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Décisions

CA Montpellier, 1re ch. B, 26 mai 2009, n° 08/05817

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

ZYLBERMANN (consorts)

Défendeur :

COMPTOIR DE CLAPAS (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. DELTEL

Conseillers :

M. BLANC-SYLVESTRE, M. ANDRIEUX

Avoués :

SCP DIVISIA - SENMARTIN, Me ROUQUETTE

Avocats :

SCP MELMOUX-PROUZAT-GUERS, SCP DE CABISSOLE

Montpellier, du 1er juill. 2008

1 juillet 2008

La société COMPTOIR DE CLAPAS, qui exploite divers locaux commerciaux [...], a sollicité le 14 octobre 2004 le renouvellement de son bail commercial ce qui a été accepté ses bailleurs, les consorts ZYLBERMANN, ces derniers manifestant toutefois par acte en date du 1er décembre 2004 la fixation du loyer à la somme de 12 000 € HT. Et hors charges.

 

En l'absence d'accord entre les parties, les bailleurs ont fait assigner le preneur devant le juge des loyers commerciaux qui, avant dire droit sur la demande, a ordonné une expertise et en suite du dépôt du rapport leurs ces derniers ont revu leurs demandes à la baisse pour les établir à 8 004 € hors taxes et hors charges.

 

Par décision en date du 1er juillet 2008, le Juge des loyers commerciaux a débouté Bernard et Albert ZYLBERMANN de l'ensemble de leurs demandes, fixant le prix du loyer de renouvellement par application stricte des dispositions de l'article L. 145-34 du code de commerce selon lesquelles il ne pourra excéder la variation de l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction publiée par l'INSEE.

 

Par acte en date du 29 juillet 2008 , les consorts ZYLBERMANN ont interjeté appel de cette décision.

 

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES:

 

Par dernières conclusions notifiées le 29 octobre 2008, les appelants demandent de considérer comme acquis le déplafonnement du loyer à la date de renouvellement, de fixer ce loyer à la somme annuelle hors taxes et hors charges de 8 004 €, de condamner le preneur à payer les intérêts au taux légal sur les arriérés, ainsi que leur capitalisation, de le condamner à payer la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

 

Soutenant que :

 

- les locaux ont pour destination l'activité de salon de thé, l'accord donné sur la cession visant précisément cette activité et ce alors que l'acte de cession auquel ils n'ont pas participé visait un fonds à usage de restauration, pâtisserie, glacier ( licence 3 ), ce qui permet la vente de boissons alcoolisées et en outre il y a vente de petite restauration ( frites ) sans rapport avec un salon de thé, la modification devant s'inscrire dans le cadre d'une modification plénière,

 

- pour que la modification de la destination motive un déplafonnement, il suffit d'une modification notable de la destination, ce qui est le cas en l'espèce,

 

- les deux pièces mentionnées au bail ont fait l'objet d'une unification, optimisant les locaux en vue de la réception de la clientèle, qu'une pièce a été annexée alors qu'elle est partie commune de l'immeuble, cette modification ayant profité au commerce dont s'agit,

 

Par dernières conclusions notifiées le 3 novembre 2008, la société Comptoir de Clapas sollicite la confirmation du jugement et d'y ajouter par la condamnation au paiement de la somme de 1 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Soutenant que :

 

- il n'existe aucune définition précise de l'activité de salon de thé, le bail ayant été consenti pour l'activité du preneur,

 

- il n'est pas soutenu une déspécialisation partielle, dès lors le seul critère est la modification notable des lieux pour le commerce concerné,

 

- la vente de pâtisserie glace de même que la petite restauration n'induisant aucune création ou vente de plats cuisinés entre dans son activité, dont elle constitue le prolongement normal,

 

- quant à la licence III elle est attachée au fonds bien avant le bail renouvelé et la vente de boissons non alcoolisées tels que jus de fruit ou sodas entre dans l'activité,

 

- c'est de l'infra déspécialisation,

 

- l'article L. 145-33 du code de commerce édicte des critères précis de modification des caractéristiques du local, or depuis la signature du bail les locaux n'ont pas changé, la cloison séparant les deux pièces ayant été supprimée avant la signature du bail,

 

- le plan porte sur chacune des pièces la mention ' magasin de réserve ', ce qui est conforme à la description du fonds antérieur, qui s'ouvrait sur la [...] et qui comportait sur l'arrière une réserve constituée de ces deux pièces,

 

- elle n'a nullement annexé ce qui sur le plan est dénommé ' hall ', il s'agit du prolongement de son local, et il ne s'agirait nullement d'une modification notable,

 

- elle n'a aucune remarque à faire sur l'appréciation de la valeur locative par l'expert,

 

MOTIFS DE LA DECISION :

 

Les consorts ZYLBERMANN soutiennent que le loyer fixé lors du renouvellement consenti à la société Comptoir de Clapas doit être déplafonné, dés lors qu'il y a eu une modification notable de deux des éléments mentionnés à l'article L.145-33 du code de commerce : la destination des lieux et les caractéristiques du local considéré, ce qui exclut la variation de l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction publié par l'INSEE.

