CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 29 novembre 2016, n° 16/04247
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Selarl Archibald (ès qual.), Perpignan Melun Orléans (GIE), Coopérative Horticole et Fruitière de Claira (SCA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Hebert Pageot
Conseillers :
Mme Rohart Messager, M. Bedouet
Avocats :
Me Maynard, Me Hubert, Me Gillet, Me Bureau, Me Chevalier, Me Lallement, Me Bittoun
M. G. est l'un des membres fondateurs du GIE Perpignan Melun Orléans (PMO), créé le 28 octobre 1987, ayant pour activité l'achat et la revente de fruits et légumes.
Par courrier du 26 avril 2005, M. G. a fait part à l'administrateur du GIE PMO de sa décision de se retirer du GIE, ce courrier étant resté sans réponse, il a réitéré sa demande le 21 juillet 2005.
Par jugement du 26 octobre 2006, le tribunal de commerce de Melun a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard du GIE PMO. Cette procédure a été convertie, le 23 novembre 2009, en liquidation judiciaire, Maître Laure étant désignée en qualité de mandataire liquidateur.
Sur le fondement de l'article L251-6 du code de commerce, le mandataire liquidateur a invité les membres du GIE PMO à participer aux dettes, et notamment M. G. à hauteur de 57.397,87 euros.
C'est dans ce contexte que M. G. a saisi le tribunal de commerce de Melun pour voir, à titre principal, constater l'absence de toute créance actuelle du GIE PMO à son encontre, subsidiairement, déclarer mal fondée en son principe la prétendue créance dont le liquidateur poursuit le recouvrement à son encontre, en tout état de cause, condamner in solidum la totalité des membres du GIE PMO, soit MM. André R., Christian A., Jacky N. et Alain F. ainsi que la Sca Coopérative Horticole et Fruititière de Claira, à le garantir de toute éventuelle condamnation dont il pourrait faire l'objet à la requête des créanciers du GIE.
La Sca Coopérative Horticole et Fruitière de Claira (en la personne de M. A.) a soulevé l'incompétence matérielle du tribunal de commerce au profit du tribunal de grande instance de Melun, au motif que les membres du GIE PMO ont tous une activité civile et qu'il est de jurisprudence constante que la vente des produits d'un fonds rural par le propriétaire, fermier ou cultivateur de ce fonds constitue un acte civil.
Par jugement du 9 novembre 2015, le tribunal de commerce a accueilli cette exception d'incompétence et s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Melun, aux motifs que le GIE n'a pas d'activité distincte de celle de ses membres, ces derniers, tous agriculteurs, ayant simplement au travers au travers du GIE prolongé leur propre activité qui peut, seule, déterminer la nature civile ou commerciale du GIE, qu'en l'occurrence le GIE PMO est un groupement d'exploitants agricoles et a une nature civile, que dès lors l'action ne relève pas de la compétence de la juridiction commerciale.
Le 8 février 2016, M. G. a formé contredit à l'encontre de cette décision et demande à la cour de déclarer le tribunal de commerce de Melun compétent pour statuer sur ses prétentions.
La S. Archibald, ès qualités de mandataire liquidateur du GIE PMO, demande à la cour de déclarer le tribunal de commerce de Melun compétent pour statuer sur le présent litige et par conséquent de lui renvoyer cette affaire afin qu'il soit statué au fond sur les prétentions des parties et de condamner tout contestant aux entiers dépens.
M. André R. demande acte de ce qu'il s'en rapporte sur le recevabilité et le bienfondé du contredit et le rejet de toutes les prétentions à son encontre.
M. N. demande à la cour de déclarer le contredit irrecevable, subsidiairement de le rejeter, en tout état de cause de confirmer le jugement du 9 novembre 2015 et de condamner M. G. à lui payer 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
M. Christian A. sollicite le rejet des débats de toutes pièces qui seraient produites dans l'intérêt de M. G. ou de la S. Archibald, soulève l'irrecevabilité du contredit et en toute hypothèse la confirmation du jugement et la condamnation de la partie succombante à lui payer 2.000 euros au titre des frais irrépétibles
M. Alain F. ainsi que la Sca Coopérative Horticole et Fruititière de Claira n'ont pas comparu, bien qu'ayant été convoqués par courrier recommandé du 7 juin 2016 pour l'audience du 19 septembre 2016, à laquelle l'affaire avait été renvoyée avec convocation de l'ensemble des parties.
MOTIFS
- Sur la recevabilité du contredit
M. N. soutient que le contredit est irrecevable faute d'avoir été déposé dans le délai prévu par l'article 82 du code de procédure civile, tandis que M. A., qualifiant le jugement de mixte, fait valoir que seule la voie de l'appel était ouverte à l'égard du jugement déféré.
Selon l'article 82 du code de procédure civile, le contredit doit à peine d'irrecevabilité, être motivé et remis au secrétariat de la juridiction qui a rendu la décision dans les quinze jours de celle ci.
Toutefois, le délai pour former contredit ne commence à courir qu'autant que la date à laquelle le jugement devait être rendu a été portée à la connaissance des parties. Si la date du prononcé de la décision n'a pas été indiquée le délai court à compter de la date de notification de la décision.
