Cass. 2e civ., 8 septembre 2005, n° 03-18.862
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dintilhac
Rapporteur :
M. Lafargue
Avocat général :
M. Kessous
Avocat :
Me Blondel
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 septembre 2003), que M. X..., gérant de la SELARL Cabinet X... et associés (le cabinet X...) a présenté une requête en récusation générale de M. Y..., magistrat élu au conseil de prud'hommes de Marseille pour les affaires qu'il serait amené à plaider devant la section commerce à laquelle appartient ce conseiller ; qu'à l'appui de sa requête, M. X... expliquait que le cabinet X... avait été condamné personnellement à payer à M. Y... une somme au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile alors qu'il agissait comme mandataire d'une association dans une instance opposant ladite association à M. Y... ; qu'en instance d'appel, dans le cadre de la même affaire, M. Y... persistait à solliciter la condamnation du cabinet X..., le traitant ainsi comme une partie ; qu'à cette occasion, le conseil de M. Y... aurait écrit une lettre de menaces précisant à l'adresse du cabinet X... "votre obstination vous perdra et vous risquez de perdre vos clients par la même occasion" ; que le cabinet X... a présenté, le 8 avril 2003, une requête en récusation générale, à l'encontre de M. Y..., portant sur toutes les affaires que ce cabinet pourrait plaider devant ce magistrat ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande du cabinet X... tendant à obtenir une récusation générale de M. le conseiller prud'homme Y..., alors, selon le moyen, que doit être mentionné le nom du greffier signataire de la minute ; qu'il appert de l'arrêt que celui-ci a été prononcé à l'audience publique du 3 septembre 2003 par M. le conseiller Z... assisté par Mme A... mais qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni d'aucune mention que ce soit cette dernière qui ait signé la minute, la signature qui figure au pied de l'arrêt étant à cet égard illisible ; qu'ainsi, la Cour de cassation n'est pas à même d'exercer son contrôle au regard des articles 456, 457 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il y a présomption que le greffier qui a signé la décision, est celui qui a assisté à son prononcé ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande du cabinet X... tendant à obtenir une récusation générale de M. le conseiller prud'homme Y..., alors, selon le moyen, que les exigences d'un procès équitable qui implique une impartialité objective et subjective du juge étaient de nature à autoriser l'avocat gérant d'une société d'avocats qui représente des justiciables à saisir le juge d'une demande de récusation concernant un conseiller prud'homme qui a un contentieux marqué au coin de prises de positions empreintes d'animosité forte à l'endroit de l'avocat demandeur à la récusation et/ou à la demande de déport du juge; qu'eu égard à ces circonstances particulières -une animosité exprimée à plusieurs reprises -, les exigences de l'équité du procès faisaient que le juge de la récusation qui n'est pas enfermé dans les dispositions restrictives des articles L. 518-1 du Code du travail et 341 du nouveau Code de procédure civile, pouvait parfaitement accéder à la demande tendant à ce que les causes défendues par l'avocat en matière prud'homale devant la formation où siège le conseiller prud'homme Y... ne pouvaient être plaidées devant ce conseiller en l'état de ce que les exigences de l'équité du procès impliquent, et ce sans obliger, ce faisant, contrairement à ce qu'affirme la cour d'appel, le justiciable défendu par un avocat qu'il mandate à cet effet de demander dans chaque affaire la récusation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu son office au regard de l'article 12 du nouveau Code de procédure civile et violé l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les exigences de l'équité du procès au regard du principe d'impartialité qui est central ;
Mais attendu que l'arrêt énonce, à bon droit, que le droit de récusation appartient aux clients présents ou à venir du cabinet X... et non à l'avocat qui n'est pas partie et ne peut mettre en oeuvre ce droit à titre préventif ; que la cour d'appel en a exactement déduit qu'il appartiendra le cas échéant à ce cabinet d'avocats de présenter une requête en récusation, conformément à la loi, toutes les fois que ses clients l'estimeront nécessaire, et que la solution contraire reviendrait à donner au cabinet X... un droit de regard sur le fonctionnement de la juridiction prud'homale de Marseille que la loi ne lui reconnaît pas ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.