26 septembre 2016, Amilton Partners demande à la cour, à titre principal, de juger prescrite la demande d'annulation de la décision d'exclusion, de constater au besoin que cette demande est nouvelle en appel et dire irrecevable la demande en restitution des actions cédées, en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. X de toutes ses prétentions, de juger qu'il a violé le pacte d'actionnaires, de prendre acte de son exclusion et du rachat de ses 41.925 actions, de constater l'impossibilité d'ordonner la restitution des actions du fait de l'absence d'autorisation de l'AMF, de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté toutes les demandes de M. X, en tout état de cause, de l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts et de condamner M. X à lui payer 15.000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.

SUR CE

- Sur le rabat de l'ordonnance de clôture

Par conclusions du 29 septembre 2016 M. X demande le rabat de l'ordonnance de clôture intervenue le 27 septembre 2016.

Le conseil d'Amilton Partners, qui a conclu et communiqué quatre nouvelles pièces la veille de la clôture a indiqué ne pas s'opposer au rabat de l'ordonnance de clôture. Il convient de rabattre l'ordonnance de clôture et de prononcer la clôture au jour de l'audience.

- Sur la demande d'annulation de la décision d'exclusion et de restitution des actions

Sur la recevabilité:

Amilton Partners soulève l'irrecevabilité de la demande d'annulation de la décision d'exclusion, en ce qu'elle n'a jamais été valablement formée et en ce qu'elle est nouvelle en appel. M. X s'y oppose, soutenant que cette demande a bien été présentée en première instance et motivée en droit et en fait, la demande de restitution des actions impliquant nécessairement la demande d'annulation de la décision d'exclusion.

Il ressort, d'une part, de l'assignation du 8 janvier 2013, que dès l'introduction de l'instance devant le tribunal de commerce de Paris, M. X s'est prévalu de l'irrégularité et du caractère abusif de son exclusion à l'origine du rachat forcé de ses actions, contestant la pertinence du motif tiré de l'exercice d'une activité concurrente en violation du pacte d'actionnaires, d'autre part, des conclusions devant le tribunal de commerce de Paris, datées du 24 mars 2014, que M. X a sollicité, en tant que de besoin, expressément l'annulation de la décision d'exclusion.

Cette demande d'annulation, qui fait corps avec la demande de restitution des actions, au soutien de laquelle M. X a développé des moyens de droit et de fait, a été valablement formée et n'est nullement nouvelle en cause d'appel.

Amilton Partners soutient encore que la restitution des actions suppose l'annulation de l'acte de cession qui ne peut plus intervenir une telle action étant prescrite.

Cette fin de non recevoir tirée de la prescription sera également rejetée dès lors que le transfert de propriété des actions litigieuses ne résulte pas d'une cession de gré à gré, mais découle de l'article XIV des statuts, et que, n'étant que la conséquence de la décision d'exclusion, la remise en cause de cette cession forcée est nécessairement comprise dans la demande d'annulation de la décision d'exclusion.

Il s'ensuit que M. X sera déclaré recevable en ses demandes.

Sur le fond

Amilton Partners a pour objet en France et en tous autres pays, toutes opérations, pour son propre compte, d'achat, de vente et de gestion de valeurs mobilières françaises et étrangères de toute nature, l'achat, la souscription, la gestion, la vente, l'échange de ces valeurs et tous droits sociaux, la prise d'intérêts et la participation directe ou indirecte dans toutes sociétés créées ou à créer par tous moyens, l'acquisition et l'attribution à son profit de tous biens meubles et immeubles, l'exploitation de ces biens, leur vente et leur apport en société, la participation à toutes opérations pour l'exploitation, la gestion et l'administration de toutes affaires ou entreprises.

Les statuts d'Amilton Partners prévoient à l'article XIV que "l'exclusion d'un associé peut également être prononcée dans les cas suivants [....] ( i) violation des dispositions des présents statuts ou de tout engagement ou accord de nature à causer un préjudice à la société ou à ses filiales (ii) exercice direct ou indirect d'une activité concurrente de celle exercée par la Société".

Le pacte d'actionnaires signé par M. X le 31 décembre 2007 stipule en son article 13 une clause de non-concurrence ainsi libellée "Les Associés Dirigeants (....) s'engagent aussi longtemps qu'ils seront titulaires de Titres puis pendant une période de quatre (4) mois après la cession de l'Intégralité de ses Titres, sur le Territoire :

(i) A ne pas exercer ou entreprendre directement ou indirectement (y compris par l'intermédiaire d'un tiers prestataire de services), pour son propre compte ou pour le compte de tiers, tout ou partie de l'Activité

(ii) A ne pas prendre des participations directes ou indirectes dans les sociétés, entreprises ou groupements exerçant tout ou partie de l'Activité

(iii) à ne pas occuper un poste de gérant de portefeuille et/ou d'OPCVM, mandataire social, administrateur, membre du conseil de surveillance, employé ou consultant dans toute société, entreprise ou tout groupement exerçant tout ou partie de l'Activité".

