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Décisions

CA Paris, 14e ch. B, 13 février 2009, n° 08/15062

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Croisées Plast (SAS), Croisées Bois (SAS), Croisées Alu (SAS), Lecocq Développement (SARL)

Défendeur :

Hyon

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Schoendoerffer

Conseillers :

Mme Provost-Lopin, Mme Darbois

Avoués :

Me Couturier, SCP Bommart-Forster - Fromantin

Avocats :

Me Septier, Me Moitie

T. com. Paris, du 10 juill. 2008, n° 200…

10 juillet 2008

Vu l'appel formé par les sociétés CROISÉES PLAST, CROISÉES BOIS, CROISEES ALU et LECOCQ DÉVELOPPEMENT de l'ordonnance de référé rendue le 10 juillet 2008 par le président du tribunal de commerce de Paris qui :

- leur a ordonné de produire à M Jean Paul HYON l'intégralité des documents demandés soit pour chaque société :

° les inventaires et les comptes annuels (bilan compte résultat et annexe)

° les procès-verbaux d'assemblées générales tenues au cours de trois derniers exercices

° les feuilles de présence à ces assemblées

° les rapports de gestion du président ainsi que ceux des commissaires aux comptes avec leurs annexes

° la liste et l'objet des conventions courantes et conclues à des conditions normales

(article L 225-115 6° du code de commerce)

sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de huit jours après la signification de l'ordonnance et ce pendant 30 jours,

- a dit qu'il lui en sera référé pour la liquidation et le renouvellement de l'astreinte,

- les a condamnées, outre aux dépens, au payement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions en date du 15 janvier 2009 par lesquelles les sociétés appelantes demandent à la cour, par voie d'infirmation, de constater que la société LECOCQ DÉVELOPPEMENT n'a pas été assignée en sa qualité de présidente de société, de débouter M HYON de toutes ses demandes et de le condamner, outre aux dépens, au payement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions en date du 18 décembre 2008 par lesquelles M Jean Paul HYON demande à la cour de :

1 sur l'exception d'incompétence soulevée « in limine litis» par les appelants

- se déclarer compétent pour juger des demandes de M Jean Paul HYON,

2 sur le droit d'information de M Jean Paul HYON

Vu l'article 873 du code de procédure civile

Vu les articles 23 des statuts des sociétés CROISÉES PLAST, CROISÉES BOIS et CROISÉES ALU

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné la société LECOCQ DÉVELOPPEMENT sous astreinte de 500 € par jour de retard passé le délai de huitaine à compter de la signification de la décision, à produire à Monsieur Jean-Paul HYON pour les trois sociétés CROISÉES PLAST, CROISÉES BOIS et CROISÉES ALU l'intégralité des documents demandés,

- Y ajouter la communication, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard, des procès-verbaux des assemblées générales des sociétés CROISÉES PLAST, CROISEES BOIS et CROISÉES ALU se prononçant sur les comptes sociaux de l'exercice 2007 et les feuilles de présence s'y rapportant,

3 sur la liquidation de l'astreinte et le prononcé d'une nouvelle astreinte

Vu l'ordonnance entreprise et sa signification en date du 18 juillet 2008

Vu les dispositions des articles 35 et 36 de la Loi du 9 Juillet 1991

Vu les dispositions de l'article 491 du code de procédure civile

- liquider l'astreinte fixée par le premier juge,

en conséquence,

- condamner la société LECOCQ DÉVELOPPEMENT à payer à M HYON la somme de 15 000 € au titre de la liquidation de l'astreinte fixée par l'ordonnance entreprise,

- ordonner une nouvelle astreinte et en fixer le montant à 1000 € par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,

- dire que la cour se réservera le pouvoir de liquider l'astreinte ordonnée,

y ajoutant,

- rendre opposable aux sociétés CROISÉES PLAST, CROISÉES BOIS et CROISÉES ALU la décision à intervenir,

- condamner la société LECOCQ DÉVELOPPEMENT, outre aux dépens, au payement de la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

