CA Chambéry, ch. civ. sect. 1, 22 septembre 2020, n° 18/02150
CHAMBÉRY
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ficagna
Conseillers :
Mme Fouchard, Mme Real Del Sarte
Avocat :
Selarl Jurisophia Savoie
Par acte en date du 1er août 2002, la société civile immobilière T. a donné à bail commercial à la société Sadal un tènement immobilier sis à [...] à usage de garage automobile.
En mai 2007, la société Sadal a cédé son fonds de commerce à la société R. Automobiles.
Un nouveau bail commercial a été régularisé entre la société T. et la société R. Automobiles pour une durée de neuf années à compter du 31 mai 2007.
Par acte en date du 26 novembre 2015, la société T. a fait délivrer un congé sans offre de renouvellement pour la date du 30 mai 2016.
Conformément au bail commercial, la société T. a offert à la société R. Automobiles de lui verser une indemnité d'éviction, laquelle serait payée par compensation avec le droit d'entrée prévu au bail et dont le paiement avait été différé à la fin du bail.
Par acte du 1er avril 2016, la société R. Automobiles a assigné la société T. devant le tribunal de grande instance d'Annecy aux fins :
- de nullité de la clause relative au droit d'entrée et à l'indemnité d'éviction,
- de fixation par voie expertale de ladite indemnité d'éviction.
Concomitamment à la délivrance de l'assignation, la société R. Automobiles a saisi le tribunal de commerce d'Annecy d'une demande de liquidation judiciaire, laquelle a été prononcée par jugement en date du 13 avril 2016. Maître G. a été désigné ès qualité de liquidateur de la société R. Automobiles.
La société T. a conclu au débouté sollicitant pour sa part à titre principal et reconventionnel :
- la fixation de l'indemnité d'éviction à la somme de 82 965 €,
- la compensation de l'indemnité d'éviction avec le droit d'entrée, sa créance de remise en état des lieux à hauteur de 100 000 € et sa créance de loyers.
Par jugement en date du 17 octobre 2018, le tribunal de grande instance d'Annecy a :
- dit que la société R. Automobiles, représentée par la selarl B. & G., prise en la personne de Me Jean-François G., en sa qualité de liquidateur judiciaire, désigné à cette fonction par jugement du tribunal de commerce d'annecy du 13 avril 2016, peut prétendre à une indemnité d'éviction suite au congé du 26 novembre 2015 notifié par la société T. comprenant refus de renouvellement du bail commercial du 31 mai 2007,
Avant dire droit,
- ordonné une expertise judiciaire, et désigné M.Franck M. expert près de la cour d'appel de Chambéry, avec pour mission de donner tous éléments permettant de déterminer conformément aux dispositions de l'article l145-14 du code de commerce, le montant de l'indemnité d'éviction due à la société R. Automobiles,
- dit que la clause relative au droit d'entrée, stipulée en page 9 du bail commercial du 31 mai 2007 conclu entre la société T. et la société R. Automobiles, est réputée non écrite,
- débouté la société T. de sa demande de voir constater et fixer au passif de la société R. Automobiles représentée par la selarl B. & G., prise en la personne de Me Jean-François G., les créances de :
- 152.000 € au titre du droit d'entrée,
- 50.000 € au titre de la remise en état des locaux,
- 50.000 € au titre de la reconstruction d'un auvent,
- fixé au passif de la société R. Automobiles représentée par la selarl B. & G., prise en la personne de Me Jean-François G., les créances de :
- 10.047,60 € ttc relative aux loyers pour la période de février à avril 2016,
- 9.645 € ht au titre de l'actualisation du loyer suite à révision triennale pour la période du 31 mai 2013 au 31 janvier 2016,
- débouté la société T. de sa demande de compensation des créances,
- condamné la société T. à verser à la société R. Automobiles représentée par la selarl B. & G., prise en la personne de Maître G., la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société T. aux entiers dépens, avec distraction au profit de Me Michel H. avocat, suivant les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,
- dit que l'affaire sera renvoyée à la première audience de mise en état suivant le dépôt du rapport d'expertise.
La société societe civile immobiliereT. a relevé appel de ce jugement par déclaration du 14 novembre 2018.
