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Décisions

CA Riom, 13 mars 2017, n° 15/01359

RIOM

Arrêt

Confirmation

CA Riom n° 15/01359

13 mars 2017

FAITS ET PROCÉDURE :

Courant juillet 2013, M. Romain C. vendait son véhicule de marque Audi de type A3, immatriculé 1545 VM 03, à Mme Jade P. au prix de 5 500 euros.

Par exploit d'huissier en date du 3 septembre 2014, M. C. assignait Mme P. devant le tribunal d'instance de Vichy aux fins de la voir condamner notamment au paiement du prix de vente du véhicule et de dommages et intérêts pour faute.

Par jugement en date du 14 avril 15, le tribunal, après avoir rejeté l'exception de nullité de l'assignation, condamnait Mme P. à payer à M. C. la somme de 5 500 euros, déboutait ce dernier de ses autres demandes et condamnait Mme P. aux dépens, estimant que Mme P. ne rapportait pas la preuve du vice de son consentement.

Dans des conditions de forme et de délais non contestées, Mme P. relevait appel de cette décision le 18 mai 2015, signifié à M. C. par procès-verbal de recherches infructueuses en date du 8 octobre 2015.

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par dernières écritures en date du 15 octobre 2015, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, Mme P. sollicite l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour de :

•            déclarer l'acte de cession du véhicule Audi A 3 au profit de Mme P. nul et nul d'effet,

•            à titre subsidiaire, constater que le véhicule Audi A 3 n'a jamais été en possession de Mme P. et par conséquent annuler la vente sur le fondement de 1'article 1604 du code civil,

•            condamner M. C. à payer 1 500 euros à titre de dommages et intérêts,

•            condamner M. C. à payer à Me Laura S. la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700-2° du code de procédure civile,

•            condamner M. C. à payer à Mme P. la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700-1° du code de procédure civile,

•            condamner M. C. en tous les dépens.

Au soutien de ses prétentions, Mme P. expose essentiellement que :

•            son consentement a été vicié car elle se trouvait en état d'ivresse ; elle n'avait aucun besoin de ce véhicule et n'avait pas les moyens de financer. Malgré ses démarches immédiatement entreprises pour annuler la vente, M. C. s'y est opposé,

•            le véhicule et les documents y afférents ne lui ont jamais été remis et au contraire, M. C. a continué à se servir du véhicule, commettant avec des contraventions qui lui sont adressées à elle.

Les écritures de M. C., déposées le 10 décembre 2015, ont été déclaré irrecevables par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 14 janvier 2016.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

Une ordonnance en date du 1er décembre 2016 clôture l'instruction de la procédure.

Par écritures en date du 27 janvier 2017, Mme P. sollicite le rabat de l'ordonnance de clôture pour produire de nouvelles pièces qui démontrent que le véhicule n'est pas en sa possession. Le rabat est ordonné le 30 janvier 2017 et la clôture prononcée le 30 janvier 2017.

MOTIFS ET DÉCISION :

Sur l'anéantissement du contrat :

Attendu que M. C. et Mme P. ont conclu le 9 juillet 2013 un contrat de vente portant sur la cession par M. C. à Mme P. d'un véhicule de marque Audi immatriculé 1545 VM 03 au prix de 5 500 euros ;

Que l'existence de ce contrat résulte de plusieurs éléments :

- une déclaration de cession produite par Mme P., remplie de façon incomplète par les co-contractants qui ne comporte pas de date mais leur signature,

- la copie d'une déclaration de cession produite par M. C. en première instance,

- la copie d'un document manuscrit émanant de Mme P. sur lequel figure le prix de vente et l'engagement de verser un acompte de 300 euros, portant comme date '9" a priori juillet par référence à la date du 20 juillet prévue pour la livraison,

- le courrier recommandé de Mme P. adressé à M. C. en date du 23 juillet dans lequel elle indique qu'elle ne peut plus acheter le véhicule faute d'avoir obtenu l'accord de sa banque pour un prêt ;

Attendu que Mme P. sollicitent à titre principal l'annulation de ce contrat pour vice du consentement et à titre subsidiaire, son annulation (à requalifier en résolution) pour défaut de délivrance ;

- sur l'annulation du contrat pour vice du consentement :

Attendu qu'aux termes de l'article 1108 du Code civil, « le consentement de la partie qui s'oblige est une condition essentielle pour la validité d'une convention » ; que l'article 1109 du même code dispose qu'il 'n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol' ;

Attendu en l'espèce que Mme P. soutient qu'au moment de la signature de l'acte de cession et du document manuscrit, elle se trouvait en état d'ivresse ;

Que cependant, elle ne justifie d'aucun élément de nature à prouver qu'elle se trouvait dans un état de faiblesse tel que son consentement aurait été surpris ;