LA COUR

Considérant qu'en 2001, la holding ASSAS DEVELOPPEMENT a acquis le capital de trois sociétés : CROISEES PLAST SAS, CROISEES ALU' SAS et MENUISERIE FLAICTE SAS devenue par la suite CROISEES BOIS ;

Que M Jean-Paul HYON, engagé en 2001 comme directeur administratif et financier salarié de la société CROISEES PLAST, a été nommé en juillet 2002 président des sociétés CROISEES PLAST, CROISEES ALU et CROISEES BOIS et est devenu courant 2002 actionnaire des trois sociétés CROISEES PLAST (5 actions), CROISEES BOIS (1 action) et CROISEES ALU (l action) ;

Que l'assemblée générale ordinaire du 21 février 2008 a mis fin aux mandats sociaux de M HYON lequel a été remplacé à la présidence des trois sociétés par la société LECOCQ DEVELOPPEMENT ;

Que par lettre recommandée en date du 22 février 2008, M HYON a contesté ces décisions ;

Que convoqué le 11 juin 2008 pour le 27 juin suivant aux assemblées générales annuelles des trois sociétés et dans l'impossibilité de s'y rendre, il a demandé à exercer son droit d'information préalable d'actionnaire et à recevoir communication pour chacune des sociétés des comptes du dernier exercice, du rapport du président sur la situation, des rapports de commissaires aux comptes, du tableau des résultats des 5 derniers exercices et des projets de résolution ;

Que le 23 juin 2008, M HYON a été informé du report sine die des dates des assemblées générales ; que le 30 juin 2008, ce dernier a indiqué qu'en sa qualité d'actionnaire, il entendait, en application de l'article L. 225-117 du code de commerce et de l'article 23 des statuts, exercer son droit de communication permanent des documents légaux, précisant ' ... je me rendrai au siège de la société le mercredi 2 juillet 2008 à 9 heures afin d'y consulter et prendre copie des registres sociaux, de l'inventaire, des comptes annuels, du tableau des résultats des cinq derniers exercices , des rapports de gestion du président et des rapports des commissaires aux comptes pour les trois derniers exercices disponibles' ; que le 1er juillet 2008, le gérant de la société LECOCQ DEVELOPPEMENT lui a répondu qu'il ne serait pas donné suite à sa demande, et ce, en ces termes ' depuis votre révocation de vos fonctions de Président en date du 21 février 2008, vous tombez sous le coup d'une procédure en exclusion de votre qualité d'actionnaire qui est actuellement en cours' ;

Qu'invoquant une violation majeure de ses droits d'actionnaires du fait des agissements du président des sociétés CROISEES PLAST, CROISEES ALU et CROISEES BOIS, M Jean-Paul HYON a, le 4 juillet 2008, au visa des articles L. 225-115 et L. 225-117 du code de commerce, L. 238-1 du même code et 873 du code de procédure civile, saisi le juge des référés aux fins d'ordonner à la société LECOCQ DEVELOPPEMENT de lui communiquer sous astreinte pour chacune des trois sociétés les documents suivants :

° les inventaires et les comptes annuels (bilan compte résultat et annexe)

° les procès-verbaux d'assemblées générales tenues au cours de trois derniers exercices

° les feuilles de présence à ces assemblées

° les rapports de gestion du président ainsi que ceux des commissaires aux comptes avec leurs annexes

° la liste et l'objet des conventions courantes et conclues à des conditions normales

(article L. 225-115 6° du code de commerce) ;

Que c'est ainsi que l'ordonnance entreprise a été rendue, le premier juge ayant fait droit à la demande de M HYON ;

Que la décision a été signifiée le 18 juillet 2008 à la société LECOCQ DEVELOPPEMENT et le 21 juillet suivant aux sociétés CROISEES PLAST, CROISEES ALU et CROISEES BOIS ;

Que par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 21 juillet 2008, M HYON a avisé les sociétés concernées qu'il se rendrait à leurs sièges respectifs le 24 juillet pour prendre connaissance et copie des documents visés dans l'ordonnance ; que le 24 juillet, M HYON s'est vu interdire l'entrée dans les entreprises ;