Elle demande à la cour :
Vu l'article l.145-14 du code de commerce
Vu les articles 1289 et suivants du code de procédure civile
A titre principal,
Constatant que la société R. Automobiles a été placée en liquidation judiciaire avant le terme du bail commercial,
Constatant qu'en conséquence la société R. Automobiles ne peut pas prétendre à une indemnité d'éviction,
- d'infirmer le jugement du tribunal de grande instance d'annecy,
- de dire et juger que la demande de la société R. Automobiles est non fondée,
- en conséquence, la débouter de l'ensemble de ses demandes et prétentions à l'encontre de la société T., et rejeter la demande d'expertise sans objet,
À titre subsidiaire,
Constatant que la société société T. dispose d'une créance certaine liquide et exigible au titre du droit d'entrée en application du bail commercial, lequel droit d'entrée a été fixé à la somme de 152.000 euros,
Constatant que la société société T. dispose d'une créance certaine, liquide et exigible contre la société R. Automobiles au titre du loyer de février/mars/avril 2016 et de l'indexation du loyer de 26.676 euros,
Cconstatant que la société société T. dispose d'une créance certaine, liquide, et exigible au titre de la remise en état des lieux en fin de bail, laquelle créance est fixée à 100.000 euros,
- d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de la société société T. concernant le droit d'entrée et les créances dont elle est titulaire à l'encontre de la société R. Automobiles,
En conséquence,
- de constater la compensation conventionnelle entre les créances et dettes réciproques nées du contrat de bail au titre du droit d'entrée d'une part, de l'indemnité d'éviction d'autre part,
- d'ordonner la compensation judiciaire entre l'indemnité d'éviction et les créances de la société T. au titre du bail commercial (arriéré de loyers et remise en état des lieux),
- de fixer le solde de la créance de la société société T. après compensation pour inscription au passif de liquidation de la société R. Automobiles,
En toute hypothèse,
- de condamner Maître G. et la société R. Automobiles à verser à la société T. la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,
Elle soutient :
- que le locataire doit remplir l'ensemble des conditions du droit au renouvellement jusqu'à la date de la décision statuant sur ladite indemnité,
- que cette exigence a conduit la Cour de cassation dans une décision du 06 novembre 2001 à refuser l'indemnité d'éviction au locataire qui s'était placé en liquidation judiciaire avant qu'il ne soit statué sur l'indemnité d'éviction, puisque le locataire ne justifiait plus d'un quelconque préjudice, le fonds de commerce ayant disparu,
- que la société R. Automobiles, dès avant le terme du bail fixé au 30 mai 2016, a été placée en liquidation judiciaire par décision du tribunal de commerce d'Annecy en date du 13 avril 2016 et a immédiatement cessé son activité,
- que le droit à l'indemnité d'éviction ne naît qu'une fois le bail expiré,
- sur la clause litigeuse du bail, à supposer même que cette clause doive s'interpréter comme « forfaitisant l'indemnité d'éviction », celle-ci ne pouvait être écartée que dans cette limite sans que cette modification n'ait pour effet de faire perdre au bailleur le droit d'entrée qu'il tenait du bail initial conclu avec la société Sadal aux droits de laquelle vient la société R. Automobiles,
- qu'il sera observé que la société R. Automobiles ne démontre pas en quoi la «forfaitisation de l'indemnité d'éviction en fonction du droit d'entrée», à supposer qu'elle soit établie, lui serait préjudiciable, faute pour elle d'avoir produit en 1 ère instance des éléments probants tels qu'un rapport d'expertise établissant la valeur de l'indemnité d'éviction,
- qu'elle dispose de créances certaines, liquides et exigibles à l'encontre de la société R. Automobiles au titre du bail et de la restitution des lieux,
La société B. & G., prise en la personne de Me Jean-François G., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société R. Automobiles aux termes de ses conclusions du 9 mai 2019 demande à la cour :
Vu les articles l145-14, l145-15 et l145-60 du code de commerce,
Vu l'article 144 du code de procédure civile,
Vu la jurisprudence et les pièces annexées,
- de confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'annecy le 17 octobre 2018,
Et, statuant de nouveau,
A titre principal,
- de constater que la clause relative au droit d'entrée, stipulée en page 9 du bail commercial du 31 mai 2007 conclu entre la société T. et la société R. Automobiles :