Qu'en effet, dans le courrier recommandé en date du 23 juillet 2013 adressé à son vendeur, elle indiquait ne pas avoir obtenu de crédit auprès de sa banque ; que dans sa plainte adressée au procureur de la république le 24 août 2013, elle se référait uniquement au refus de ses parents et à son absence de ressources (chômage) ; que surtout, lors de son audition par les gendarmes de Vichy le 18 décembre 2013, répondant à la question : « avez-vous rempli la déclaration de cession du véhicule sous la contrainte de M.C. Romain'' Elle répondait : « non, j'avais bu quelques verres mais j'étais d'accord avec lui lors de la signature' ;

Attendu qu'ainsi c'est à bon droit et par des motifs pertinents que le premier juge n'a pas retenu l'existence d'un vice du consentement et a considéré qu'en vertu de l'article 1583 du Code civil, la vente était parfaite ;

- Sur le défaut de délivrance :

Attendu que la demande de résolution d'un contrat tend aux mêmes fins qu'une action en nullité du contrat, soit la mise à néant de la cession ;

Attendu qu'en vertu de l'article 1604 du code civil, il pèse sur le vendeur une obligation de délivrance de la chose vendue à laquelle toutefois il n'est pas tenu, en vertu de l'article 1612, si l'acheteur n'en paye pas le prix et que le vendeur ne lui a pas accordé un délai pour le paiement ; que par ailleurs, les articles 1650 et 1651 disposent que la principale obligation de l'acheteur est de payer le prix au jour et au lieu réglés par la vente et que s'il n'a rien été réglé à cet égard lors de la vente, l'acheteur doit payer au lieu et dans le temps où doit se faire la délivrance ; qu'enfin, l'article 1610 dispose que si le vendeur manque à faire la délivrance de la chose dans le temps convenu entre les parties, l'acquéreur pourra, à son choix demander la résolution de la vente ou sa mise en possession si le retard ne vient que du fait du vendeur ;

Attendu que les conditions de paiement et de livraison ne ressortent précisément d'aucun document versé aux débats ; que seul le mot manuscrit de Mme P. s'y réfère mais a minima et de façon peu explicite en indiquant : 'je sousgné Mlle Jade P. le 20 juillet récupérer en main propre le véhicule Audi A3 de Mr C. j'atteste verser un acompte de 300 euros sur les 5 500 euros avant cette date, fait à Vichy le 9" ;

Que Mme P. a toujours indiqué y compris en première instance et devant les gendarmes en décembre 2013 ne jamais avoir eu en sa possession ni le véhicule ni les documents afférents à sa circulation ; qu'il résulte de l'enquête de gendarmerie que les huit avis de contravention dressés entre le 27 août 2013 et le 29 septembre 2013 l'ont été dans des rues situées autour du domicile de M. C. ; que ce dernier n'a pas été entendu par les enquêteurs de la gendarmerie auprès desquels il n'a pas souhaité se rendre et que depuis la plainte de Mme P. a été classé sans suite par le parquet de Cusset ;

Que Mme P. produit une attestation de Madame Brigitte P. en date du 20 janvier 2017 laquelle indique que le 20 janvier 2017, le véhicule Audi se trouvait stationné face au local 'Enjoy Radio', [...] lieu où travaillait M. C. ; qu'au vu des photographies produites par Mme P., l'état du véhicule semble dégradé et il manque a priori une plaque d'immatriculation ;

Attendu qu'il appartient au vendeur de prouver qu'il a mis la chose vendue à la disposition de l'acheteur dans le délai convenu ; que par ailleurs, s'agissant de la vente d'un véhicule, la remise des documents relatifs à la conduite de ce véhicule constitue une obligation essentielle du vendeur ;

Attendu qu'en l'absence d'accord précis entre les parties sur les modalités de paiement du prix de vente, M. C. ne démontre pas avoir exécuté son obligation de délivrance et que sauf convention particulière, l'obligation pour l'acheteur de payer le prix de vente résulte de l'exécution complète par le vendeur de son obligation légale de délivrance ;

Attendu qu'en conséquence, il y a lieu de prononcer la résolution de la vente intervenue le 9 juillet 2013 entre M. C. et Mme P. portant sur le véhicule de marque Audi de type 3, immatriculé 1545 VM 03 (sans qu'il y ait lieu à restitution entre les parties à défaut de la livraison du bien et en l'absence de règlement du prix) et d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme P. à payer à M. C. la somme de 5 500 euros ;

Sur les autres demandes et les dépens :

Attendu que compte tenu des circonstances particulières de cette relation commerciale, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de dommages et intérêts formée par Mme P. ni à ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, étant précisé que cette dernière bénéficie de l'aide juridictionnelle totale ;

Attendu que succombant, M. C. sera condamné aux dépens de l'instance d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné Mme P. à payer à M. C. la somme de 5 500 euros,

Statuant à nouveau,

Prononce la résolution de la vente intervenue le 9 juillet 2013 entre M. C. et Mme P. portant sur le véhicule de marque Audi de type 3, immatriculé 1545 VM 03,

Y ajoutant

Déboute de Mme P. de ses autres demandes,

Condamne M. C. aux dépens de l'instance d'appel.