Cass. 1re civ., 18 janvier 1989, n° 87-13.177
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ponsard
Rapporteur :
M. Ponsard
Avocat général :
Mme Flipo
Avocats :
Me Garaud, SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde
Attendu que M. X... et Mme Y... se sont mariés le 18 juillet 1961 sous le régime de la séparation de biens ; qu'ils ont acquis, au cours de leur mariage, le 28 novembre 1968, indivisément et dans la proportion de moitié pour chacun d'eux, un appartement ; qu'un arrêt de la cour d'appel de Versailles en date du 26 juin 1979 a prononcé leur divorce et qu'un jugement du 27 janvier 1982 a ordonné l'attribution préférentielle à Mme Y... de cet appartement, ainsi qu'une mesure d'instruction pour déterminer notamment le montant de l'indemnité d'occupation due par elle à raison de sa présence dans l'appartement indivis ; que l'arrêt attaqué, statuant au résultat de cette mesure d'instruction, a dit que le montant de l'indemnité d'occupation devait être fixé sur la base de la valeur locative proposée par l'expert et que Mme Y... était redevable envers l'indivision de cette indemnité dont le montant global s'élevait à 9 868 francs pour la période du 15 janvier 1981 au 27 janvier 1982 ; .
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... reproche à l'arrêt attaqué d'avoir fixé le point de départ de l'indemnité d'occupation due par Mme Y... au 15 janvier 1981, date à laquelle l'arrêt prononçant leur divorce était devenu irrévocable, au motif notamment que la jouissance gratuite de l'appartement indivis avait été attribuée par l'ordonnance de non-conciliation à son ancienne épouse qui avait la garde de l'enfant et qui ne disposait pas de revenus suffisants lui permettant de se loger, alors, d'une part, que la cour d'appel n'était pas compétente pour interpréter l'ordonnance de non-conciliation passée en force de chose jugée dont l'interprétation ne pouvait être demandée, selon le moyen, qu'à la juridiction ayant rendu cette décision, et alors, d'autre part, que la juridiction du second degré, en décidant que l'indemnité d'occupation n'était pas due pendant la durée de l'instance en divorce, aurait violé l'article 815-9 du Code civil suivant lequel l'indivisaire qui jouit privativement de la chose indivise doit, sauf convention contraire, une indemnité à ses coïndivisaires ;
Mais attendu, d'abord, que la compétence d'un tribunal pour interpréter ses propres jugements n'exclut pas une interprétation incidente par un autre tribunal dans une autre instance ; que c'est donc sans violer l'article 461 du nouveau Code de procédure civile que la cour d'appel a procédé à l'interprétation de l'ordonnance de non-conciliation pour y puiser des éléments d'appréciation sur le caractère gratuit ou non de l'occupation de l'appartement indivis par Mme Y..., au cours de l'instance en divorce ;
Et attendu, ensuite, que l'obligation de secours entre époux ne prenant fin que le jour où le jugement de divorce est devenu irrévocable, et l'ordonnance de non-conciliation ayant fixé la pension alimentaire en tenant compte de la jouissance gratuite du domicile conjugal laissée à la femme, les juges du second degré ont décidé à bon droit que Mme Y... n'était redevable de l'indemnité d'occupation qu'à compter du 15 janvier 1981 ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches : (sans intérêt) ;
REJETTE les premier et deuxième moyens ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article 815-9 du Code civil ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que l'indivisaire qui jouit privativement de la chose indivise est redevable d'une indemnité ; que celle-ci, qui a pour objet de réparer le préjudice causé à l'indivision par cette jouissance privative, est due à l'indivision et doit entrer pour son montant total dans la masse active partageable ;
Attendu qu'en décidant que Mme Y... est redevable envers l'indivision de la somme de 9 868 francs, alors que cette somme ne représente que la fraction de l'indemnité d'occupation devant rester, au terme des opérations de partage, à la charge de Mme Y..., la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu que les faits constatés par la cour d'appel permettent à la Cour de Cassation d'appliquer la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a décidé que Mme Y... est redevable envers l'indivision de la somme de 9 868 francs, au titre de l'indemnité d'occupation, l'arrêt rendu le 26 janvier 1987, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi devant une autre cour d'appel.