Cass. com., 12 octobre 1993, n° 91-18.505
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
Mme Pasturel
Avocat général :
Mme Piniot
Avocats :
Me Choucroy, Me Le Prado
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 juin 1991), qu'après le prononcé de la liquidation judiciaire des sociétés Groupe Z... (SGPA) et Groupe Z... Assurances internationales, ayant pour dirigeant commun M. Z..., le juge-commissaire, par ordonnance du 13 mars 1988 rendue en application de l'article 155 de la loi du 25 janvier 1985, a autorisé le liquidateur à procéder à la cession du portefeuille d'assurances de ces sociétés à la société Service technique d'assurances (STA) pour le prix de 1,7 million de francs ; que l'opposition formée par M. Z... contre cette décision a été déclarée irrecevable par jugement du 24 juin 1988 ; que dans une lettre du 28 juin 1988 adressée au liquidateur, le cessionnaire a fait état du trouble que lui avait causé l'initiative d'un tel recours ainsi que du fait que certains employés prétendaient avoir des droits sur le portefeuille ; que par ordonnance du 12 juillet 1988, le juge-commissaire, " au vu des motifs de la STA ", des moyens exposés par le liquidateur et les salariés et des conséquences de l'opposition, a réduit à titre transactionnel le prix de la cession en le fixant à la somme de 1,2 million de francs payable en 36 mensualités avec stipulation d'une clause de déchéance du terme, d'une caution bancaire et d'une " clause pénale acceptée par M. Y... 50 % du solde dû " ; que par acte du 27 avril 1989, le liquidateur a fait commandement à la société STA et à M. Y... de régler une certaine somme au titre des mensualités impayées, étant précisé que le défaut de paiement entraînerait la déchéance du terme et l'obligation d'acquitter la totalité du prix de cession outre le montant de la clause pénale ; que la société STA et M. Y... ont demandé la nullité du commandement, la condamnation du liquidateur ès qualités à indemniser la société cessionnaire, sur le fondement de la garantie d'éviction, des pertes subies par suite des revendications émises par les salariés repris ; qu'à titre subsidiaire, cette société a conclu à la résolution de la cession par application de l'article 1184 du Code civil ; qu'elle a, plus subsidiairement encore, demandé la réduction du montant de la clause pénale ; que le liquidateur a formé une demande reconventionnelle en paiement du prix de cession et de la clause pénale tels que fixés par l'ordonnance du 13 juillet 1988 ; que la cour d'appel a écarté les demandes de la société STA et l'a condamnée au paiement des sommes réclamées par le liquidateur ; que la société STA et M. Y... ont formé un recours en cassation contre cette décision ;
Sur les premier et deuxième moyens, pris en leurs diverses branches et réunis :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait en ce qui concerne la condamnation au paiement du prix de cession, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cession d'une unité de production obéit au régime juridique de droit commun des ventes de gré à gré, si bien qu'en énonçant que la cession litigieuse n'était pas une vente intervenue selon les règles du droit commun et qu'elle devait être examinée dans le cadre des engagements contractés en application des dispositions de la loi du 25 janvier 1985, la cour d'appel a faussement appliqué l'article 155 de la loi du 25 janvier 1985 et refusé à tort d'appliquer le droit commun de la vente ; alors, d'autre part, que la société STA avait produit la correspondance échangée entre les parties qui établissait que Mme X... et M. A... avaient fait valoir à son égard leurs droits sur le portefeuille cédé postérieurement au 12 juillet 1988, ce qui excluait qu'elle ait pu transiger sur ces droits, et ce qui la rendait bien fondée à invoquer la garantie du vendeur ; qu'en ne recherchant pas si la société STA n'avait pas été évincée par Mme X... et M. A... postérieurement au 12 juillet 1988, et qu'en n'opposant aucune réfutation aux documents produits à cet égard par la société STA, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse aux conclusions, violant l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, et n'a pas justifié légalement sa décision, au regard des articles 1626 et 2048 du Code civil ; et alors, enfin, qu'en se bornant à énoncer que la demande en résolution était mal fondée, sans motiver sa décision, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'en vertu de l'article 155 de la loi du 25 janvier 1985, des unités de production composées de tout ou partie de l'actif mobilier ou immobilier de l'entreprise en liquidation judiciaire peuvent, après déclenchement d'une procédure d'offres, faire l'objet d'une cession globale, par décision du juge-commissaire, au profit de l'auteur de l'offre paraissant la plus sérieuse et permettant dans les meilleures conditions d'assurer durablement l'emploi et le paiement des créanciers ; qu'ayant retenu qu'était en cause dans le litige qui lui était soumis non une vente de droit commun librement contractée entre les parties mais une cession globale d'unité de production, opération dont le caractère forfaitaire impliquait l'existence d'un aléa exclusif de l'application des garanties prévues dans le droit commun de la vente et obéissant à des règles propres édictées en vue du maintien au moins partiel de l'activité, par une loi d'ordre public, la cour d'appel en a justement déduit que la société STA ne pouvait se prévaloir des dispositions légales relatives à la garantie d'éviction et demander sur ce fondement la résolution de la cession ;
Attendu, en second lieu, que l'arrêt relève qu'à la date de l'ordonnance transactionnelle du juge-commissaire, les droits éventuels des salariés des sociétés débitrices sur le portefeuille cédé étaient déjà connus et que ces mêmes salariés, ainsi que le représentant de la société STA, avaient été entendus avant que ne soit rendue cette ordonnance, qui tenait compte des diverses difficultés signalées par la société cessionnaire, en particulier dans sa lettre du 28 juin 1988 ; que de ces constatations, qui répondent en l'écartant à la thèse de la société fondée sur les documents invoqués par la deuxième branche, la cour d'appel a exactement déduit que les parties se trouvaient liées par la décision précitée sauf pour la société STA à démontrer que les droits reconnus aux anciens salariés l'avaient été en fraude de ses propres droits, ce qu'elle ne prouvait pas en l'état ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le troisième moyen : (sans intérêt) ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.