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Décisions

Cass. com., 20 novembre 2001, n° 99-13.894

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Collomp

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Monod et Colin, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Paris, du 22 janvier 1999

22 janvier 1999

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, dans la perspective d'une opération de construction qu'il envisageait de réaliser, M. Dos Santos X... a constitué avec M. Z... Roque la société civile immobilière du ... (la SCI), dont le capital de 1 000 francs était réparti par moitié entre les deux associés et dont il a été nommé gérant ; que le compte qu'il avait fait ouvrir, au nom de cette SCI, auprès de la société Caixa geral de depositos et qu'il faisait fonctionner, étant devenu débiteur, l'établissement de crédit a obtenu la condamnation de sa cliente à lui payer sa créance et fait inscrire une hypothèque de second rang sur un terrain appartenant à celle-ci ; qu'estimant cependant ne rien pouvoir espérer de la réalisation de ce bien, elle a fait assigner M. Z... Roque, en sa qualité d'associé, pour qu'il soit condamné à supporter la moitié du montant de cette condamnation ; que ce dernier a reconventionnellement fait valoir que la société Caixa geral de depositos avait engagé sa responsabilité pour les conditions dans lesquelles elle avait ouvert le compte puis toléré le découvert et soutenu que celle-ci ne justifiait pas avoir exercé préalablement à sa mise en cause de vaines poursuites contre la personne morale ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. Sequeira Y... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1° qu'il faisait valoir qu'une banque a l'obligation, avant d'ouvrir un compte courant, de procéder à des vérifications préalables, et qu'en l'espèce, la banque n'avait pas recueilli d'informations suffisantes sur la société avant de consentir l'ouverture du compte litigieux, et avait ainsi failli à son devoir de vigilance ; que la cour d'appel qui a pourtant constaté que l'adresse du siège social de la SCI était fictive, n'a pas recherché si la banque n'avait pas engagé sa responsabilité en acceptant d'ouvrir un compte à la SCI sans avoir procédé à un minimum de recherches, en particulier sur la réalité de son siège social ; que ce faisant, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

2° qu'il faisait valoir que la banque avait manqué à ses obligations de surveillance et de conseil en n'interrompant pas son concours avant que le solde débiteur du compte de la SCI n'atteigne le montant de 133 000 francs, dès lors qu'elle savait que le capital de la SCI ne s'élevait qu'à 1 000 francs et qu'elle pouvait constater qu'aucune opération de crédit n'intervenait sur le compte ; qu'en se bornant à rechercher si la banque devait ou non s'immiscer dans la gestion de son client, sans rechercher si elle n'avait pas engagé sa responsabilité en maintenant, dans les conditions susdites, une ouverture de crédit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève que le compte ouvert au nom de la société civile, mentionnait son numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ainsi que les références de la carte d'identité produite par le gérant ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations dont il se déduisait que la société Caixa geral de depositos avait effectué les diligences habituelles et nécessaires, la cour d'appel a décidé à bon droit qu'elle n'avait pas commis de faute en ouvrant dans les conditions où elle l'avait fait le compte de la SCI à la demande de son représentant légal ;

Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel relève encore que M. Sequeira Y... n'a pas contesté l'existence et le caractère sérieux du projet immobilier auquel il apportait notamment le bénéfice d'un permis de construire et d'une étude d'architecture, et ajoute que les mouvements enregistrés sur le compte étaient modestes ; qu'en l'état de ces éléments dont il ressortait d'abord, qu'eu égard à la nature de l'opération qu'il s'agissait de financer, l'existence d'un découvert, n'était pas à elle seule un motif d'alerte pour la société Caixa geral de depositos et qu'en l'absence de tout élément lui donnant connaissance d'agissements irréguliers et de toute anomalie apparente dans le mode de fonctionnement du compte, celle-ci n'avait commis aucune faute en s'abstenant de toute vérification de son fonctionnement, ensuite qu'il ne pouvait lui être reproché d'avoir apporté à la SCI un concours dont rien ne démontrait qu'il ait été hors de proportion avec les perspectives de rentabilité de l'opération, si elle avait été menée à bien, la décision se trouve justifiée ;

Que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l'article 1858 du Code civil ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale ;

Attendu que pour déclarer la société Caixa geral de depositos recevable à agir contre M. Z... Roque, associé de la SCI, en paiement, à proportion de ses droits sociaux, d'une dette sociale, l'arrêt retient qu'elle a obtenu un jugement condamnant la SCI, inscrit sur ses biens une hypothèque de second rang, et qu'elle produit une correspondance d'un notaire faisant apparaître l'existence d'une inscription d'un autre créancier en premier rang sur les même biens ;

Attendu qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que les poursuites diligentées préalablement contre la SCI étaient, du fait de l'insuffisance du patrimoine social, privées de toute efficacité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 janvier 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.