La Sarl Akoya Patrimoine créée par M. X le 22 février 2010, un an après sa démission, a pour activité, selon ses statuts et la mention figurant sur l'extrait K-Bis, en France et à l'étranger, le conseil en gestion de patrimoine, le conseil en investissement financier (CIF), le démarchage en placements financiers et en produit de capitalisation, l'intermédiation en opérations de banque, la recherche de financements immobiliers ou professionnels, les transactions sur immeubles et fonds de commerce sans perception de fonds, effets ou valeurs, l'intermédiation en opérations d'assurance, la commercialisation de toutes valeurs mobilières et immobilières, et toutes formations afférentes à ces domaines de compétence.

Suivant procès-verbal du 30 juin 2010, le comité de direction d'Amilton Partners, après avoir constaté que M. X avait contrevenu aux dispositions du pacte d'actionnaires et des statuts en procédant à la création d'une entité dont l'activité est en concurrence directe avec celle d'Amilton Asset Management, filiale d'Amilton Partners, dont il est l'actionnaire quasi-unique et le gérant, a décidé de l'exclure en application de l'article XIV des statuts et de procéder pour le compte de la société au rachat des 41 925 actions détenues par ce dernier.

Pour débouter M. X de sa demande en restitution des actions dont il a été privés de façon forcée, le tribunal a essentiellement retenu que les activités inscrites dans les statuts d'Akoya Patrimoine étaient potentiellement exerçables à tout moment et que M. X ne produisait aucun élément comptable montrant que parmi les activités possibles seules les activités non-concurrentes étaient actuellement exercées.

Au soutien de son appel, M. X expose que dès sa convocation devant le comité de direction, il a contesté tout exercice d'une activité concurrente, que la violation de la clause de non-concurrence ne saurait se déduire du champ large d'intervention figurant dans les statuts d'Akoya Patrimoine, l'objet social correspondant à la compétence générale de son dirigeant mais non pas à toutes les activités réellement exercées par la société, que les deux activités exercées sont celles d'intermédiaire d'assurance spécialisée dans la gestion de patrimoine liée à l'assurance, raison pour laquelle la société s'est enregistrée à l'ORIAS, et les transactions sur immeubles et fonds de commerce, activité pour laquelle elle a obtenu une autorisation spécifique de la Préfecture de Nanterre (carte T), que seule une activité sur valeurs mobilières aurait été en concurrence avec celle d'Amilton Partners ou de sa filiale Amilton Asset Management, qu'Akoya Patrimoine n'a aucune activité de ce type, une telle activité réglementée supposant d'ailleurs l'adhésion à une association agréée par l'AMF qu'il n'a jamais sollicitée, que le tribunal de commerce a renversé la charge de la preuve et dénaturé les termes clairs du pacte en retenant qu'en présence d'une activité potentiellement concurrente dans les statuts, il appartenait à M. X de rapporter la preuve de l'absence d'activité concurrente, la clause de non-concurrence exigeant l'exercice d'une activité et non une simple potentialité et que bien que cette preuve ne lui incombe pas, il a toujours offert de justifier de la nature de son activité.

Tandis qu'Amilton Partners réaffirme en appel, qu'au travers de son activité de conseil en gestion de patrimoine et de conseil en investissement financier en France et à l'étranger, Akoya Patrimoine exerce une activité identique et directement concurrente de la sienne et de celle de sa filiale, Amilton Asset Management, qu'elle est enregistrée depuis le 9 juillet 2010 au registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance (ORIAS) en qualité de courtier en assurance et réassurance, que ses comptes sociaux n'ont pas été déposés au greffe du tribunal de commerce, ajoutant que la violation de la clause de non-concurrence est suffisamment caractérisée par la création de cette société concurrente à l'activité avérée, le pacte prohibant, non seulement l'exercice d'une activité concurrente, mais aussi le fait d'entreprendre une telle activité.

La violation de la clause de non-concurrence reprochée à M. X, par le biais de sa société Akoya Patrimoine, concerne l'activité de conseil en gestion de patrimoine et en investissement financier ( CIF).

Il sera relevé à la suite de l'intimée que cette activité (CIF) occupe la première place dans l'énoncé des activités figurant dans les statuts et l'extrait Kbis de la société d'Akoya Patrimoine.