Le contredit a été déposé le 8 février 2016 au greffe du tribunal de commerce de Melun soit plus de 15 jours après la mise à disposition du jugement le 9 novembre 2015, l'affaire ayant été plaidée le 6 juillet 2015.
Il est constant que le délibéré initialement fixé au 5 octobre 2015 a été prorogé au 9 novembre suivant.
Cependant, il ne ressort d'aucune indication du jugement que M. G. a été informé, après prorogation du délibéré, de la date effective de mise à disposition de la décision, celui ci contestant avoir reçu une telle indication et cette information ne pouvant se présumer. La preuve de la communication de cette nouvelle date à son avocat ne peut pas davantage être déduite avec une certitude suffisante du courrier de la Scp Kentine du 19 octobre 2015 concernant une autre partie.
Dès lors, le délai pour former contredit n'a pu commencer à courir à compter du prononcé de la décision.
La cour n'ayant pas connaissance de la date à laquelle la décision d'incompétence a été notifiée aux parties, retiendra qu'il n'est pas suffisamment démontré la tardiveté du contredit.
Il résulte de l'article 80 du code de procédure civile que la décision qui se prononce sur la compétence sans statuer sur le fond du litige ne peut être attaquée que par la voie du contredit, quand bien même le juge aurait tranché la question de fond dont relève la compétence.
Ne constitue pas un jugement mixte et ne peut être attaqué que par la voie du contredit le jugement qui statue comme en l'espèce uniquement sur la compétence et sur la demande reconventionnelle tendant au remboursement des frais irrépétibles de procédure.
Le contredit sera en conséquence jugé recevable.
- Sur la compétence
M. G. fait valoir, sur le fondement de l'article L252-2 du code de commerce, que le caractère civil ou commercial d'un GIE découle, non pas de la qualité de ses membres, mais de la nature de son activité, que le GIE PMO a pour objet l'achat et la revente de fruits et légumes ou toute autre activité se rattachant directement ou indirectement à celui ci, et n'est, à la différence de ses membres, ni propriétaire, ni fermier ou cultivateur d'un fonds rural, son activité d'achat et de revente étant purement commerciale, de sorte que le tribunal de commerce de Melun est compétent pour statuer sur le litige.
La S. Archibald, ès qualités de mandataire liquidateur de la GIE PMO, soutient également, qu'eu égard à l'activité du GIE d'achat et de vente, par nature commerciale en vertu de l'article L110-1 du code de commerce, le tribunal de commerce est compétent pour traiter le litige intéressant ses membres.
Tandis que MM. A. et N., agriculteurs retraités, objectent qu'ils ne sont pas commerçants, qu'aucun des membres du GIE ne l'est, que le fait d'adhérer à un GIE pour écouler leur production agricole, ne confère pas au GIE une nature commerciale.
Conformément à l'article L 251-1 du code du commerce, le but du groupement d'intérêt économique est de faciliter ou de développer l'activité de ses membres, le GIE pouvant être civil ou commercial en fonction de l'activité exercée, étant observé que l'immatriculation du GIE au registre du commerce et des sociétés n'emporte pas présomption de commercialité du groupement (L 251-4 du code du commerce).
Il est de principe que la nature de l'activité, civile ou commerciale, s'apprécie en fonction de la nature de l'activité du groupement et non de la qualité de ses membres.
Selon l'article 2 de ses statuts, le GIE PMO a pour activité l'achat et le revente de fruits et légumes ou toute autre activité se rattachant directement ou indirectement à celle ci. Une telle activité rentre dans les actes que l'article L110-1 du code de commerce répute acte de commerce.
Il s'ensuit que le GIE PMO, qui n'est pas lui même producteur, a bien une nature commerciale.
Il résulte de l'article L 721-3,2° du code du commerce que le tribunal de commerce qui connaît des contestations relatives aux sociétés commerciales, a compétence pour traiter des litiges entre associés de cette société dès lors qu'est en cause la vie sociale, quand bien même ils ne sont pas eux mêmes commerçants.
Le présent litige ayant trait à la contestation de l'obligation aux dettes sociales de l'un des membres ou ancien membre du GIE se rapporte bien au fonctionnement social du GIE PMO, de sorte que le tribunal de commerce de Melun est compétent pour connaître de l'affaire.
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a dit le tribunal de commerce incompétent au profit du tribunal de grande instance de Melun, statuant à nouveau, la cour rejettera l'exception d'incompétence, l'affaire étant renvoyée devant le tribunal de commerce de Melun.
- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Aucune considération d'équité ne justifie au stade du contredit de faire application de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement étant infirmé de ce chef également.
Les dépens du contredit seront supportés par MM. A., N.F. et la Sca Coopérative Horticole et Fruititière de Claira.
PAR CES MOTIFS,
Dit le contredit recevable,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Rejette l'exception d'incompétence matérielle et dit le tribunal de commerce de Melun compétent pour connaître de l'affaire,
Déboute les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,
Condamne aux dépens du contredit MM. A., N., F. et la Sca Coopérative Horticole et Fruititière de Claira.