CA Saint-Denis de la Réunion, ch. com., 23 mai 2014, n° 13/00712
SAINT-DENIS DE LA RÉUNION
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Nouvelle Imprimerie Dyonisienne (SAS), Sirob (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Froment
Conseillers :
M. Faissolle, Mme Noclain
Avocats :
Me Martinez, SCP Chicaud/Law Yen
FAITS ET PROCEDURE
Les époux S. sont actionnaires de la SAS NID.
Par lettre simple en date du 18 novembre 2010, Monsieur Louis Maximin C.C., président de la SAS NID, a convoqué une assemblée générale mixte pour le 14 décembre 2010 avec à l'ordre du jour les points suivants :
- nomination de Carole C.K.C., en qualité de directrice générale,
- réduction de capital,
- augmentation de capital,
- pouvoir en vue des formalités.
Cette convocation était accompagnée du rapport du président ainsi que du texte des résolutions.
Lors de l'assemblée générale mixte du 14 décembre 2010, l'ensemble des résolutions ont été adoptées.
Par exploit d'huissier en date des 15, 16 et 18 novembre 2011, Monsieur et Madame S., actionnaires de ladite société ont fait assigner en nullité de délibérations et en désignation d'expert la SAS NID, la SAS SIROB, Monsieur Louis Maximin C.C., Monsieur Michel C.C., Monsieur Yves M. et Madame Clarisse CHUNG A. SEUNG.
Par jugement en date du 28 janvier 1013, dont appel, le Tribunal Mixte de Commerce de Saint Denis a :
- débouté Monsieur et Madame S. de l'ensemble de leurs demandes,
- condamné les mêmes à payer aux défendeurs la somme globale de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les dépens à leur charge.
Les époux S. ont relevé appel de cette décision suivant déclaration au greffe en date du 22 avril 2013.
Ils ont intimé la SAS NID, la SAS SIROB, Monsieur Louis Maximin C.C..
Dans leurs dernières écritures en date du 20 janvier 2014, les époux S. concluent en ces termes :
- réformer l'entier jugement du 28 janvier 2013 ;
- constater :
- le défaut d'information des actionnaires de la SAS NID au sujet de l'augmentation de capital ;
- que la SAS SIROB et Monsieur Louis Maximin C.C. ont commis un abus de majorité ;
- le défaut du caractère liquide des créances en compte courant apportées ;
- l'absence du recours à un commissaire aux apports afin d'estimer la valeur réelle des comptes courants d'actionnaires.
- dire et juger que le président de la SAS NID n'a pas respecté les obligations relevant de l'article R225-113 du code de commerce ;
- prononcer la nullité de toutes les résolutions extraordinaires de l'assemblée générale mixte du 14 décembre 2010 ;
- dire et juger que le capital social de la SAS NID sera fixé à la somme de 1.525.000 euros ;
- constater le rétablissement des droits des époux S. à hauteur de 31% dans le capital social ;
- dire et juger que la SAS NID a réalisé un profit exceptionnel de 1.497.000 euros ;
- condamner la SAS NID à refaire son bilan au 31 décembre 2010 ;
- condamner la SAS NID à refaire son affectation de résultat en respectant les prescriptions légales ;
- désigner tel expert de minorité métropolitain qu'il plaira à la Cour, en application de l'article L. 225-231 du code de commerce, aux frais avancés de la SAS NID avec pour mission de :
- se rendre sur place, se faire remettre tout document utile,
- interroger toutes personnes pouvant l'informer,
- s'adjoindre tout sachant,
- effectuer l'évaluation de toutes les participations détenues par la société NID,
- se faire communiquer tout renseignement utile pour se faire, notamment accéder à l'intégralité des comptes sociaux de la SAS NID et des entreprises dont des participations sont détenues par la SAS NID,
- dire qu'il était de l'intérêt de la SAS NID ou de l'intérêt personnel de Monsieur Louis Maximin C.C. de conserver de tels actifs stériles dans la SAS NID,
- dire si certaines solutions alternatives à l'augmentation de capital n'auraient pas pu ou dû être mises en oeuvre,
- donner son avis sur la non corrélation observée sur les comptes 2010 entre les frais de personnel et le chiffre d'affaire, contrairement à ce que l'on pouvait observer sur les comptes 2009.
