Cass. 3e civ., 20 novembre 2002, n° 01-12.502
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Weber
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 7 mars 2001), que par acte authentique en date du 29 août 1992, M. Aymer X... a vendu au GAEC de la Saulx une exploitation agricole ; que l'acte mentionnait que le bien vendu était libre de toute occupation alors que M. Y..., qui occupait les lieux avant la vente, sans droit ni titre, s'y maintenait au jour de la vente ;
Attendu que le GAEC de la Saulx fait grief à l'arrêt de rejeter la demande tendant à la résolution de la vente, alors, selon le moyen :
1 / que l'obligation de délivrance exige que le vendeur livre l'immeuble libre de tout occupant et, si besoin est, le fasse évacuer s'il est occupé par une personne ne disposant d'aucun droit opposable à l'acquéreur ; qu'en l'espèce, l'acte de vente du 29 août 1992 stipulait expressément que l'acquéreur aurait la jouissance de l'immeuble à compter de ce jour par la prise de possession réelle, l'immeuble étant libre de toute occupation, ainsi que le déclarait le vendeur ; qu'il était néanmoins acquis aux débats qu'au jour de la conclusion de la vente, l'immeuble était en réalité occupé sans titre par M. Y..., lequel en avait empêché la prise de possession réelle par le GAEC de la Saulx et s'était, depuis lors, maintenu dans les lieux ; qu'il en résultait que le vendeur, M. Aymer X..., n'avait pas exécuté son obligation de délivrance ; qu'en décidant pourtant le contraire, pour rejeter l'action en résolution de la vente formée par le GAEC de la Saulx, la cour d'appel a violé les articles 1604, 1605 et 1610 du Code civil ;
2 / qu'en tout état de cause il résulte des propres constatations de l'arrêt que la lettre de Maître Z... du 26 août 1992, indiquant que M. Y... occupait toujours les terres, était adressée au seul vendeur et que la sommation de déguerpir de même date, également établie par Maître Z..., avait été délivrée à M. Y... ; que dès lors, en se fondant sur ces deux documents pour affirmer que, trois jours avant la signature de l'acte de vente en date du 29 août 1992, le GAEC de la Saulx avait pu se convaincre de la persistance de l'occupation et du refus de M. Y... de libérer les lieux et en déduire que le GAEC de la Saulx avait consenti à acquérir un bien occupé, sans constater que lesdits documents avaient été portés à la connaissance de l'acquéreur au moment de la signature du contrat de vente, en sorte qu'il se serait engagé en connaissance de cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1604, 1605 et 1610 du Code civil ;
3 / que l'absence de remise de l'immeuble libre d'occupation constitue le défaut de délivrance de la chose et non la délivrance d'une chose non conforme ; que dès lors en se déterminant au motif erroné que l'occupation des terres constituait une non-conformité apparente couverte, faute de réserve stipulée dans l'acte, par la réception de l'immeuble, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1604, 1605 et 1610 du Code civil ;
4 / qu'en affirmant que l'action formée par le GAEC de la Saulx était fondée sur le défaut de conformité de la chose délivrée, bien qu'il eût exclusivement invoqué le défaut de délivrance de la chose vendue, les terrains litigieux étant occupés par un tiers, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions, en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu qu'il résultait d'un courrier du notaire du vendeur adressé au GAEC de la Saulx le 9 juillet 1992, que l'acheteur était informé dès le mois de juin 1992 de l'occupation des terres par M. Y..., qu'il était démontré par un courrier du 26 août 1992 et par la sommation de déguerpir délivrée le même jour à M. Y..., que trois jours avant la vente, l'acheteur avait pu se convaincre de la persistance de l'occupation et du refus de M. Y... de libérer les lieux et qu'en acceptant de signer l'acte de vente, stipulant que les terres étaient libres de toute occupation, alors qu'il savait qu'il n'en était rien, l'acheteur a manifesté que le caractère libre de toute occupation des terres n'était pas un élément déterminant de son engagement et qu'il consentait à acquérir un bien occupé, la cour d'appel a pu déduire de ces seuls motifs, sans modifier l'objet du litige, que l'obligation de délivrer la chose libre de tout occupant ne pesait plus sur le vendeur et a ainsi légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le GAEC de la Saulx aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne le GAEC de la Saulx à payer à M. Aymer X... la somme de 1 900 euros et aux consorts Z... également la somme de 1 900 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille deux.