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Décisions

Cass. com., 6 mai 2014, n° 13-11.427

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

M. Le Dauphin

Avocat général :

Mme Batut

Avocats :

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP de Chaisemartin et Courjon

Rennes, du 16 oct. 2012

16 octobre 2012

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 16 octobre 2012), que le groupement d'Achat de transformateurs d'étiquettes (le GIE) est un groupement d'intérêt économique ayant pour objet de négocier les prix des produits entrant dans le domaine d'activité de ses membres et de leur redistribuer les remises de fin d'année obtenues des fournisseurs ; qu'après son exclusion du GIE, la société Compagnie industrielle d'étiquettes (la société CIE), a fait assigner celui-ci aux fins, notamment, d'annulation de la décision adoptée le 25 mai 2007 par l'assemblée des membres du groupement, ayant introduit dans les statuts une clause prévoyant qu'en cas de réalisation de bénéfices, l'assemblée affectera une partie de ceux-ci en réserve, et de condamnation du GIE à lui restituer la fraction qui aurait été indûment prélevée sur les remises consenties par les fournisseurs au titre des années 2007 et 2008 ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société CIE fait grief à l'arrêt de rejeter ces demandes alors, selon le moyen :

1°/ que dans ses conclusions d'appel, la société CIE faisait valoir que la décision de modification du règlement intérieur du GIE GATE avait été adoptée à la majorité, quand les statuts exigeaient qu'une telle modification soit adoptée à l'unanimité de sorte qu'en se bornant à retenir que la modification statutaire avait été régulièrement décidée sans répondre aux conclusions d'appel de l'exposante qui se prévalait de l'unanimité requise pour décider d'une modification du règlement intérieur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ qu'il résultait tant des écritures de la société CIE que de celles du GIE GATE que celle-là n'avait pas approuvé la modification des statuts et du règlement intérieur décidée lors de l'assemblée générale du 25 mai 2007, mais s'était abstenue ; qu'en retenant néanmoins que « cette modification statutaire actant la possibilité pour le GIE GATE de constituer une réserve a vait été approuvée par la société CIE », la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ que les bénéfices réalisés par un groupement d'intérêt économique sont la propriété exclusive et immédiate de ses membres à qui ils doivent être intégralement distribués ; qu'en estimant valable la délibération du 25 mai 2007 ayant modifié les statuts et le règlement intérieur du GIE GATE pour stipuler que les bénéfices réalisés ne deviendraient propriété des membres qu'après dotation d'une réserve, quand une telle modification méconnaissait la règle impérative faisant défense aux GIE de réaliser des bénéfices pour eux-mêmes, la cour d'appel a violé les articles L. 251-1 et L. 251-5 du code de commerce ;

4°/ que l'irrecevabilité de la demande d'une société membre d'un GIE tendant à l'annulation d'une décision d'une assemblée générale à laquelle elle a participé est subordonnée à la constatation de l'inexistence de son intérêt à agir ; qu'en déduisant dès lors de la participation de la société CIE au vote de l'assemblée générale ayant décidé la mise en réserve d'une partie des remises dues aux membres du groupement pour l'année 2007 son irrecevabilité à agir en nullité de la délibération prise, sans cependant constater son défaut d'intérêt à agir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 31 du code de procédure civile et 1844-10 du code civil ;

5°/ qu'en relevant, pour écarter la demande de la société CIE tendant à obtenir la condamnation du GIE GATE à lui restituer la portion qu'il avait prélevée sur les sommes qu'il devait lui reverser au titre des remises consenties pour l'année 2008, que l'exercice 2008 était « déficitaire et ne pouvait donner lieu à aucune redistribution », tout en constatant qu'il « comport ait une provision (51 602 euros) sur le litige ayant opposé le GIE GATE à plusieurs de ses membres dont la CIE », la cour d'appel, qui a statué par des motifs contradictoires, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que les bénéfices réalisés par un groupement d'intérêt économique sont la propriété exclusive et immédiate de ses membres à qui ils doivent être intégralement distribués ; qu'en se fondant, pour écarter la demande de la société CIE tendant à ce que lui soit restituée la somme prélevée par le GIE sur les remises que celui-ci devait intégralement lui reverser, sur le caractère déficitaire de l'exercice 2008, quand le GIE GATE admettait lui-même avoir effectué un prélèvement sur les sommes redistribuées à la société CIE pour en mettre une partie en réserve, ce qui suffisait à justifier sa condamnation à restitution peu important le caractère déficitaire de l'exercice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 251-1 du code de commerce ;

