Cass. com., 23 novembre 1993, n° 91-19.042
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Huglo
Avocat général :
M. Raynaud
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, Me Goutet
Attendu qu'il résulte des énonciations du jugement déféré (tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer, 26 avril 1991), que la société à responsabilité limitée Ile-de-France aménagement (la société) a acquis des époux Pasquier, par acte sous seing privé du 27 décembre 1979, réitéré devant notaire le 20 février 1989, une parcelle de terrain sise à Merlimont ; que la vente était soumise à la condition suspensive que la société obtienne un arrêté préfectoral de lotissement ; que celle-ci s'engageait à justifier du dépôt de la demande de lotissement pour le 29 février 1980 et de l'accord ou du refus de cette demande pour le 30 juillet de la même année ; qu'à la suite d'un litige sur le caractère définitif de la vente, le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer, par jugement du 21 octobre 1983, a déclaré imputable à la société la non-réalisation de la condition suspensive et a constaté le caractère définitif de la vente au 27 décembre 1979 ; que la cour d'appel de Douai a confirmé ce jugement par arrêt du 14 janvier 1986 ; que, le 5 octobre 1988, la société a revendu la parcelle de terrain sur laquelle aucune construction n'a été édifiée ; que l'administration des Impôts, considérant que la société n'avait pas respecté son engagement de construire dans le délai de 4 ans, a estimé qu'elle était déchue du régime fiscal de l'article 691 du Code général des impôts et lui a notifié un avis de mise en recouvrement des droits d'enregistrement estimés dus ; que la société a formé opposition à cet avis de mise en recouvrement ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief au jugement, lequel a rejeté son opposition, d'avoir été rendu " après débats en audience publique le 22 mars 1991 devant Mlle X..., vice-président, Mme Y..., juge, chargées du rapport qui ont, en l'absence d'opposition des parties, entendu les plaidoiries, assistées de Mme Z..., greffier et en ont délibéré ", alors, selon le pourvoi, que les jugements des tribunaux de grande instance doivent, à peine de nullité, être rendus par des magistrats délibérant en nombre impair ; qu'il résulte des mentions susvisées une inobservation de la règle de l'imparité et une violation des articles 447 du nouveau Code de procédure civile et L. 311-7 et L. 311-8 du Code de l'organisation judiciaire ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 459 du nouveau Code de procédure civile, l'omission d'une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité de celui-ci s'il est établi, par les pièces de la procédure, par le registre d'audience ou par tout autre moyen, que les prescriptions légales ont, en fait, été observées ;
Et attendu qu'il résulte du registre d'audience que, lors du prononcé du jugement, le Tribunal était composé de Mlle X..., vice-président, Mme Y..., juge, et M. A..., juge, que les magistrats ainsi mentionnés comme composant le Tribunal au moment du prononcé du jugement sont présumés être ceux-là même qui en ont délibéré ; que l'omission relevée dans le jugement se trouvant ainsi réparée, le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 676, alinéa 1er, du Code général des impôts ;
Attendu qu'aux termes de cette disposition en ce qui concerne les mutations et conventions affectées d'une condition suspensive, le régime fiscal applicable et les valeurs imposables sont déterminés en se plaçant à la date de la réalisation de la condition ;
Attendu que, pour rejeter l'opposition de la société à l'avis de mise en recouvrement, le Tribunal a retenu que la société bénéficiait, pour remplir les conditions lui permettant de conserver le régime fiscal initialement retenu ou d'opter rétroactivement pour celui régi par l'article 1115 du Code général des impôts, d'un délai de 5 ans à compter du 27 décembre 1979 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le caractère définitif de la vente, compte tenu des instances judiciaires engagées, n'a été réalisé qu'après que l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 14 janvier 1986 soit passé en force de chose jugée, le tribunal a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 26 avril 1991, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Dunkerque.