Cass. 2e civ., 26 septembre 2002, n° 00-18.149
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ancel
Rapporteur :
M. Trassoudaine
Avocat général :
M. Joinet
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Coutard et Mayer
Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué, que Christian X... a été victime le 16 août 1992 d'un homicide volontaire dont l'auteur a été condamné le 8 avril 1994 par un arrêt pénal d'une cour d'assises ; que le 11 avril 1994, cette juridiction, par un arrêt rendu sur intérêts civils, l'a condamné à payer diverses sommes en réparation du préjudice moral des ayants droit de la victime et, ayant déclaré irrecevables, en l'absence de mise en cause de l'organisme social, les demandes de Mme veuve X..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale de ses trois enfants mineurs, Carole, Virginie et Yannick, en indemnisation de leurs préjudices économiques, a "renvoyé ces parties civiles à se pourvoir devant la juridiction civile" ; que par actes des 9 février et 19 mars 1996, les consorts X... ont alors saisi un tribunal de grande instance qui, par un jugement du 23 septembre 1997, leur a accordé diverses sommes en réparation de leurs préjudices économiques ; qu'après avoir obtenu par une décision du 10 janvier 1995 d'une commission d'indemnisation des victimes d'infraction (la Commission), qu'ils avaient saisie le 16 juin 1994, des sommes en réparation de leur préjudice moral, ils ont, à la suite du jugement précité, à nouveau
saisi le 1er décembre 1997 en indemnisation de leur préjudice économique, la Commission qui, après les avoir relevés de forclusion, a accueilli leurs demandes de ce chef par une décision du 28 mai 1998 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mlle Carole X..., devenue majeure, et Mme veuve X..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale de ses enfants mineurs Virginie et Yannick, font grief à l'arrêt de ne pas contenir l'indication du nom du secrétaire ayant assisté à son prononcé, alors, selon le moyen, que l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, qui ne contient pas l'indication du nom du secrétaire-greffier qui a assisté à son prononcé, a violé l'article 454 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt mentionne que les magistrats composant la cour d'appel étaient assistés lors des débats de Mme Y... qui a signé la décision ; qu'il en résulte que ce greffier a assisté au prononcé de l'arrêt ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que Mlle Carole X... et Mme veuve X..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale de ses enfants mineurs Virginie et Yannick, font grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevables leurs demandes alors, selon le moyen, que l'article 706-5 du Code de procédure pénale prévoit que le délai prévu à peine de forclusion pour présenter une demande d'indemnisation peut être prorogé lorsque des poursuites pénales sont exercées et expire alors un an après la décision de la juridiction qui a statué définitivement sur l'action civile engagée devant la juridiction répressive ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour d'assises de la Drôme a renvoyé les consorts X... à se pourvoir devant la juridiction civile pour demander réparation de leur préjudice économique et que ceux-ci ont en conséquence saisi le tribunal de grande instance de Valence qui a statué par un jugement du 23 septembre 1997 ; que ce jugement constituant la décision de la juridiction qui a statué définitivement sur l'action civile engagée devant la juridiction répressive, au sens de l'article 706-5 du Code de procédure pénale, la cour d'appel ne pouvait considérer que les consorts X..., qui avaient saisi la commission d'indemnisation des victimes d'infraction le 1er décembre 1997, soit moins d'un an après cette décision, étaient forclos ; que ce faisant, elle a violé, par fausse application, l'article 706-5 du Code de procédure pénale ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient à bon droit que l'article 706-5 du Code de procédure pénale dispose qu'à peine de forclusion, la demande d'indemnité doit être présentée dans le délai de trois ans à compter de la date de l'infraction et que lorsque des poursuites pénales sont exercées, ce délai est prorogé et n'expire qu'un an après la décision de la juridiction qui a statué définitivement sur l'action publique ou sur l'action civile engagée devant la juridiction répressive ; que, d'autre part, la cour d'appel relève que les consorts X... ont saisi le tribunal de grande instance par actes des 9 février et 19 mars 1996, soit plus de trois ans après la date de l'infraction et plus d'un an après les arrêts pénal et civil de la cour d'assises ; qu'ils ont ensuite attendu le jugement intervenu le 23 septembre 1997 avant de réclamer à la Commission, par requête du 1er décembre 1997, l'indemnisation de leur préjudice économique tel qu'évalué par le Tribunal ; qu'ils étaient forclos et qu'ils ne peuvent arguer des dispositions de l'arrêt civil de la cour d'assises les renvoyant devant une juridiction civile, pour tenter d'échapper à la forclusion ;
Qu'il résulte de ces constatations et énonciations que la Commission a été saisie des demandes d'indemnisation des préjudices économiques des consorts X... plus d'un an après les arrêts pénal et civil de la cour d'assises ; que l'arrêt rendu sur intérêts civils le 11 avril 1994, qui, en tranchant dans son dispositif partie du principal et en statuant sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en cause de l'organisme social, avait, dès son prononcé, quel qu'en fût le mérite, l'autorité de la chose jugée relativement aux contestations qu'il tranchait, a statué définitivement sur l'action civile engagée devant cette juridiction répressive ; que c'est, dès lors, à juste titre que la cour d'appel a considéré qu'à la date de saisine de la Commission, le délai annal de prorogation prévu par le texte précité était expiré ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu les articles 706-5 du Code de procédure pénale et 2252 du Code civil ;
Attendu, selon le premier de ces textes, qu'à peine de forclusion, la demande d'indemnité doit être présentée dans le délai de trois ans à compter de la date de l'infraction ; que lorsque les poursuites pénales sont exercées, ce délai est prorogé et n'expire qu'un an après la décision de la juridiction qui a statué définitivement sur l'action publique ou sur l'action civile engagée devant la juridiction répressive ; que selon le second, la prescription ne court pas contre les mineurs non émancipés et les majeurs en tutelle, sauf ce qui est dit à l'article 2278 du Code civil et à l'exception des autres cas déterminés par la loi ;
Attendu que pour déclarer irrecevable comme forclose l'action en indemnisation des préjudices économiques engagée devant la Commission au nom des enfants de la victime alors mineurs, dont l'un, devenu majeur, a repris l'instance, l'arrêt énonce que ceux-ci ne peuvent se prévaloir de l'article 2252 du Code civil selon lequel la prescription ne court pas contre les mineurs non émancipés, le délai de l'article 706-5 du Code de procédure pénale n'étant pas un délai de prescription mais de forclusion, insusceptible de suspension pour cause de minorité ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucun texte n'écarte l'application de la suspension de la prescription au profit des mineurs au délai édicté par l'article 706-5 du Code de procédure pénale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qui concerne Carole X..., Virginie X... et Yannick X..., l'arrêt rendu le 23 mai 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.