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Décisions

Cass. 3e civ., 8 avril 2015, n° 14-10.716

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Terrier

Avocats :

Me Foussard, SCP Piwnica et Molinié

Paris, du 23 oct. 2013

23 octobre 2013

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 octobre 2013), rendu sur renvoi après cassation (Civ. 2e, 28 mai 2011, pourvoi n° 10-16. 735), que M. X..., bénéficiaire d'un pacte de préférence portant sur l'acquisition d'un immeuble, a signifié à son propriétaire, la société Gecina, son acceptation de l'offre d'acquisition ; que la société Gecina l'a assigné en déclaration de la déchéance de son droit de préférence et qu'il l'a lui-même assignée en constatation de la perfection de la vente ; que par arrêt du 5 octobre 2006, la cour d'appel a dit que M. X... avait acquis l'immeuble le 4 septembre 2001 ; que l'acte authentique de vente a été signé le 24 janvier 2007 ; que M. X... a assigné la société Gecina en paiement des loyers de l'immeuble, perçus par elle entre le 4 septembre 2001 et le 24 janvier 2007 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Gecina fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. X... la somme de 2 392 193 euros en deniers ou quittances avec intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2001 et de rejeter sa demande fondée sur l'article 1652 du code civil, alors, selon le moyen :

1°/ que n'a pas été débattue lors de l'instance ayant donné lieu à l'arrêt du 5 octobre 2006, ni tranchée dans le dispositif de cette décision, la question de savoir si la date de l'entrée en jouissance par M. X... et son droit corrélatif de percevoir les loyers devaient être arrêtés au jour du transfert de propriété, le 4 septembre 2001, ou s'ils avaient été reportés par les parties jusqu'à la date de la signature de l'acte authentique de vente ; qu'en affirmant que fixer cette date d'entrée en jouissance et de perception des loyers après le 4 septembre 2001 remettrait en cause l'autorité de la chose jugée par l'arrêt susmentionné, la cour d'appel a violé les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;

2°/ que le dispositif de l'arrêt du 5 octobre 2006 n'a pas davantage dit que la société Gecina serait privée du droit de conclure la vente litigieuse aux mêmes conditions qu'avec le tiers acquéreur évincé faute d'avoir transmis à M. X... la promesse de vente conclue avec ce tiers ; qu'en considérant qu'en conséquence d'une telle faute l'arrêt susmentionné aurait fixé au 4 septembre 2001 la date d'entrée en jouissance et que retenir une date ultérieure porterait atteinte l'autorité de chose jugée attachée au dit arrêt, la cour d'appel a de plus fort violé les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;

3°/ que les parties à une vente peuvent parfaitement dissocier la date du transfert de propriété résultant de leur accord sur la chose et sur le prix, de la date de l'entrée en jouissance par l'acquéreur, notamment en reportant celle-ci jusqu'à la régularisation de l'acte authentique de vente ; qu'en liant ces deux dates pour fixer à celle du transfert de propriété, le 4 septembre 2001, l'entrée en jouissance et le droit de percevoir les loyers de M. X..., la cour d'appel a violé les articles 1134, 1583 et 1610 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que le dispositif de l'arrêt du 5 octobre 2006 avait fixé au 4 septembre 2001 le jour de la vente de l'immeuble à M. X... et relevé que la société Gecina ne pouvait pas utilement invoquer les dispositions de la promesse de vente consentie à un tiers le 25 juillet 2001 en ce qu'elle différait le transfert de la propriété et l'entrée en jouissance au jour de la signature de l'acte authentique, la cour d'appel a pu en déduire que la date du 4 septembre 2001, à laquelle M. X... a acquis son droit de propriété, conditionnait pour lui l'entrée en jouissance et la perception des loyers ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l'article 1652 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société Gecina en paiement de l'intérêt du prix de la vente à compter du 4 septembre 2001 jusqu'au jour du paiement du capital, l'arrêt retient que les dispositions de l'article 1652 du code civil, qui reposent sur des considérations d'équité et visent à empêcher que l'acquéreur puisse bénéficier jusqu'au paiement du prix à la fois des fruits et des intérêts sur le prix, ne sont pas applicables en l'espèce, dès lors que l'immeuble n'a pas été livré le 4 septembre 2001, ce défaut de livraison dont est résulté le différé du paiement du prix étant imputable au seul vendeur, et que par suite, si les fruits, en l'espèce les loyers perçus, doivent être restitués à l'acquéreur, celui-ci ne les avait pas perçus jusqu'à la date où il a effectué le paiement ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'intérêt sur le prix représentant la contrepartie de la jouissance du bien, le droit reconnu à l'acquéreur de percevoir les fruits pendant la période séparant le jour du transfert de propriété de celui de la signature de l'acte authentique implique l'obligation pour l'acquéreur de payer l'intérêt légal sur le prix de vente jusqu'au jour du paiement, la cour d'appel a violé l'article susvisé ;

Et sur le troisième moyen :

Vu les articles 1376, 1378 et 1153 du code civil ;

Attendu que pour condamner la société Gecina à payer à M. X... les intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2001 sur les loyers perçus par elle, l'arrêt retient que les loyers étaient acquis à l'acquéreur par application de l'article 1614 du code civil et donc exigibles, sans mise en demeure, à la date du transfert de propriété, sans que la société Gecina qui avait manqué à son obligation de délivrance puisse se prévaloir du défaut du paiement du prix, alors que M. X... avait pris les dispositions nécessaires pour pouvoir dès cette date payer le prix de vente ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la date du 4 septembre 2001 ne correspond ni à celle de la demande en répétition des loyers perçus indûment par la société Gecina ni à celle de leur perception, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Gecina à payer les intérêts au taux légal sur la somme de 2 392 193 euros à compter du 4 septembre 2001 et rejette la demande de la société Gecina en paiement de la somme de 1 157 427 euros au titre des intérêts au taux légal sur le prix de vente entre le 4 septembre 2001 et le 24 janvier 2007, l'arrêt rendu le 23 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.

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