Considérant qu'au soutien de leur appel, les sociétés CROISEES PLAST, CROISEES ALU et CROISEES BOIS exposent que M HYON prétend à tort être salarié de la société CROISEES PLAST et être associé de la société LECOCQ DEVELOPPEMENT, qu'il détient des actions des trois sociétés ;

Qu'elles font valoir que la société LECOCQ DEVELOPPEMENT n'a pas été assignée en qualité de présidente des trois autres sociétés mais comme une société dont M HYON serait actionnaire, ce qui n'est pas le cas ; qu'elles sollicitent la mise hors de cause de la société LECOCQ DEVELOPPEMENT ;

Qu'elles soutiennent que M HYON a été président des trois sociétés CROISEES PLAST, CROISEES ALU et CROISEES BOIS du 4 juillet 2002 au 21 février 2008 ; qu'il a donc préparé et présidé les assemblées approuvant les comptes de 2002 à 2006 ; qu'il avait la charge et la responsabilité de la rédaction et de la convocation de toutes les assemblées, l'obligation de rédiger les rapports annuels et d'effectuer le dépôt des comptes au greffe ; qu'il est intervenu auprès du cabinet FITECO pour emporter au cours de l'exercice 2007 les registres des trois sociétés, que des pages du registre de la société CROISEES PLAST ont disparu, qu'il ne peut s'étonner que ses droits d'actionnaire ont pu être bafoués alors qu'il en était le garant durant sa présidence ;

Qu'elles invoquent le fait que la preuve de l'urgence n'est pas démontrée ;

Qu'elles allèguent que la procédure d'injonction de faire instaurée en renfort du droit de communication des actionnaires de société anonyme ne peut s'appliquer à la SAS pour tout ce qui concerne le droit de communication temporaire ou permanent spécifique aux SA ; qu'en effet, l'article L. 238-1 du code de commerce concerne la production, la communication ou la transmission de documents visés par les articles L. 225-115 à L. 225-117 , textes inapplicables aux SAS ; qu'elles concluent à l'irrecevabilité des demandes fondées sur ces articles ;

Qu'elles concluent enfin au débouté de la demande de liquidation de l'astreinte, le premier juge ayant réservé sa compétence ;

Considérant que contrairement à ce que soutiennent les appelantes sans en tirer les conséquences, le président du tribunal de commerce de Paris était compétent pour statuer sur la demande de M HYON, la société LECOCQ DEVELOPPEMENT - en qualité de présidente des sociétés CROISEES PLAST, CROISEES ALU et CROISEES BOIS - étant immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris ;

Considérant que les appelants concluent à la mise hors de cause de la société LECOCQ DEVELOPPEMENT dès lors qu'elle n'a pas été assignée en qualité de présidente des trois sociétés CROISEES PLAST, CROISEES ALU et CROISEES BOIS ; que toutefois, dans le corps de l'assignation, la demande de M HYON vise très précisément la société LECOCQ DEVELOPPEMENT, présidente des trois sociétés à l'origine du refus opposé à la demande de communication présentée par M HYON ; que dès lors, la demande de mise hors de cause doit être rejetée ;

Considérant que l'article L. 227-1 du code de commerce dispose que dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions particulières prévues par le présent chapitre, les règles concernant les sociétés anonymes - à l'exception des articles L. 225- 17 à L. 225-126 et L. 225-243 - sont applicables à la société par actions simplifiée ;

Que les articles invoqués par M Jean-Paul HYON soit les articles L. 225-115 et L. 225-117 du code de commerce font partie des exclusions et constituent des dispositions inapplicables aux SAS ;

Considérant toutefois que l'article 23 des statuts des SAS CROISEES PLAST, CROISEES ALU et CROISEES BOIS prévoit en son alinéa 3 : 'Les actionnaires peuvent à toute époque mais sous réserve de ne pas entraver la bonne marche de la société, consulter au siège social et, le cas échéant, prendre copie pour les trois derniers exercices, des registres sociaux, de l'inventaire et des comptes annuels, du tableau des résultats des cinq derniers exercices, des comptes consolidés, s'il y a lieu, des rapports de gestion du président et des rapports des commissaires aux comptes' ;