Condamner solidairement Monsieur Louis Maximin C.C. et la SAS SIROB à payer à Monsieur et Madame S. la somme de 464.066 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles 1382 et suivants du Code civil ;
Condamner solidairement chacun des époux S. à la somme de 18.445 euros au titre de l'article 700 du C. P.C ;
Condamner les intimés aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La SAS NID, la SAS SIROB et Monsieur Louis Maximin C.C. dans leurs dernières écritures du 30 septembre 2013 ont conclu en ces termes :
- recevoir l'appel des époux S. et le dire mal fondé,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal mixte de commerce en date du 28 janvier 2013,
- y ajouter la condamnation solidaire des époux S. à payer à chacun des intimés la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'à supporter les dépens, dont distraction au profit de la SCP Robert CHICAUD - Françoise LAW YEN, avocats.
L'ordonnance de clôture a été prononcée par le conseiller de la mise en état le 27 janvier 2014.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et de leurs moyens respectifs.
SUR CE LA COUR,
Attendu que les époux S. demandent le prononcé de la nullité des délibérations de l'assemblée générale du 14 décembre 2010 ; que pour ces derniers, il résulte de la méconnaissance des obligations relevant de l'article R. 225-113 du code de commerce un défaut d'information des actionnaires de la SAS NID sur l'augmentation de capital ; que le seul motif de cette augmentation de capital est un besoin de trésorerie de 700.000 euros réclamés par la Bred, qui ne justifie pas une augmentation du capital de 1.497.000 euros, qu'ils soutiennent que la société NID était en état de cessation de paiement, que les comptes courants n'étaient pas liquides, que l'opération avait pour objet de diluer la participation des époux S. dans le capital de la société NID, que la SAS SIROB ainsi que Monsieur Louis Maximin C.C. auraient commis un abus de majorité ; que l'augmentation de capital n'aurait pas respecté les dispositions du code de commerce en ce que les créances en compte courant n'étaient pas liquides et qu'il n'y a pas eu de recours à un commissaire aux apports afin d'estimer la valeur réelle des comptes courants d'actionnaires ;
Attendu qu'en réplique, les intimés se défendent d'un manquement à l'obligation d'information des associés ; qu'à la convocation à l'assemblée générale étaient joints le rapport du président, lequel justifiait du coup d’accordéon par un souci d’apurement du passif à la suite d’un résultat déficitaire, résultant de la nécessité d'un versement en espèces de 700.000 euros exigé par la BRED et afin d'éviter un risque de cessation des paiements ; que par ailleurs, le commissaire aux comptes a bien rendu un rapport concernant la diminution de capital qui était tenu à la disposition des époux S.;
Attendu que Monsieur et Madame S., représentant 31 % du capital social de la SAS NID, ont été convoqués par courrier du 18 Novembre 2010 à l'assemblée générale mixte des actionnaires fixée au 14 Décembre 20l0, afin de délibérer sur l'ordre du jour suivant :
- nomination de Mme Carole C.C. en qualité de Directrice Générale,
- réduction du capital,
- augmentation du capital,
- pouvoir en vue des formalités ;
Attendu qu'en vertu des articles L. 225-129 et R. 225-113 du Code de Commerce, dans la perspective du vote par l'assemblée générale extraordinaire d'une augmentation de capital, le Conseil d'Administration doit présenter un rapport contenant des informations claires, précises et circonstanciées sur les motifs de l'opération afin que chacun soit en mesure d'en apprécier l'utilité quant au devenir de la société ; que ce rapport doit contenir la marche des affaires sociales depuis le début de l'exercice en cours, et si l'assemblée générale ordinaire appelée à statuer sur les comptes n'a pas encore été tenue, pendant l'exercice précédent. Le cas échéant, le conseil d'administration ou le directoire indique le montant maximal de l'augmentation de capital ;
