CA Paris, 5e ch. A, 5 décembre 2001, n° 1998/25436
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Silex (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Percheron
Conseillers :
Mme Renard-Payen, Mme Jaubert
Avoués :
SCP Teytaud, Me Huyghe, Me Nut
Avocat :
Me Benettan-Angibaud
Philippe CORLAY et Pascal HESSEMANS sont l’un et I’autre appelants du jugement assorti de l’exécution provisoire contre fourniture d’une caution bancaire rendu le 6 octobre 1998 par le Tribunal de Commerce de Paris qui les a condamnés solidairement à exécuter au profit de la SNC de droit italien SILEX l’ordonnance de référé rendue le 19 décembre 1995 par le président du Tribunal de Grande Instance de Nanterre, rectifiée le 26 février 1996 par la même juridiction et confirmée par arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 19 décembre 1997, ainsi qu’à payer à cette dernière la somme de 10.000 F en application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à supporter les dépens.
Philippe CORLAY prie la Cour, reformant cette décision, de débouter la société SILEX de ses demandes et de la condamner au paiement des sommes de 50.000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 20.000 F au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens. II fait valoir que :
- si les statuts modifiés déposés le 30 janvier 1995 au registre du commerce ne mentionnaient pas sa qualité d’associé commanditaire, qui résultait des statuts antérieurs, cette erreur a été rectifiée par le dépôt d’une nouvelle version en vigueur lors des poursuites engagées par la société SILEX,
- cette qualité lui a été reconnue par l'ordonnance de référé du Premier Président du 15 octobre 1997 ainsi que par l’administration fiscale,
- l’article 26 de la loi du 24 juillet 1966 n’exige nullement que soit précisée la qualité de chaque associé et en toute hypothèse il ne prévoit aucune sanction, en particulier il ne saurait être question d’une présomption du statut d’associé commandité.
Pascal HESSEMANS conclut également au débouté de la société SILEX de ses demandes, sollicitant à son encontre les sommes de 10.000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée et 15.000 F sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Il expose que l’extrait Kbis de SOGEPARS ne faisait apparaitre que l’associé commandité, à savoir la société CICOGEST, que l’article 23 de la loi du 24 juillet 1966 ne doit pas être interprète de manière extensive, et que n’ayant été qu’associé commanditaire il ne saurait être présumé commandité du seul fait de l’absence de précision dans les statuts.
La société SILEX poursuit la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a condamné solidairement Messieurs CORLAY et HESSEMANS à exécuter les décisions rendues à son profit à l’encontre de la société SOGEPARS, et de les condamner en conséquence au paiement en deniers ou quittances de la somme de 218.110,40 F avec intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 1995, ainsi qu’au paiement des sommes de 50.000 F à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et dilatoire et 12.000 F sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elle se prévaut des statuts déposés par SOGEPARS le 30 janvier 1995, seuls opposables aux tiers, qui ne distinguent pas la qualité de commanditaire ou de commandité des associés, de sorte que Messieurs CORLAY et HESSEMANS doivent être à son égard réputé tenus indéfiniment et solidairement des dettes sociales de SOGEPARS.
