Cass. com., 21 octobre 1997, n° 95-15.802
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Nicot
Rapporteur :
M. Gomez
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
Me Thomas-Raquin, Me Choucroy
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Versailles, 30 mars 1995), que la société en commandite Saunier Duval exerçait depuis sa création en 1908 la double activité d'étude et de réalisation d'installations de distribution d'énergie électrique, de contrôle et de régulation de processus industriels d'un côté et d'un autre côté de fabrication et vente d'appareils de production d'eau chaude ou de chauffage; qu'en 1979, elle a décidé de se séparer de sa branche eau chaude-chauffage; qu'aux termes d'un accord d'apport fusion du 24 septembre 1979, elle a fait apport à la société Ofreval d'actifs constituant sa division Eau chaude-chauffage avec le droit "de se dire successeur de la société Saunier Duval"; que la société Ofreval a adopté la dénomination Saunier Duval Eau Chaude; que le 30 juin 1982, la société Saunier Duval a consenti à la société Saunier Duval Eau Chaude une cession partielle et gratuite de la marque Saunier Duval déposée le 28 janvier 1972, en précisant que la cession ne portait que sur certains produits se rapportant à l'activité du cessionnaire ;
qu'en 1990, la société Saunier Duval a décidé d'apporter à la société Saunier Duval Electricité la branche d'activité électricité; que la société Saunier Duval Eau Chaude a assigné la société Saunier Duval Electricité, en lui reprochant d'avoir, en adoptant cette dénomination, commis des actes de contrefaçon de deux marques Saunier Duval déposées, par elle, les 8 juillet 1982, et 21 janvier 1985, respectivement enregistrées sous les numéros 1.208.651 et 1.296.452, ainsi que des actes d'imitation illicite des marques Saunier Duval Electrique, enregistrée sous les numéros 1.296.452, et Saunier Duval Electric enregistrée sous le numéro 1.324.208, ainsi que de la marque Saunier Duval Services enregistrée sous le numéro 1.0354.723; que reconventionnellement, la société Saunier Duval Electricité, faisant grief à la société Saunier Duval Eau Chaude d'avoir outrepassé ses droits en déposant ces marques, a demandé que l'utilisation lui en soit interdite ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Saunier Duval Eau Chaude fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la nullité des marques Saunier Duval Electric, Saunier Duval Electrique et Saunier Duval Services alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'acte d'apport du 24 septembre 1979, confirmé dans sa portée par la cession de marque en date du 30 juin 1982, a expressément transmis à elle "l'activité de fabrication et de vente de tous appareils de production d'eau chaude ou de chauffage par le gaz, l'électricité ou par tout autre agent", que les marques dont elle se prévalait comportaient en conséquence valablement les expressions "Saunier Duval Electric", "Saunier Duval Electrique" et "Saunier Duval Services" pour la mise en oeuvre de l'électricité, s'agissant de la fabrication et de la vente de tous appareils de production d'eau chaude ou de chauffage; qu'en décidant autrement, et en refusant par voie de conséquence de sanctionner l'atteinte portée par la société Saunier Duval Electrique, aux droits ainsi détenus par elle, la cour d'appel a illégalement privé de son effet la clause précitée et a violé, ce faisant, l'article 1134 du Code Civil; et alors, d'autre part, que la même cour d'appel dénature par omission l'acte d'apport du 24 septembre 1979, et viole encore de cette façon l'article 1134 du Code civil, lorsque dans la citation qu'elle fait du dit acte, elle énonce que lui a été apportée "la partie du fonds de commerce et d'industrie de la société apporteuse, afférente à son activité de fabrication et de vente de tous appareils de production d'eau chaude et de chauffage..., ensemble tous ses éléments incorporels par elle exploités" dans ce secteur d'activité, cette citation venant arbitrairement exclure, par l'amputation qu'elle comporte sous l'aspect de pointillés toute référence à une utilisation de l'électricité ;
Mais attendu que l'arrêt relève que l'acte d'apport fait par la société Saunier Duval à la société Ofreval, devenue Saunier Duval Eau Chaude concerne "son activité de fabrication et de vente de tous appareils de production d'eau chaude et de chauffage"; que la cour d'appel a, hors toute dénaturation de cet acte, souverainement retenu que l'apport concernait effectivement l'activité de chauffage, et décrivait simplement les moyens de chauffage au nombre desquels figure l'électricité, sans pour autant avoir pour effet d'apporter à la société Ofreval l'activité électricité ;
