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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 25 septembre 2018, n° 18/00878

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Proxia Courtage (SARL), Proxia Groupe (SAS), Proxia Construction (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Calloch

Conseillers :

Mme André, Mme Jeorger-Le Gac

CA Rennes n° 18/00878

25 septembre 2018

EXPOSÉ DU LITIGE

Le capital de la SAS Proxia Groupe, présidée par M. T., est réparti entre M. T. (5 653 actions), M. M. associé depuis 2011 (5 645 actions) et M. D. (78 actions). Cette société holding, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 11 août 2008, détient la majorité du capital des SARL Proxia Courtage immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 4 mars 1980 et Proxia Construction immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 13 août 2008. M. Christophe M. en a été le directeur général jusqu'à sa révocation votée le 29 septembre 2017, une expertise sur l'évaluation de ses droits sociaux, qu'il avait émis le souhait de céder au mois d'octobre 2016, étant actuellement en cours.

Le 13 septembre 2017, M. M. a fait assigner les sociétés Proxia Courtage, Proxia Groupe et Proxia Construction devant le juge des référés du tribunal de commerce de Nantes aux fins d'obtenir la désignation d'un administrateur provisoire pour administrer les sociétés du groupe ou, à titre subsidiaire, l'organisation d'une expertise de gestion.

Par ordonnance datée du 7 novembre 2017, le juge des référés du tribunal de commerce de Nantes a :

- déclaré irrecevable la demande d'expertise de gestion en ce qui concerne les sociétés Proxia Courtage et Proxia Constructions faute de saisine régulière ;

- rejeté la demande de nomination d'un administrateur provisoire ;

- rejeté la demande d'expertise de gestion portant sur la société Proxia Groupe ;

- condamné M. M. à payer à ces trois sociétés la somme totale de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Le 5 février 2018, M. M. a relevé appel de cette ordonnance à l'encontre des trois sociétés défenderesses, son appel étant cependant limité au rejet de sa demande d'expertise de gestion de la société Proxia Groupe et à sa condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il demande à la cour d'ordonner, sur le fondement de l'article L.225-231 du code de commerce, une expertise de gestion aux frais avancés de la société Proxia Groupe et de condamner les sociétés intimées au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés intimées ont constitué avocat mais n'ont pas déposé de conclusions.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée et aux conclusions déposées par M. M. le 1er mars 2018.

EXPOSÉ DES MOTIFS

L'article L. 225-231 du code de commerce, auquel renvoie l'article L227-1 alinéa 1 en ce qui concerne les sociétés par actions simplifiées, énonce :

'Une association répondant aux conditions fixées à l'article L. 225-120, ainsi que un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, peuvent poser par écrit au président du conseil d'administration ou au directoire des questions sur une ou plusieurs opérations de gestion de la société, ainsi que, le cas échéant, des sociétés qu'elle contrôle au sens de l'article L. 233-3. Dans ce dernier cas, la demande doit être appréciée au regard de l'intérêt du groupe. La réponse doit être communiquée aux commissaires aux comptes.

A défaut de réponse dans un délai d'un mois ou à défaut de communication d'éléments de réponse satisfaisants, ces actionnaires peuvent demander en référé la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion...

S'il est fait droit à la demande, la décision de justice détermine l'étendue de la mission et des pouvoirs des experts. Elle peut mettre les honoraires à la charge de la société.'

M. M. demande à la cour de saisir un expert de la mission suivante :

- se faire remettre l'intégralité des éléments comptables de la société Proxia Groupe ;

- analyser la régularité des flux financiers entre les comptes de l'ensemble de la société et ses associés,

- chiffrer précisément le trou de caisse et en expliquer la cause ;

- déterminer les retards de paiements des cotisations des assurés entre les mains des compagnies et les retards de paiements des primes reversées par les assureurs ;

- d'une façon générale, fournir tout élément de nature à éclairer la juridiction ultérieurement saisie sur la gestion de la société et les pratiques de ses dirigeants et associés.

Il s'agit donc d'une mission très générale, non limitée dans le temps ou dans son objet, portant sur l'intégralité de la gestion de la société depuis son immatriculation au registre du commerce et des sociétés au mois d'août 2008, au prétexte d'un 'trou de caisse' dont il n'est pas justifié par la production des derniers documents comptables de synthèse de la société holding, étant fait remarquer que le point 4 de cette mission est de surcroît irréalisable, telle que formulé, puisqu'il porte sur l'activité d'assurance de la SARL Proxia Courtage que les documents comptables de la société Proxia Groupe ne traduisent pas. Il s'en déduit que l'expertise sollicitée vise non seulement la gestion de la société Proxia Group mais encore sur celle de la société Proxia Courtage dont M. M. n'est pas associé.

Or l'expertise de gestion organisée par l'article L. 225-231 sus-reproduit ne peut porter que sur une ou plusieurs opérations de gestion déterminées et non sur l'ensemble de la gestion de la société ou, a fortiori, des sociétés d'un groupe dont elle n'est pas un instrument de contrôle.

Par ailleurs, s'il est produit copie d'échanges informels, par courriels, entre les associés ou avec l'expert-comptable relativement à la situation des différentes sociétés du groupe et aux mesures à prendre pour rétablir leur équilibre financier, M. M. ne justifie pas avoir, sur le fondement de l'article L. 225-231 du code de commerce, formellement posé par écrit au président de la SAS , des questions précises portant sur une ou plusieurs opérations clairement identifiées de gestion de la société Proxia Group ou, le cas échéant, des sociétés qu'elle contrôle dans des conditions faisant courir pour le destinataire un délai de réponse d'un mois.

En effet, il ne justifie que d'un seul courriel adressé par lui à M. T., le 14 mars 2017 (pièce 6) lequel, peu explicite, s'interroge sur l'action de Mme Nadège V., ancienne salariée de la SARL Proxia Courtage. Ce document ne répond pas aux exigences du texte sus-rappelé et ne concerne pas les opérations de gestion reprochées au dirigeant dans le corps de ses écritures, lesquelles concernent des virements effectués en 2008 par la société Proxia Courtage, virements dont les premiers sont intervenus avant la constitution de la société Proxia Groupe et ne peuvent dès lors la concerner.

Or contrairement à ce qui est soutenu, une expertise de gestion ne peut être ordonnée tant qu'il n'a pas été satisfait à cette démarche amiable préalable même si le respect de cette formalité n'est pas suffisant puisqu'il n'a pas pour conséquence de priver le juge de son pouvoir d'apprécier le sérieux de la demande d'expertise qui lui est présentée.

Au demeurant, il sera relevé que même à les supposer irréguliers et en relation avec les tensions de trésorerie actuellement constatées dans certaines sociétés du groupe, ce qui n'est pas démontré, les prélèvements dénoncés, réalisés en 2008, ne pourraient plus être remis en cause eu égard au délai de prescription de possibles actions en responsabilité. L'intérêt d'une telle mesure d'investigation pour la société Proxia Group n'est dès lors pas démontré. Or l'expertise de gestion n'est justifiée que si elle présente un intérêt pour la société elle-même.

A fortiori les opérations antérieures à la constitution de la société Proxia Group le 11 août 2008 par une société dont M. M. n'était pas l'associé ne peuvent justifier l'organisation à sa demande d'une expertise de gestion.

La décision critiquée sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions y compris la condamnation à paiement de l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme l'ordonnance rendue le 7 novembre 2017 par le juge des référés du tribunal de commerce de Nantes ;

Condamne M. M. aux dépens de la procédure d'appel.