SUR CE, LA COUR
Considérant qu’il est constant que pour les besoins de la reprise alors envisagée des actifs d’une société de cosmétiques en redressement judiciaire la société SOGEPARS a réuni au début de l’année 1995 des garanties financières en vue de la création d’une nouvelle personne morale ; qu’elle a reçu dans ce cadre, le 20 mars 1995, la somme de 300.000 F de la société SILEX ; que la reprise envisagée n’ayant pas eu lieu, la société SILEX a poursuivi le remboursement de ladite somme ; qu’elle n’a cependant reçu que la somme de 57.444 F, le solde devant selon la société SOGEPARSCOM - filiale de SOGEPARS et détentrice des fonds - la couvrir de ses diligences dans l’opération de reprise ;
Considérant que par ordonnance du 19 décembre 1995 telle que rectifiée par une ordonnance du 26 février 1996, le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Nanterre a condamné in solidum la société SOGEPARS et la société SOGEPARSCOM à rembourser à titre de provision à la société SILEX la somme de 218.110,40 F et à lui payer la somme de 5.000 F au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; que cette décision a été confirmée par un arrêt de la Cour d’Appel de Versailles en date du 19 décembre 1997 qui a alloué à la société SILEX la somme supplémentaire de 8.000 F pour frais hors dépens ;
Considérant que devant l’incapacité des sociétés débitrices à s’acquitter de leur dette, la société SILEX a entrepris de faire exécuter l’ordonnance de référé à l’encontre de Messieurs CORLAY et HESSEMANS pris en qualité d’associés commandités de la société en commandite simple SOGEPARS et diligenté à leur encontre des procédures de saisie auxquelles ils se sont opposés en saisissant le juge de l’exécution du Tribunal de Grande Instance de Paris ; que par jugements en date du 15 juillet 1997, le juge de l’exécution a rejeté leur contestation aux motifs qu’en l’absence de précision de leur qualité dans les statuts du 30 Janvier 1995 ou sur l’extrait Kbis de la société ils étaient réputés associés commandités ; que ce jugement a été reformé par un arrêt du 7 mai 1998 de la Cour d’Appel de Paris (5e chambre B) qui, au motif que la difficulté soulevée échappait à la compétence d’attribution du juge de l’exécution et qu’il appartenait à la société SILEX de la faire trancher par le juge naturel et d’obtenir le cas échéant un titre spécifique à l’encontre de Messieurs CORLAY et HESSEMANS, a donné mainlevée des saisies pratiquées à leur encontre ;
Que c’est dans ces conditions que, par actes du 27 et 28 mai 1998 la société SILEX les a fait assigner à bref délai devant le Tribunal de Commerce de Paris, qui a statué par le jugement dont appel ;
Considérant que la société en commandite simple regroupe deux catégories d’associés, les commandités qui comme les associés d’une SNC sont indéfiniment et solidairement responsables des dettes sociales et les commanditaires dont la responsabilité est limitée au montant de leur apport, si celui-ci n’a pas été réalisé ;
Qu’aux termes de l’article L 222-4 du Nouveau Code de Commerce (article 26 de la loi du 24 juillet 1966) les statuts d’une telle société doivent contenir notamment l’indication de la part dans le montant des apports de chaque associé, commandité ou commanditaire ; qu’il résulte bien de cette disposition que la qualité de chaque associé doit figurer dans les statuts ; qu’il s’agit de mentions obligatoires destinées à donner aux tiers la possibilité de connaitre les droits et intérêts respectifs des associés ainsi que leur obligation aux dettes ;
Considérant qu’il est constant que les statuts de SOGEPARS tels que résultant de la mise à jour de décembre 1994 et déposés au greffe du Tribunal de Commerce le 30 janvier 1995 se contentent de designer les associés, au nombre desquels figurent Messieurs CORLAY et HESSEMANS et d’indiquer leur nombre de parts sans préciser la qualité desdits associés ;
Que ces statuts sont ceux en vigueur à la date à laquelle est née la créance de la société SILEX sur SOGEPARS et les seuls portés à la connaissance des tiers, peu important à cet égard qu’ils aient été modifiés en décembre 1995 pour faire apparaitre Messieurs CORLAY et HESSEMANS en qualité de commanditaires ;
Considérant que Messieurs CORLAY et HESSEMANS, qui se prévalent d’une responsabilité limitée dans le paiement des dettes sociales, n’établissent pas à l’égard de la société SILEX la connaissance qu’elle aurait dû avoir de leur situation particulière ; qu’ils doivent en conséquence à son égard être réputés associés commandités tenus indéfiniment et solidairement des dettes sociales, peu important l’analyse faite par le délégué du premier président de la Cour d’Appel de Paris dans une ordonnance de référé du 15 octobre 1997 qui n’a aucune autorité de chose jugée et l'attitude de l’administration fiscale qui a effectué son redressement sur la base des énonciations d’un procès-verbal d’assemblée générale du 10 janvier 1994 inopposable a la société SILEX ;
Qu’il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris ;
Considérant que la société SILEX, qui ne démontre ni l’abus de procédure qu’elle impute aux appelants ni le préjudice spécifique qui en serait résulté pour elle doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;
Qu’il serait cependant inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles qu’elle a exposés ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne Philippe CORLAY et Pascal HESSEMANS, in solidum, à payer à la société SILEX la somme de 12.000 F en application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à supporter les entiers dépens,
Admet l'avoué concerné au bénéfice de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.