Mais attendu, de première part, qu'il résulte de l'article L. 251-5 du code de commerce que la nullité des actes ou délibérations d'un groupement d'intérêt économique ne peut résulter que de la violation des dispositions impératives des textes régissant ce type de groupement, ou de l'une des causes de nullité des contrats en général ; que, sous réserve des cas dans lesquels il a été fait usage de la faculté, ouverte par une disposition impérative, d'aménager conventionnellement la règle posée par celle-ci, le non-respect des stipulations contenues dans les statuts ou dans le règlement intérieur n'est pas sanctionné par la nullité ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel n'avait pas à répondre aux conclusions inopérantes visées par a première branche ;

Attendu, de deuxième part, que le motif critiqué par la deuxième branche est surabondant ;

Attendu, de troisième part, que si le but du groupement d'intérêt économique n'est pas de réaliser des bénéfices pour lui-même, cette règle ne fait pas obstacle à ce qu'une partie des résultats provenant de ses activités soit mise en réserve dans les comptes du groupement pour les besoins de la réalisation de son objet légal ; qu'après avoir relevé qu'afin de satisfaire aux besoins de fonctionnement et aux objectifs du GIE, il avait été décidé, en assemblée générale, depuis 1997, de prélever avant leur redistribution à ses membres 2 % des remises de fin d'année versées par les fournisseurs pour constituer la "réserve GATE" et précisé qu'il s'agissait en réalité de la mutualisation anticipée des risques, destinée à faire face aux frais de fonctionnement, l'arrêt retient que "ce système" a été repris dans la modification statutaire du 25 mai 2007, de sorte qu'il y a continuité dans les comptes du GIE ; que de ces constatations et appréciations , la cour d'appel a exactement déduit que la délibération litigieuse ne contrevenait pas aux dispositions de l'article L. 251-1 du code de commerce ;

Attendu, de quatrième part, que la cour d'appel, qui a retenu que la modification des statuts critiquée par le moyen avait été régulièrement décidée, n'a pas déclaré la société CIE irrecevable en sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Attendu, de cinquième part, que les motifs critiqués par la cinquième branche ne sont pas entachés de contradiction ;

Et attendu, enfin, qu'il résulte de la réponse aux troisième et quatrième branches que la société CIE n'était pas fondée en sa demande tendant à condamnation du GIE au paiement d'une partie des sommes prélevées sur les remises de fin d'année, conformément à ses statuts, au titre des exercices 2007 et 2008 ;

D'où il suit que le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société CIE fait encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'assemblée générale du 16 avril 2008 ayant prononcé son exclusion et d'avoir, en conséquence, écarté sa demande d'indemnisation du préjudice causé par cette exclusion alors, selon le moyen :

1°/ que la cassation d'une disposition de l'arrêt attaqué entraîne l'annulation par voie de conséquence des autres dispositions de l'arrêt qui s'y rattachent par un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'en l'espèce, pour estimer valable l'exclusion de la société CIE décidée par une délibération de l'assemblée générale du 16 avril 2008, la cour d'appel a retenu que cette exclusion était justifiée par les contestations élevées par la société CIE à l'encontre de « décisions déjà prises régulièrement par le GIE GATE » ; qu'il en résulte que le rejet de la demande d'annulation de la décision d'exclusion de la société CIE est indivisible du rejet, d'une part, de sa demande d'annulation de la délibération du 25 mai 2007 et, d'autre part, de sa demande de restitution des sommes indûment mises en réserve par le GIE GATE, critiqué par le deuxième moyen ; que la cassation qui interviendra sur le deuxième moyen entraînera dès lors, par voie de conséquence, la cassation de la disposition de l'arrêt relative au rejet de la demande de la société CIE tendant à l'annulation de la délibération de l'assemblée générale ayant décidé son exclusion, en application de l'article 625 du code de procédure civile ;

2°/ que dans ses conclusions d'appel, la société CIE faisait valoir que lors de l'assemblée générale du 16 avril 2008, elle n'avait pas été autorisée à prendre part au vote relatif à l'exclusion de la société Serec et que celle-ci n'avait pas été autorisée à prendre part au vote concernant l'exclusion de la société CIE, quand les statuts n'autorisaient qu'un membre du GIE soit privé de son droit de vote qu'en ce qu'il était statué sur sa propre exclusion et non sur celle d'un autre membre ; qu'en statuant sur la régularité de la délibération sans se prononcer sur cette méconnaissance des statuts soulevée par la société CIE, la cour d'appel a privé sa décision de motif en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que le deuxième moyen ayant été rejeté, la première branche est sans portée ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que la société CIE ne justifiait d'aucune cause d'annulation de la décision d'exclusion, la cour d'appel a répondu aux conclusions invoquées par la seconde branche ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Et attendu que le premier moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS : 


REJETTE le pourvoi.