Attendu, par ailleurs, que les articles L. 225-204 et R. 225-150 du Code de Commerce impose au Commissaire aux Comptes, en cas de réduction du capital, de vérifier qu'elle ne porte pas atteinte à l'égalité des actionnaires ;
que les résolutions sont adoptées à la majorité des deux tiers des voix dont disposent les actionnaires présents ou représentés ;
Attendu qu'étaient joints aux convocations le rapport du président et le texte des résolutions ; qu'aux termes de ce rapport, il est proposé, à la suite des pertes de l'exercice 2009, compte tenu de la demande de la BRED d'effectuer un versement en espèces de 700.000 euros et afin d'écarter le risque d'une cessation des paiements, la mise en place d'une restructuration financière pour rétablir les capitaux propres de la façon suivante :
- amortir le report à nouveau négatif de 1.584.497 euros et la perte de l'exercice au 31 Décembre 2009 de 1.213.509 euros par affectation de postes du bilan (réserves réglementées et autres réserves) à concurrence de 1.896.006 euros et par une réduction de capital de 902.000 euros,
- augmenter le capital social d'une somme de 1.497.000 euros pour le porter de 623.000 euros à 2.120.000 euros par la création de 240.289 actions de 6,23 euros chacune, à libérer intégralement par versement d'espèces ou par compensation avec des créances liquides et exigibles sur la société ;
Qu'en exécution de l'article L. 225-204 du Code de Commerce, le Commissaire aux Comptes a présenté son rapport daté du 15 Novembre 2010 sur la réduction du capital envisagée et sur la validité de laquelle, qu'il n'a formulé aucune observation ; nos travaux ont consisté notamment à vérifier que la réduction du capital ne ramène pas le montant du capital à des chiffres inférieurs au minimum légal et qu'elle ne peut porter atteinte à l'égalité des actionnaires' ;
Attendu que les conditions posées par les articles L. 225-204 et R. 225-150 du Code de Commerce ont bien été respectées ;
que le 29/11/10, en réponse à la convocation à l' AGE, les époux S. ont dans un premier temps demandé le remboursement de leurs comptes courants (25.000 euros et 18.000 euros) qu'ils ont obtenu par chèques du 28 Janvier 2011 ;
et que le 30/11/10, ils ont contesté l'opération annoncée, proposant notamment une solution alternative au coup d’accordéon , consistant en la réalisation d’un immeuble de la société NID et la vente de tout ou partie des actions SPR détenues par elle pour récupérer les 700.000 euros réclamés par la Bred,
qu'en réponse, le 7/12/10, le président de la SAS NID a repris des explications qui figuraient déjà dans son rapport joint à la convocation du 18/11/10 de l' AGE du 14/12/2010, que les époux S. n'y ont pas répliqué,
Attendu qu'ils ne peuvent arguer d'un manque d'information concernant le coup d’accordéon alors que le rapport du président contenait des informations suffisamment claires, spécifiques et circonstanciées relatives à la situation économique de la SAS NID ;
que le rapport du commissaire aux comptes favorable à la diminution de capital était à disposition des actionnaires ;
qu'au demeurant, ainsi que l'a constaté le premier juge, les époux S. pouvaient valablement se procurer tout document utile à éclairer leur consentement par la voie de l'injonction de faire instituée par l'article L. 238-1 du code de commerce ;
que les époux S. ne sont pas davantage fondés à obtenir la nullité de l'augmentation de capital au motif que les créances en compte courant apportées n'auraient pas été liquides et exigibles et n'avaient pas fait l'objet d'une évaluation d'un commissaire aux apports ; qu'une telle évaluation n'est pas exigée par la loi,
que conformément à l'article R. 225-134 du code de commerce, la libération d'actions par compensation de créances sur la société fait l'objet d'un arrêté de compte établi par le conseil d'administration ou le directoire (par le président en l'espèce) et certifié exact par le commissaire aux comptes; que l'ensemble de ces formalités a été accompli ; que le commissaire aux comptes a notamment certifié comme étant liquide et exigible la créance de la SAS SIROB ;