M. X, qui soutient qu'Akoya Patrimoine n'exerce pas dans les faits cette activité directement concurrente, ne peut pertinemment expliquer une telle inscription par le fait qu'elle correspond à ses compétences et qu'il est habituel de prévoir un objet large dans les statuts, dès lors qu'il se savait tenu par une clause de non-concurrence et qu'il lui appartenait d'éviter tout risque de confusion à l'égard des tiers.

Manque également de pertinence le moyen pris de ce que la société ne dispose pas de l'agrément de l'AMF pour l'activité de conseil en gestion de patrimoine et en investissement financier, l'absence de cette condition requise pour un exercice régulier de ces opérations, ne suffisant pas en pratique à exclure toute activité de ce type, l'inscription figurant dans les statuts et sur l'extrait Kbis permettant aux tiers, clients potentiels, de croire en la possibilité d'un exercice conforme de cette activité.

L'absence de dépôt des comptes sociaux d'Akoya Patrimoine au greffe du tribunal de commerce participe également de l'absence de transparence, M. X soutenant vainement qu'il a fait offre tout au long de la procédure d'ouvrir ces comptes, alors qu'en tant que dirigeant d'Akoya Patrimoine, il lui appartenait de respecter les dispositions légales en procédant, spontanément, au dépôt des dits comptes. La communication d'une attestation de son expert-comptable précisant le montant des chiffres d'affaires et des résultats réalisés pour les exercices 2010 à 2015 ne pouvant se substituer au respect de cette obligation légale.

Les chiffres d'affaires réalisés pour les exercices considérés établissent cependant l'effectivité de l'activité d'Akoya Patrimoine et ce, dès l'exercice 2010, au cours duquel a été voté l'exclusion de M. X, un chiffre d'affaires de 45.951 euros ayant été réalisé à cette date.

En introduisant dans la clause de non-concurrence deux notions, dont la signification n'est pas identique 'ne pas exercer ou entreprendre', les signataires du pacte ont entendu avec le second verbe viser, en amont, les situations à risque de concurrence, englobant les engagements ou démarches permettant d'entreprendre une activité concurrente.

En créant, puis en faisant fonctionner une société, englobant dans son objet, parmi d'autres activités, celle de conseil en gestion de patrimoine et en investissement financier, directement concurrente de celle d'Amilton Partners ou de ses filiales, M. X n'a pas respecté la clause de non-concurrence figurant dans le pacte d'actionnaire.

Il s'ensuit que la décision d'exclusion n'est pas abusive et n'a pas lieu d'être annulée.

Le rachat de ses actions, imposé à M. X par Amilton Partners, ensuite de cette décision d'exclusion, est une faculté expressément réservée à la société par l'article XIV des statuts et n'a pas lieu d'être remis en cause, étant observé que la cour n'est pas saisie d'une contestation sur la valeur de rachat de ces titres par Amilton Partners, telle que déterminée dans le courrier de notification du 2 juillet 2010 se référant au mode de calcul défini par l'article susvisé des statuts.

A ces motifs substitués, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de restitution des actions et la demande accessoire de dommages et intérêts, l'exclusion de M. X étant justifiée au regard de la violation de la clause de non-concurrence.

- Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts

Si Amilton Partners évoque dans le corps de ses conclusions la condamnation de M. X au paiement, d'une part, de 140.000euros correspondant à la valeur des 11.200 actions qu'il a reçues dans le cadre de l'opération de LMBO de 2007 (actions gratuites émises par Assya Capital) et qu'il aurait dû apporter au plus tard à la société le 30 juin 2011, d'autre part, de 130.000 euros au titre des rémunérations prétendument indûment perçues, demandes dont elle a été déboutée en première instance et que M. X conteste formellement, elle se borne toutefois dans le dispositif de ses écritures à demander l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts, sans formuler de prétentions sur cette demande tranchée par le jugement.

L'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que dans les conclusions d'appel les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Ce moyen étant été relevé à l'audience, la cour dira qu'elle n'est pas saisie des prétentions relatives aux demandes de dommages et intérêts d'Amilton Partners.

- Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Aucune considération d'équité ne justifie d'ajouter en appel à l'indemnité allouée par les premiers juges en application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. X, partie perdante, sera condamné aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Révoque l'ordonnance de clôture et prononce la clôture de l'affaire au jour de l'audience.

Dit M. X recevable, mais mal fondé en ses demandes,

Confirme le jugement,

Y ajoutant,

Dit que la cour n'est pas saisie des demandes de dommages et intérêts de la société Amilton Partners,

Déboute les parties de leurs demandes de condamnation au titre des frais irrépétibles d'appel,

Condamne M. X aux entiers dépens.