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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 8, 4 mai 2017, n° 16/21551

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Mézières (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hirigoyen

Conseillers :

Mme Lacquemant, M. Malfre

TGI Paris, du 20 sept. 2016, n° 16/81927

20 septembre 2016

Faits, procédure et prétentions des parties

Par jugement du 16 septembre 2010, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris a prononcé le divorce de Mme Danièle C. et de M. Alain B., et a, concernant leur fils majeur Hadrien né le 22 juin 1992, fixé la contribution du père à l'entretien et à l'éducation de celui-ci à la somme mensuelle indexée de 1 500 euros, payable avant le 5 de chaque mois et 12 mois sur 12.

En exécution de ce jugement signifié le 7 mars 2014, Mme Chauder M. a fait pratiquer au préjudice de son ex-époux, selon acte d'huissier du 23 mars 2016, une saisie-attribution à exécution successive entre les mains de la Sci Mézières, pour recouvrement de la somme de 32 213 euros correspondant aux pensions alimentaires dues pour l'entretien et l'éducation de leur fils, au titre des années 2014 (5 mois d'arriéré) et 2015 (6 mois d'arriéré) et aux frais.

La saisie à été dénoncée à M. B. le 29 mars 2016. Le certificat de non-contestation a été signifié au tiers saisi le 4 mai 2016.

Mme Chauder M. a ensuite fait assigner la Sci Mézières devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris aux fins de la voir condamner aux lieu et place de M. B. à lui payer les sommes dues au titre de la saisie attribution du 23 mars 2016 et au paiement de la somme de 7000 euros au titre de dommage et intérêts pour négligence fautive et réticence abusive.

Par jugement du 20 septembre 2016, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris a déclaré recevables les demandes de Mme Chauder M., a annulé la saisie-attribution à exécution successive pratiquée le 23 mai 2016 entre les mains de la Sci Mézières à l'encontre de M. B., a débouté en conséquence Mme Chauder M. de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la Sci Mézières, a laissé à chaque partie la charge de ses dépens et a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme Chauder M. a relevé appel de ce jugement selon déclaration du 27 octobre 2016.

Par dernières conclusions du 8 mars 2017, elle demande à la cour, au visa des articles R. 211-5, R. 211-9, R. 211-14 et R. 211-15 du code des procédures civiles d'exécution, d'infirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a annulé la saisie-attribution pratiquée le 23 mars 2016 et l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la Sci Mézières, et statuant à nouveau, de condamner la Sci Mézières aux lieu et place de M. B. à lui payer les sommes dues au titre de la saisie-attribution du 23 mars 2016 à savoir 32 213 euros, de condamner la Sci Mézières au paiement de la somme de 7 000 euros à titre de dommages et intérêts pour négligence fautive et réticence abusive et de la condamner au paiement de la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Mme Chauder M. a fait citer la Sci Mézières par acte d'huissier du 14 février 2017, contenant la déclaration d'appel, le calendrier de procédure fixé par la cour et ses conclusions.

La Sci Mézières, citée en l'étude de l'huissier, n'a pas constitué avocat.

SUR CE

Les dispositions relatives à la recevabilité des demandes de Mme Chauder M. ne sont pas critiquées devant la cour. Le jugement sera par conséquent confirmé de ce chef.

En vertu du jugement sur le fondement duquel la mesure litigieuse a été pratiquée, M. B. a été condamné à payer à Mme Chauder M. la somme mensuelle de 1 500 euros au titre de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de leur fils Hadrien qui poursuivait des études, cette contribution étant due, aux termes du dispositif du jugement, au-delà de la majorité de l'enfant, pendant la durée de ses études, sous réserve de la justification de son inscription dans un établissement scolaire, professionnel ou supérieur avant le 1er novembre de chaque année ou jusqu'à ce qu'il exerce une activité rémunérée de façon régulière et suffisante.

Il ressort du jugement querellé que devant le premier juge, la Sci Mézières a soutenu que Mme Chauder M. n'avait pas justifié de l'inscription de son fils dans un établissement scolaire comme le prévoyait le jugement de divorce, de sorte que M. B. était en droit de cesser de payer la pension alimentaire.

Mme Chauder M. ne remet pas en cause l'analyse du premier juge selon laquelle le tiers saisi peut s'opposer à la demande formée à son encontre en se prévalant des causes d'inefficacité de la saisie et notamment en faisant valoir toutes les contestations que pouvait formuler le débiteur, mais soutient que les conditions d'exigibilité de la pension alimentaire fixées par le jugement dont l'exécution est poursuivie, sont remplies.

Il sera à titre liminaire précisé que la Sci Mézières est une société dont M. B. détient la quasi intégralité des parts et dont il est le gérant et qu'ainsi si elle a la qualité de tiers, elle est en lien étroit avec M. B. et informée de la situation de ce dernier et des informations qu'il détient s'agissant des études de son fils.