que c'est donc valablement que la SAS SIROB a pu acquérir de nouvelles actions par compensation avec son compte courant d'associé ;
que du reste, les époux S. disposaient de la même faculté mais qu'ils ont préféré demander le remboursement de leur compte courant d'associé ;
qu'ils ne sont donc pas fondés à arguer d'une manoeuvre ayant pour but de diminuer leur participation dans la SAS NID ;
Attendu qu'au demeurant la situation préoccupante de la société ressort clairement de l'examen du bilan de l'exercice 2009 ;
que pour autant les époux sibylle ne peuvent, sans se contredire, affirmer que la société NID était en état de cessation de paiement au moment où a été décidé le coup d’accordéon et dire qu une meilleure solution aurait consisté dans la réalisation d'une partie de l'actif immobilier ; immeuble de la société NID sis, 25 rue Kerveguen à Sainte Clotilde et cession de ses actions SPR détenues par la société NID,
que l'explication donnée dans son rapport joint à la convocation de l'AGE du 18/11/10 et reformulée le 7/12/2010 avant la AGE par le président sur l'inopportunité de cette solution en raison de la faiblesse du marché immobilier et de la crise traversée par les entreprises de presse apparaît pertinente et n'a du reste pas été discutée par les époux S.,
Attendu que les résolutions adoptées à la majorité des deux tiers par l'assemblée générale mixte réunie le 14 Décembre 2010 ont permis de rééquilibrer le compte de résultat de l'exercice 2010 ;
que la réduction du capital contestée par les époux S. a bien été une mesure d'assainissement financier et que l'augmentation du capital qui s'en est suivie était indispensable à la survie de la société ;
Attendu qu'un abus de majorité suppose une atteinte portée à l'intérêt social de la décision adoptée et une rupture d'égalité entre les actionnaires au profit des majoritaires ; que les deux actionnaires minoritaires ne démontrent pas la réunion de ces conditions ;
que l'opération réalisée en l'espèce n'était pas contraire à l'intérêt social de la société puisqu'elle a permis d'assainir la situation financière de la société ;
que le jugement qui a rejeté la demande en annulation de l'AGE litigieuse est en voie de confirmation,
Attendu que les époux S. demandent aussi que soit nommé un expert métropolitain afin de réaliser une expertise de minorité pour notamment dire s'il était de l'intérêt de la SAS NID ou de celui de Monsieur C.K.C. de conserver des actifs stériles dans la SAS NID et de préciser si des solutions alternatives à l'augmentation de capital ne pouvaient pas être mises en oeuvre ;
Attendu qu’il sera observé que cette demande n'est pas formulée au subsidiaire de leur demande d'annulation de l'assemblée générale extraordinaire, qui a été rejetée, mais en complément de la demande principale,
que l'objet de la mission proposée consiste principalement à demander à un expert métropolitain s'il était dans l'intérêt de la SAS NID ou de l'intérêt personnel de Monsieur C.K.C. de conserver des actifs stériles (immobilier et titre en participation), mais qu'à cette question déjà posée par les époux S., M.C.K.C. a répondu en donnant des explications sur l'inopportunité de la réalisation du bien immobilier et la cession des titres de la société qui emportent la conviction et qui ne nécessitent pas d'investigations complémentaires que les époux S. se sont du reste abstenus de solliciter avant l'assemblée générale alors l'expertise de minorité doit être demandée en application des articles L. 225-231 et R. 225-163 en la forme des référés, ce qui permet une mise en oeuvre rapide ;
que la demande sera écartée et la décision sera confirmée sur ce point aussi,
Attendu qu'il est équitable de mettre à la charge des époux S. les frais irrépétibles engagés par les intimés pour le montant précisé dans le dispositif ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Déboute les époux S. de l'ensemble de leurs demandes,
Condamne in solidum les époux S. à payer aux intimés globalement la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les condamne aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP CHICAUD.