Cass. soc., 11 avril 2002, n° 00-22.689
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gougé
Rapporteur :
M. Trédez
Avocat général :
M. Bruntz
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Nicolay et de Lanouvelle
Attendu que le 27 septembre 1992, D... X..., employé en qualité de caviste au sein de la société Henri Maire, faisait une chute mortelle alors qu'il se déplaçait sur une passerelle dépourvue de garde-corps à 10 mètres au-dessus des caves de son employeur ; que M. Menez, président du Directoire de la société Henri Maire, déclarait devant le magistrat instructeur, qu'au moment de l'accident, le salarié travaillait sous l'autorité de M. B..., cadre de la société et responsable de l'ensemble des chais de vinification ; que ce dernier expliquait que pour passer de l'autre côté de la passerelle il avait mal évalué le risque et n'avait donc pas imposé le port du harnais de sécurité ;
Attendu que, par jugement rendu le 16 janvier 1996, le tribunal correctionnel de Dole renvoyait M. M... des fins de la poursuite et condamnait M. B... pour homicide involontaire et infractions à la législation et à la réglementation de la sécurité des travailleurs ; que, par arrêt infirmatif, Mme X..., agissant en son nom personnel et en qualité d'administratrice légale de sa fille mineure B..., a été déboutée de sa demande tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir statué ainsi alors, selon le moyen, qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué qu'il a été prononcé "en présence de Mme E. Dolard, agent administratif faisant fonction de greffier" et qu'il a été "signé par Mme J. Coquet, greffier" ; que l'arrêt ayant été ainsi signé par un greffier qui n'a pas assisté à son prononcé a donc été rendu en violation des articles 456 et suivants du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que le dispositif de l'arrêt mentionne que celui-ci a été prononcé en audience publique et qu'il a été signé par Mme Coquet, greffier ; que la signature de l'arrêt par le greffier qui en atteste le prononcé établit sa présence lors de la lecture de la décision, peu important la mention erronée figurant à la 2e page ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Vu l'article L.452-1 du Code de la sécurité sociale, ensemble les articles 1351 et 1356 du Code civil ;
Attendu que selon le premier de ces textes, la responsabilité de l'employeur peut se trouver engagée vis-à-vis de la victime ou de ses ayants droit en raison non seulement de sa propre faute mais également de celle des personnes qu'il s'est substituées dans la direction ;
Attendu que pour débouter Mme X... de ses demandes, la cour d'appel relève que "si T... B... a été déclaré coupable d'homicide involontaire et d'infractions à la législation et à la réglementation de la sécurité des travailleurs, il convient de relever que celui-ci n'avait reçu aucune délégation de pouvoir de l'employeur, que ce salarié n'était substitué à la direction de l'entreprise ni en fait ni en droit ;
que le jugement correctionnel n'a caractérisé ni l'existence d'une délégation de pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité au profit de ce salarié, ni une substitution de celui-ci dans les pouvoirs de l'employeur ;
que les éléments constitutifs de la faute inexcusable ne sont pas ainsi à rechercher en la personne de ce salarié" ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres énonciations que M. B... avait été condamné définitivement pour homicide involontaire et infractions à la réglementation sur la sécurité des travailleurs, ce dont il résultait que l'intéressé avait la qualité de substitué de l'employeur et que sa faute, d'une gravité exceptionnelle, présentait les caractères de la faute inexcusable, la cour d'appel, qui n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui en découlaient, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 octobre 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon.