Cass. com., 8 février 2017, n° 14-29.747
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société en participation Progesud (la SEP) a été constituée le 10 mai 1989, en vue de l'acquisition en indivision des actions de la société de transport collectif de voyageurs Progesud immatriculée le 24 août 1989 et devenue la société Pays d'Oc mobilités (la société Progesud), entre la société des Autocars X...représentée par son dirigeant M. Alain X..., M. Z... et la société Trec devenue Transdev et aux droits de laquelle est venue la société Transdev sud (la société Transdev), celle-ci représentée par son gérant M. Bernard X... ; qu'aux termes d'un protocole conclu le 17 mars 1989 " entre futurs associés ", la société Transdev s'est obligée, sur demande de la SEP, à lui céder 2 % du capital de la société Progesud, à la valeur nominale, dans le cas de résultats faisant apparaître une situation nette inférieure au capital social pendant trois exercices successifs ; qu'à l'issue de ces opérations, les sociétés Transdev et SEP détenaient respectivement 50, 97 % et 48, 99 % du capital de la société Progesud, MM. Alain X... et Z... détenant chacun une action de la société ; que parallèlement à la création de la société Progesud, a été constituée la SCI Proban entre la société Transdev détenteur de 250 parts et MM. Bernard et Alain X... détenant chacun 125 parts, pour l'acquisition d'un terrain sur lequel a été construit un immeuble loué à la société Progesud et constituant son siège social ; qu'ultérieurement, M. Bernard X... a cédé 124 parts de la SCI Proban à la SCI Février constituée avec l'Eurl Languedoc-Roussillon, aux droits de laquelle sont venus ses enfants ; que, par acte du 14 mars 2005, la société Transdev a cédé à la SCI Février les 250 parts qu'elle détenait dans le capital de la SCI Proban au prix de 20 000 euros ; que, par acte du 24 mars intitulé " protocole de cession ", la société Transdev a acquis " de la SEP représentée par M. Bernard X... " les 7348 actions qu'elle détenait dans le capital de la société Progesud ainsi que les deux actions détenues respectivement par M. Alain X... et M. Z... pour le prix global de 300 000 euros ; qu'aux termes de cet acte, les parties sont convenues de résilier le protocole conclu le 17 mars 1989, et le cessionnaire a remis un chèque de 238 652, 77 euros à l'ordre de la société des Autocars X..., et un chèque de 61 224, 41 euros à l'ordre de l'entreprise Jean Z..., correspondant au prorata de leurs droits détenus dans la SEP ; qu'estimant avoir été victimes d'un dol et soutenant que les deux actes de cession étaient indivisibles, la société des Autocars X...et M. Alain X... ont obtenu la désignation d'un expert chargé d'évaluer les parts et actions cédées, puis ont assigné la société Transdev, la société Pays d'Oc mobilités, la société Transdev Sud, la SCI Proban, M. Bernard X..., la SCI Février, l'Eurl Languedoc-Roussillon, la société Cars Z... et M. Z... en annulation de ces deux actes et en paiement de dommages-intérêts ; que la cour d'appel a annulé le protocole du 24 mars 2005, sauf en ce qu'il portait sur la cession consentie personnellement par M. Alain X... et par M. Z... de l'action détenue par chacun d'eux, et a rejeté les autres demandes ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que M. Alain X... et la société des Autocars X...font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation de l'acte de cession de parts sociales de la SCI Proban du 14 mars 2005 alors, selon le moyen :
1°/ que les conventions qui, dans la commune intention des parties, concourent à une seule et même opération économique sont indivisibles si bien qu'en se bornant à affirmer, pour exclure l'indivisibilité entre la cession des parts sociales de la SCI Proban du 14 mars 2005 et la cession des actions de la SA Progesud datée du 24 mars 2005, d'une part, qu'il n'existait dans les actes de cession aucune clause d'indivisibilité, d'autre part, que les parties aux deux cessions étaient distinctes et, enfin, que leur objet et leur cause n'étaient pas les mêmes, la première cession n'ayant pas eu d'incidence sur la seconde, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les circonstances de la négociation et de la conclusion des contrats caractérisaient un montage juridique frauduleux entre les sociétés du groupe Transdev et M. Bernard X..., dont la finalité était, d'une part, de permettre à la société Transdev sud de prendre le contrôle de la SA Progesud et d'obtenir la résiliation du protocole du 17 mars 1989, d'autre part, de permettre à M. Bernard X... de prendre le contrôle de la SCI Proban via la SCI Février et d'obtenir au profit de cette dernière une augmentation substantielle du loyer facturé à la SA Progesud, et révélaient ainsi la commune intention des parties de réaliser une opération économique indivisible, la cour d'appel, qui a statué par des motifs insuffisants à exclure l'indivisibilité des conventions, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1218 du code civil ;
2°/ que ne saurait remettre en cause l'indivisibilité entre deux contrats, la clause en contradiction avec l'économie générale de l'opération telle qu'elle résulte de la commune intention des parties de sorte qu'en se fondant néanmoins, pour exclure toute indivisibilité entre la cession des parts sociales de la SCI Proban du 14 mars 2005 et la cession des actions de la SA Progesud datée du 24 mars 2005, sur les stipulations de l'acte constatant cette dernière cession qui limitaient l'indivisibilité aux clauses de cet acte, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1218 du code civil ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt constate que les parties aux actes de cession n'ont pas adopté lors de la négociation de leurs accords un comportement manifestant leur volonté non équivoque de lier la cession des parts sociales de la SCI Proban à la cession des actions de la société Progesud ; que l'arrêt relève encore qu'au regard des activités respectives des sociétés en cause, la cession des parts sociales de la SCI Proban n'avait aucune incidence sur la cession des actions de la société Progesud ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a retenu, sans avoir à faire la recherche invoquée par la première branche, que ses constatations rendaient inopérante, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la seconde branche, l'absence d'intention commune des parties de rendre leurs conventions indivisibles ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche :
Vu les articles 1108 et 1871 du code civil, ensemble l'article 1138 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que, pour prononcer la nullité du protocole du 24 mars 2005 en ce qu'il portait sur la cession des actions de la société Progesud détenues par la société Autocars X..., par M. Z... ainsi que par la société Transdev regroupés au sein de la SEP Progesud, l'arrêt retient que ce protocole, conclu par une société en participation dépourvue d'existence juridique, est entaché de nullité absolue et qu'il n'est susceptible ni de confirmation ni de régularisation ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le protocole n'avait pas été régularisé et ratifié par les associés de la SEP Progesud, dont la société Autocars X..., dès lors que ces associés avaient chacun encaissé sans réserve leur part du prix convenu de cession des actions, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi incident :
REJETTE le pourvoi principal ;
Et sur le pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce l'annulation du protocole de cession des actions de la société Progesud du 24 mars 2005 sauf en ce qu'il porte sur la cession consentie personnellement par M. Alain X... et M. Z... de l'action détenue par chacun d'eux dans le capital de la société et en ce qu'il ordonne la restitution par la société Transdev Sud des actions de la SA Progesud détenues indivisément par la SAS Autocars X..., M. Z... et la SA Transdev, regroupés au sein de la SEP Progesud ainsi qu'en ce qu'il ordonne la restitution à la SAS Transdev Sud du prix payé dans les proportions qu'il détermine, l'arrêt rendu le 7 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.