 

Ils se fondent sur la modification de l'usage tel que prévu au bail commercial à savoir l'activité de ' salon de thé ' et celui indiqué à l'acte de cession du fonds en date du 30 juillet 1999 ' restauration, salon de thé, pâtisserie, glacier, licence 3 ' qui s'inscrit, selon eux,

 

dans le cadre d'une déspécialisation plénière au sens des articles L. 145-48 et suivants du code de commerce.

 

Il convient préalablement d'observer que l'activité ' salon de thé ' ne saurait se comprendre au sens littéral du terme et qu'elle inclut nécessairement diverses activités, étant précisé que le bailleur dans ses écritures ne précise nullement ce qui à son sens compose cette activité.

 

Il est évident dès lors, comme le relève le premier juge, que la vente de pâtisseries et de glaces s'inscrit naturellement dans cette activité, de même que la vente de boissons non alcoolisées correspondant à la licence III, les clients pouvant avoir accès au café et à d'autres boissons que le thé, telles que sodas et jus de fruits, pour déguster une pâtisserie.

 

S'agissant de l'activité de restauration, il ressort des photographies prises par l'expert judiciaire, que l'équipement destiné à la restauration est composé d'un four traditionnel et de deux fours micro-ondes d'apparence domestique ainsi que d'une friteuse, ce qui démontre une petite restauration rapide sans préparation de plats. Les parties mentionnent exclusivement la vente de frites mais même s'il est légitime de penser que sont vendus des pizzas ou des quiches, produits généralement passés au micro-ondes ou au four dans ce type de restauration, cela ne suffit pas à considérer que cet élément suffirait à constituer une modification notable de l'activité.

 

En effet lorsque l'activité constitue un prolongement normal du commerce convenu, il n'y lieu d'appliquer ni l'article L. 147, ni l'article L. 148 du code de commerce, l'initiative du locataire se situant en deçà des prévisions légales pour n'être qu'une adaptation mineure, ce qui est le cas en l'espèce s'agissant de l'activité de restauration, une pizza ou une quiche même accompagnée de frites, pouvant naturellement s'associer à la prise d'une pâtisserie ou seulement d'une boisson.

 

Il n'y a donc pas lieu de considérer qu'il y a une modification notable de la destination des lieux, telle qu'elle est prévue au bail.

 

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ce moyen de déplafonnement.

 

Il est soutenu également qu'il aurait été procédé à une modification notable des caractéristiques du local loué, dès lors qu'une cloison aurait été supprimée et qu'une pièce à usage commun aurait été annexée aux locaux objets du bail.

 

Pour que ce moyen soit retenu il faut que l'assiette du bail ait été modifiée. Les consorts ZYLBERMANN font état tout d'abord de l'enlèvement d'une cloison. Or si cet enlèvement a eu pour effet d'unifier la réception et le service de la surface dédiée à la clientèle, elle n'a pas pour effet de la modifier.

 

Le moyen est inopérant.

 

Ils soutiennent également que la plan annexé au bail et le bail lui-même ne font état que de deux pièces et non d'un ' hall ' d'une surface de 8,8 m2 qu'ils prétendent avoir été annexé par le preneur. Or il apparaît que ce plan est obsolète et ne correspond pas à la réalité des lieux loués, dans la mesure où il fait état de deux magasins de réserves et d'un hall qui appartenaient manifestement initialement à un ensemble plus grand, desservant un magasin. Il ne s'agit plus aujourd'hui de magasins de réserves mais d'un local commercial à part entière et ce qui est dénommé hall n'est que le prolongement de l'une des pièces sur le plan et donc des locaux loués. En l'absence de désignation de la surface dans le bail consenti, il apparaît que ce local fait partie intégrante des locaux loués et qu'il n'y a pas eu annexion de locaux et augmentation de surface, étant précisé qu'il n'est pas fait mention de revendication par un autre bailleur ou un autre preneur de ce ' hall ', ce qui accrédite également les affirmations du preneur.

 

C'est donc par une juste appréciation des éléments de fait qui lui étaient soumis que le premier juge a considéré les lieux étaient identiques depuis le début du bail, que les accès et surfaces destinées au public n'avaient pas changé, que la conformation et l'adaptation des lieux à l'activité n'avaient pas non plus changé et qu'en conséquence il n'y avait eu aucune modification de la consistance des lieux susceptible d'entraîner un déplafonnement du loyer.

 

Force est donc de constater que les deux moyens soulevés au soutien du déplafonnement sont infondés et qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'il y avait lieu de faire une application stricte des dispositions de l'article L. 145-34 alinéa 1er du code de commerce pour fixer le prix du loyer lors du renouvellement du bail.

 

Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

 

Il est équitable d'allouer à la SARL COMPTOIR DE CLAPAS la somme de 1.400 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

 

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

 

EN LA FORME :

 

Déclare l'appel recevable,

 

AU FOND :

 

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,

 

Condamne Bernard et Albert ZYLBERMANN à payer à la SARL COMPTOIR DE CLAPAS la somme de 1 400 euros, par application de l'article 700 du code de procédure civile,

 

Condamne Bernard et Albert ZYLBERMANN aux dépens, dont distraction au profit de Maître ROUQUETTE, Avoué, par application de l'article 699 du code de procédure civile.