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Décisions

Cass. com., 15 juin 1993, n° 91-21.295

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

Mme Loreau

Avocat général :

M. de Gouttes

Avocat :

Me Jacoupy

Aix-en-Provence, du 12 sept. 1991

12 septembre 1991

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 septembre 1991), que, dans le courant des années 1978 et 1979, la Banque Worms (la banque) a consenti une ouverture de crédits de 6 500 000 francs, puis une garantie d'achèvement, à la société civile immobilière dite "Les Philippines" (la SCI), dont l'objet était la réalisation et la vente d'un ensemble immobilier sis à Nice ; que, le 30 novembre 1984, MM. X... et I... et G... Denise K... et Anne et Hélène D..., associés de la SCI, auxquels s'est joint par la suite M. Y..., ont assigné la banque pour que soit constatée l'existence d'une société créée de fait entre elle et la SCI, et que la banque soit condamnée à participer au passif social, aux motifs que celle-ci avait accordé à la SCI un dépassement des crédits d'accompagnement, constitutif d'un apport, d'environ 5 000 000 de francs, antérieurement à la mise en jeu de la garantie d'achèvement, au titre de laquelle elle a versé 20 732 373,28 francs ; que la SCI ayant été mise en règlement judiciaire le 30 décembre 1985, M. C..., syndic, a été appelé en la cause ; que la banque a assigné onze des associés de la SCI pour avoir paiement, en proportion de leurs droits sociaux, de diverses sommes qu'elle avait exposées au titre de la garantie d'achèvement ;

Attendu que MM. X..., Y..., I... et F... Denise K... (les consorts X...) font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leur demande à l'encontre de la banque, alors, selon le pourvoi, d'une part, que celle-ci soutenait, dans ses conclusions d'appel, que les règlements par elle faits aux fournisseurs et entreprises l'avaient été en application des conventions de garantie d'achèvement ; qu'ainsi, en soulevant d'office, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations, le moyen tiré de ce que ces "paiements demeuraient un mode d'exécution du prêt", la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction, en violation de l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, à la fois affirmer que les paiements faits par la banque "demeuraient un mode d'exécution du prêt", et énoncer, par ailleurs, qu'elle avait assuré elle-même le règlement des entrepreneurs parce qu'elle reprochait à la SCI "de dépasser le plafond de l'ouverture de crédit" ; que la cour d'appel a ainsi violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, en outre, que les actes relevés par la cour d'appel excédaient ceux que peut légitimement accomplir le banquier prêteur de deniers pour la préservation de ses intérêts ; que, par ailleurs, ils ne relevaient pas de la garantie d'achèvement puisqu'ils étaient pour la plupart antérieurs à la mise en oeuvre de cette garantie ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui reconnaissait d'ailleurs qu'il était "clair que la banque... s'est parfois immiscée dans la gestion de la SCI, ne pouvait, sans méconnaître les conséquences qui découlaient légalement de ses propres constatations, décider que cette banque n'avait pas eu la volonté de s'associer ; qu'elle a ainsi violé l'article 1830 du Code civil ; et alors, enfin, que le souci de la banque de n'accroître ses engagements qu'autant que les porteurs de parts de la SCI faisaient de même, s'il était révélateur de sa volonté de ne pas supporter seule les risques de l'entreprise, n'excluait pas, bien au contraire, son intention de participer aux bénéfices comme aux pertes ; que la cour d'appel n'a pas, ainsi, donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1832 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que la banque a soutenu, dans ses conclusions d'appel, "qu'ayant consenti des crédits d'accompagnement importants, étant garante d'achèvement et se trouvant aux prises avec des associés défaillants et un gérant peu conscient de ses responsabilités, ne pouvait laisser la situation perdurer sans prendre les mesures que la loi et les conventions mettaient à sa disposition", que c'était la raison pour laquelle elle "s'est vue dans l'obligation de retirer le chéquier à M. J..., de continuer à honorer sur visée de M. J... les contrats en cours, d'assurer les garanties d'achèvement et d'inviter la SCI à des mesures salutaires." ; qu'en retenant que les prétendus apports constituaient en réalité des versements effectués par la banque en exécution des prêts consentis, la cour d'appel n'a pas violé le principe de la contradiction ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'en retenant que les paiements faits par la banque demeuraient un mode d'exécution du prêt, celle-ci ayant consenti un crédit supplémentaire en contrepartie du maintien de la société de commercialisation, tandis qu'elle relevait que ladite banque avait assuré elle-même le règlement des entrepreneurs parce qu'elle retirait en même temps à la SCI l'usage de ses chéquiers, lui reprochant de dépasser le plafond de l'ouverture de crédit initialement prévu, la cour d'appel ne s'est pas contredite ;

Attendu, enfin, que l'arrêt retient que la banque a toujours justifié ses interventions par ses prérogatives de banquier conjuguées avec les effets de la garantie d'achèvement, que toutes ses initiatives se sont inscrites dans ce contexte, sans que jamais elle ait confondu ses propres intérêts avec ceux de la SCI par une véritable union et l'acceptation d'aléas communs, que face aux difficultés de trésorerie de la SCI, elle a toujours eu le même type de réaction qui était, soit de "menacer" la SCI de faire nommer un administrateur judiciaire, soit de subordonner le maintien ou l'augmentation des découverts à des versements complémentaires par les associés sur les appels de fonds émanant de la gérance en vue de l'accomplissement de l'objet social ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu estimer qu'il n'y avait de la part de la banque ni volonté de s'associer, ni celle de participer aux pertes ;

Qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.