Il ressort des pièces produites aux débats qu'Hadrien B., après avoir obtenu le baccalauréat en 2011, a poursuivi des études supérieures en classes préparatoires au lycée Henri IV, puis à l'Essec à compter de la rentrée 2013 et à l'institut d'études politiques de Paris en master Politiques Publiques à compter de la rentrée 2016, que par ailleurs, Mme Chauder M. a régulièrement tenu M. B. informé du cursus universitaire de leur fils, et notamment à l'occasion des réclamations formulées au titre du paiement de la pension, ainsi par lettre recommandée du 20 mai 2014 non réclamée, par lettre recommandée du 19 janvier 2015 à laquelle était jointe l'appel des frais de scolarité pour les années 2013/2014 et 2014/2015, par lettre recommandée du 4 août 2016. L'appelante justifie par ailleurs avoir communiqué, dans le cadre de la procédure qu'elle avait engagée devant le juge de l'exécution à la suite de la saisie-attribution pratiquée le 12 décembre 2013 entre les mains de la Sci Mézières et ayant donné lieu à la condamnation de cette dernière par jugement du 27 janvier 2015, le justificatif des frais de scolarité de l'Essec pour l'année universitaire 2013/2014 et les certificats de scolarité à l'Essec pour les années universitaires 2014/2015 et 2015/2016. Devant le juge de l'exécution, Mme Chauder M. a également communiqué le justificatif des frais de scolarité 2015/2016 et donc de l'inscription dans un établissement scolaire. Par ailleurs, eu égard aux liens étroits unissant la Sci et M. B., ce dernier a nécessairement connaissance des informations portées à la connaissance de la Sci.

La Sci Mézières ne peut dès lors utilement soutenir que Mme Chauder M. ne justifie pas d'une créance exigible au motif que le débiteur principal n'était pas informé de l'inscription de son fils dans un établissement scolaire, au plus tard le 1er novembre de chaque année. Il est ainsi justifié du caractère exigible des pensions alimentaires visées dans l'acte de saisie litigieuse, étant observé que la saisie n'a pas été contestée par M. B.. Il n'est par ailleurs pas démontré que les pensions objet de la saisie aient été payées par ce dernier.

La saisie-attribution, pratiquée en vertu d'un titre exécutoire et pour des créances exigibles, n'encourt dès lors pas la nullité retenue par le premier juge.

Le jugement sera infirmé de ce chef et il convient de statuer sur les demandes de Mme Chauder M. tendant à la condamnation du tiers saisi.

En application de l' article R. 211-4 du code des procédures civiles d'exécution, lorsqu'une saisie-attribution est pratiquée entre ses mains, le tiers saisi est tenu de fournir sur-le-champ à l'huissier de justice les renseignements prévus à l' article L. 211-3 et de lui communiquer les pièces justificatives.

Aux termes de l'alinéa 1 de l' article R. 211-5, «le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus est condamné, à la demande du créancier, à payer les sommes dues à ce dernier sans préjudice de son recours contre le débiteur», l'alinéa 2 disposant que le tiers saisi «peut être condamné à des dommages et intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère».

En sollicitant la condamnation de la Sci Mézières aux lieu et place de M. B., Mme Chauder M. sollicite l'application de l'alinéa 1 de cet article .

Il résulte de l'acte de saisie signifié le 23 mars 2016 à la Sci Mézières que celle-ci a indiqué à l'huissier qu'une réponse lui serait donné ultérieurement, sans qu'il soit justifié de celle-ci.

La Sci Mézières, en sa qualité de tiers saisi, n'a ainsi pas respecté les obligations résultant des dispositions des articles R. 211-4 et L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution qui lui étaient rappelées dans l'acte de saisie et encourt par conséquent la sanction prévue par l' article R. 211-5 du même code qui lui était également rappelée.

Il ne ressort pas du jugement querellé que la Sci Mézières ait soutenu devant le premier juge qu'elle n'était pas débitrice envers M. B., ce point ne faisant dès lors pas débat. Mme Chauder M. précise que M. B. est créancier de la Sci au titre des revenus fonciers distribués aux associés et produit les statuts de la Sci dont il ressort que la société a son siège social à la même adresse que le domicile de M. B., que ce dernier détient 1 999 des 2000 parts constituant le capital social de la société dont il est le gérant, que la Sci a pour objet social la propriété, la gestion, l'administration et plus généralement l'exploitation, par voie de bail d'immeubles et notamment des lots 14 et 37 constituant les parties privatives dans un immeuble situé [...], comprenant un sous-sol avec escalier intérieur et une boutique, ces éléments corroborant les déclarations de l'appelante s'agissant des créances détenues par M. B. à l'encontre de la Sci Mézières.

La Sci Mézières sera par conséquent condamnée aux causes de la saisie, en application de l'alinéa 1 de l' article R. 211-5 précité, et devra payer à Mme Chauder M. la somme de 32 213 euros.

Mme Chauder M. sollicite en outre, au visa de l'article R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution, la condamnation de la Sci Mézières à lui payer la somme de 7 000 euros à titre de dommages-intérêts, lui reprochant sa négligence fautive et sa réticence abusive.

Or, les dispositions des alinéas 1er et 2ème de l' article R. 211-5 ne sont pas cumulatives, de sorte que la demande de dommages-intérêts ne pourra qu'être rejetée dès lors qu'il est fait droit à la demande fondée sur l'alinéa 1.

Mme Chauder M. ne peut enfin solliciter la condamnation du tiers saisi au paiement de dommages-intérêts, sur le fondement de l'article L. 121-3 du code des procédures civiles d'exécution qui permet de condamner le débiteur à des dommages-intérêts en cas de résistance abusive, alors que le tiers saisi n'est pas le débiteur principal.

Partie perdante, la Sci Mézières sera condamnée aux dépens et à payer à Mme Chauder M. la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme Chauder M. de sa demande de dommages-intérêts formée à hauteur de 7 000 euros ;

Et statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées,

Dit n'y avoir lieu à annuler la saisie-attribution à exécution successive pratiquée le 23 mars 2016 entre les mains de la Sci Mézières ;

Condamne la Sci Mézières à payer à Mme Chauder M. la somme de 32 213 euros ;

Condamne la Sci Mézières à payer à Mme Chauder M. la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la Sci Mézières aux dépens.