d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Saunier Duval Eau Chaude fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande fondée sur la contrefaçon alors, selon le pourvoi, qu'aux termes de l'acte considéré, la cession partielle de la marque Saunier Duval numéro 838 021 consentie à elle, cession qui est elle-même la source des autres dépôts précités, vise les "appareils et installations de chauffage, notamment chaudières, chauffe-eau et chauffe-bains instantanés, par le gaz, par l'électricité ou par tous autres agents et installations sanitaires"; qu'en excluant de cette cession la référence ainsi faite à l'électricité, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, qu'après avoir relevé qu'à la suite de l'acte d'apport, la société Saunier Duval Eau Chaude avait un droit sur deux marques Saunier Duval, mais limité à l'activité eau chaude, chauffage et un droit d'utilisation du nom commercial Saunier Duval, mais en le comprenant dans sa dénomination sociale et non isolément, la cour d'appel a pu décider que la société Saunier Duval, avait conservé la propriété de son nom commercial et de ses marques pour toutes les activités, autres que celle apportée à la société Saunier Duval Eau Chaude, et notamment l'activité électrique; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Saunier Duval Eau Chaude fait grief à l'arrêt de lui avoir interdit d'utiliser d'une manière générale dans son activité commerciale la dénomination Saunier Duval alors, selon le pourvoi, qu'en vertu de l'acte d'apport du 24 septembre 1979, dont l'arrêt cite lui-même les termes, elle avait reçu le droit "de se dire successeur de la société Saunier Duval" ; qu'en lui refusant tout droit dans l'exercice de son activité, à l'utilisation de cette dénomination Saunier Duval prise en elle-même, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1134 du Code civil; alors, d'autre part, que l'utilisation sous cette forme de ladite dénomination à titre de marque, lui a été accordée pour diverses activités, en vertu de l'acte de cession à elle faite de la marque Saunier Duval numéro 838 021 le 30 juin 1982; qu'en ne tirant pas sur ce point les conséquences de cette situation juridique, la cour d'appel a encore violé l'article 1134 du Code civil, ensemble les articles L. 713-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt rappelle que l'acte d'apport avait consenti à la société Saunier Duval Eau Chaude, la faculté de "comprendre dans sa dénomination sociale, comme la société apporteuse, le nom de Saunier Duval, dans le secteur d'activité des appareils de production d'eau chaude et de chauffage"; que la cour d'appel interprétant souverainement l'intention des parties, en a déduit que la société Saunier Duval Eau Chaude ne pouvait pas utiliser, ainsi qu'elle le faisait, la dénomination Saunier Duval isolément ;
Et attendu, d'autre part, qu'après avoir décidé que l'acte d'apport fait par la société Saunier Duval, comportait cession de marques Saunier Duval limitait cette cession à la seule activité chauffage apportée, la cour d'appel a pu décider que la société Saunier Duval ne pouvait pas utiliser cette dénomination seule, dès lors qu'en le faisant dans ces conditions, pouvait être créée une confusion avec l'activité exercée par la société Saunier Duval Electricité ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le quatrième moyen :
Attendu que la société Saunier Duval Eau Chaude fait grief à l'arrêt, d'avoir rejeté son action tendant à l'interdiction d'utilisation par la société Saunier Duval Electricité de la dénomination Saunier Duval, alors, selon le pourvoi, que la cour d'appel omet ce faisant de répondre au moyen de ses conclusions, faisant valoir que le droit au nom commercial et à la dénomination sociale, dont ladite société Saunier Duval Electricité tendait à se prévaloir par le jeu combiné de l'acte du 24 septembre 1979, et d'un acte en date du 17 décembre 1990, portait uniquement sur la dénomination "Entreprises Saunier Duval" et non sur le vocable Saunier Duval seul; que l'arrêt est entaché sur ce point d'une violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, qu'ayant décidé que la société Saunier Duval Eau Chaude, était sans droit à utiliser la dénomination Saunier Duval pour d'autres activités que celle qui lui avait été apportée, la cour d'appel n'avait pas à répondre au moyen prétendument omis qui était inopérant; d'où il suit que le moyen n est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.