Cass. 3e civ., 28 juin 2018, n° 17-18.756
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Avocats :
SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, SCP Boullez
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 29 mars 2017), que la SCI Constant, propriétaire d'un local à usage commercial donné à bail à M. Y..., lui a délivré un congé avec refus de renouvellement et sans offre d'une indemnité d'éviction ; que M. Y... a assigné la bailleresse en annulation du congé et paiement d'une indemnité d'éviction ;
Attendu que la SCI Constant fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une indemnité d'éviction, alors, selon le moyen :
1°/ que la nullité d'un congé entraîne sa disparition rétroactive et laisse subsister le bail dont l'exécution se poursuit jusqu'à ce qu'un nouveau congé soit donné ; que dès lors, en faisant droit à la demande de M. Y... tendant à obtenir une indemnité d'éviction après avoir prononcé la nullité du congé donné par la SCI Constant le 27 novembre 2012, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les articles L. 145-9, L. 145-14 et L. 145-17 du code de commerce ;
2°/ qu'en tout état de cause, si la demande en constat de la nullité du congé pour défaut de motif ne peut priver le preneur de son droit à indemnité d'éviction, c'est à la condition qu'il ait quitté les lieux sans attendre l'issue de la procédure judiciaire qu'il a initiée et ait ainsi mis un terme au bail du fait du bailleur ; que dès lors, en se bornant à retenir, pour faire droit à la demande de M. Y... tendant à obtenir une indemnité d'éviction, que la nullité du bail ne pouvait le priver de son droit à indemnité, sans constater qu'il avait quitté les lieu et que le bail ne pouvait donc plus recevoir exécution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-9, L. 145-14 et L. 145-17 du code de commerce ;
3°/ que le juge est tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; que dès lors, en retenant, par des motifs adoptés, pour faire droit à la demande de M. Y... tendant à obtenir une indemnité d'éviction que la nullité du congé n'empêchait pas celui-ci de produire effet ayant pour conséquence le versement de l'indemnité d'éviction, que M. Y... ne s'opposait pas à l'application de ce principe, pourtant erroné, la cour d'appel, qui s'est fondé sur une circonstance inopérante, a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'un congé délivré sans motif ou pour motifs équivoques par le bailleur produit néanmoins ses effets et met fin au bail commercial, dès lors que le bailleur est en toujours en droit de refuser le renouvellement du bail à la condition de payer une indemnité d'éviction (3e Civ., 1er février 1995, pourvoi n° 93-14.808, Bull. 1995, III, n° 35 ; 3e Civ., 28 octobre 2009, pourvois n° 07-18.520 et 08-16.135, Bull. 2009, III, n° 234) ; que la nullité de ce congé prévue par l'article L. 145-9 du code de commerce est une nullité relative qui ne peut être soulevée que par le preneur ; que celui-ci peut soit renoncer à la nullité du congé en sollicitant une indemnité d'éviction et en se maintenant dans les lieux en l'attente de son paiement en application de l'article L. 145-28 du même code, soit s'en prévaloir en optant pour la poursuite du bail ; que, par suite, la circonstance que le preneur reste ou non dans les lieux est sans incidence sur les effets du congé irrégulier ;
Et attendu qu'ayant retenu, souverainement, par des motifs non critiqués, que le congé était équivoque et insuffisamment motivé et, à bon droit, que la nullité du congé ne pouvait priver le preneur de son droit à indemnité d'éviction, la cour d'appel en a exactement déduit, abstraction faite d'un motif surabondant et sans être tenue de procéder à une recherche inopérante, que la demande de paiement de l'indemnité d'éviction était justifiée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.