Que l'alinéa 4 du même article précise : ' s'agissant de la décision collective statuant sur les comptes annuels, les actionnaires peuvent obtenir communication aux frais de la société des comptes annuels et le cas échéant, des comptes consolidés du dernier exercice ;

Que tant que M Jean-Paul HYON n'est pas exclu, il demeure actionnaire des SAS CROISEES PLAST, CROISEES ALU et CROISEES BOIS et a le droit d'exercer son droit de communication ;

Qu'aucune des correspondances échangées ne permet d'établir que M HYON soit détenteur des documents ou de certains d'entre eux visés à l'article 23 des statuts à supposer même qu'il en ait été détenteur en son temps ;

Qu'au vu de ce qui précède, il y a lieu d'ordonner à la société LECOCQ DEVELOPPEMENT , pour chacune des sociétés CROISEES PLAST, CROISEES ALU et CROISEES BOIS, et ce, pour les trois derniers exercices clos (2005, 2006 et 2007) de communiquer à M HYON les comptes annuels ( bilan compte résultat et annexe), les rapports de gestion du président ainsi que ceux des commissaires aux comptes avec leurs annexes sous astreinte de 200 euros par jour de retard dans les huit jours de la signification du présent arrêt, et ce, pendant deux mois ainsi que de lui permettre de consulter et de prendre copie des inventaires, des procès-verbaux d'assemblées générales tenues au cours de trois derniers exercices, des feuilles de présence à ces assemblées et de la liste et de l'objet des conventions courantes et conclues à des conditions normales ;

Que l'astreinte ne courra, et ce dans les termes de la demande, qu'à l'encontre de la société LECOCQ DEVELOPPEMENT ;

Considérant que l'arrêt est, dans les termes de la demande, opposable aux sociétés CROISEES PLAST, CROISEES ALU et CROISEES BOIS ;

Considérant que l'équité commande d'allouer à M Jean-Paul HYON une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que la société LECOCQ DEVELOPPEMENT qui succombe en l'essentiel de ses prétentions doit supporter les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a ordonné aux sociétés CROISÉES PLAST, CROISÉES BOIS, CROISEES ALU et LECOCQ DÉVELOPPEMENT de produire à M Jean Paul HYON l'intégralité des documents demandés soit pour chaque société :

° les inventaires et les comptes annuels ( bilan compte résultat et annexe)

° les procès verbaux d'assemblées générales tenues au cours de trois derniers exercices

° les feuilles de présence à ces assemblées

° les rapports de gestion du président ainsi que ceux des commissaires aux comptes avec leurs annexes

° la liste et l'objet des conventions courantes et conclues à des conditions normales (article L. 225-115 6° du code de commerce) et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de huit jours après la signification de l'ordonnance et ce pendant 30 jours ;

La réformant et statuant à nouveau sur ces points,

y ajoutant,

Ordonne à la société LECOCQ DEVELOPPEMENT, pour chacune des sociétés CROISEES PLAST, CROISEES ALU et CROISEES BOIS, et ce, pour les trois derniers exercices clos (2005, 2006 et 2007) de communiquer à M Jean Paul HYON les comptes annuels ( bilan compte résultat et annexe), les rapports de gestion du président ainsi que ceux des commissaires aux comptes avec leurs annexes sous astreinte de 200 euros par jour de retard dans les huit jours de la signification du présent arrêt, et ce, pendant deux mois ;

Dit que la société LECOCQ DEVELOPPEMENT devra, pour chacune des sociétés CROISEES PLAST, CROISEES ALU et CROISEES BOIS,et ce, pour les trois derniers exercices clos (2005, 2006 et 2007), permettre à M Jean Paul HYON de consulter et de prendre copie des inventaires, des procès verbaux d'assemblées générales tenues au cours de trois derniers exercices, des feuilles de présence à ces assemblées et de la liste et de l'objet des conventions courantes et conclues à des conditions normales ;

Dit que l'arrêt est opposable aux sociétés CROISEES PLAST, CROISEES ALU et CROISEES BOIS ;

Condamne la société LECOCQ DEVELOPPEMENT à payer à M Jean-Paul HYON une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société LECOCQ DEVELOPPEMENT aux dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.