. Subordonne l'exigibilité du droit d'entrée à l'obligation par le bailleur au versement d'une indemnité d'éviction au profit des preneurs, organisant donc par avance une forfaitarisation de l'indemnité d'éviction au montant du droit d'entrée de 152.000 euros,
. Prévoit une compensation entre ces deux sommes avec renonciation irrévocable par le preneur à la part de l'indemnité d'éviction excédant ce droit d'entrée réévalué,
- de dire et juger que la clause relative au droit d'entrée, stipulée en page 9 du bail commercial du 31 mai 2007 conclu entre la société T. et la société R. Automobiles emporte ainsi renonciation, par avance, du locataire au bénéfice de l'indemnité d'éviction,
- de dire et juger que la clause relative au droit d'entrée, stipulée en page 9 du bail commercial du 31 mai 2007 conclu entre la société T. et la société R. Automobiles fait donc indirectement échec au droit au renouvellement du preneur,
- de dire et juger que la clause relative au droit d'entrée, stipulée en page 9 du bail commercial du 31 mai 2007 conclu entre la société T. et la société R. Automobiles est nulle et doit être réputée non écrite,
- de dire que la société R. Automobiles est recevable et bien fondée en ses demandes,
- de dire et juger que les créances invoquées par la société société T. sont infondées et injustifiées,
- de constater que la créance dont la société T. entend se prévaloir au titre de la révision triennale des loyers pour la période du 31 mai 2010 au 30 mai 2013 est atteinte par la prescription biennale de l'article l145-60 du code de commerce,
- de dire et juger que la société T. n'est pas recevable à solliciter la condamnation de la société R. Automobiles au titre d'une créance de révision de loyer pour la période du 31 mai 2010 au 30 mai 2013 compte tenu que celle-ci est atteinte par la prescription de l'article L145-60 du code de commerce,
En conséquence,
- de dire et juger que la société R. Automobiles, représentée par la selarl B. & G., prise en la personne de Me G., en sa qualité de liquidateur judiciaire, désigné à cette fonction par jugement du tribunal de commerce d'annecy du 13 avril 2016, peut prétendre à une indemnité d'éviction suite au congé du 26 novembre 2015 notifié par la société T. comprenant refus de renouvellement du bail commercial du 31 mai 2007,
- de débouter la société société T. de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société R. Automobiles,
- de confirmer le jugement rendu le 17 octobre 2018 par le tribunal de grande instance d'Annecy en ce qu'il a ordonné, avant-dire-droit, une expertise judiciaire aux fins d'évaluer, au contradictoire des parties, l'indemnité d'éviction totale à laquelle peut prétendre la société R. Automobiles, avec pour mission de :
. Convoquer les parties et recueillir leurs explications,
. Prendre connaissance des documents de la cause,
. Visiter le site et les locaux litigieux ayant fait l'objet du bail du 31 mai 2007,
. Prendre connaissance des documents contractuels et de tous autres, notamment tous les documents comptables relatifs à l'exploitation du fonds de commerce qui a été exploité dans les lieux par la société R. Automobiles,
. Donner tous éléments permettant de déterminer conformément aux dispositions de l'article l145-14 du code de commerce, le montant de l'indemnité d'éviction due à la société R. Automobiles en estimant notamment : la valeur marchande du fonds de commerce suivant les usages de la profession, les frais normaux de déménagement et de réinstallation, les frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, l'évaluation de toutes indemnités annexes (perte de stock, trouble commercial, frais de double loyer, indemnités éventuelles de licenciement...),
- de confirmer le jugement rendu le 17 octobre 2018 par le tribunal de grande instance d'Annecy en ce qu'il a dit que l'expertise judiciaire sera réalisée aux frais de la société T., bailleresse tenue au versement de l'indemnité d'éviction,
- de confirmer l'ordonnance de changement d'expert du 4 février 2019 désignant Madame Vanessa M.,
A titre subsidiaire,
- de constater que la clause relative au droit d'entrée, stipulée en page 9 du bail commercial du 31 mai 2007 conclu entre la société T. et la société R. Automobiles :
. Subordonne l'exigibilité du droit d'entrée à l'obligation par le bailleur au versement d'une indemnité d'éviction au profit des preneurs, organisant donc par avance une forfaitarisation de l'indemnité d'éviction au montant du droit d'entrée de 152.000 euros,
. Prévoit une compensation entre ces deux sommes avec renonciation irrévocable par le preneur à la part de l'indemnité d'éviction excédant ce droit d'entrée réévalué,
- de dire et juger que la clause relative au droit d'entrée, stipulée en page 9 du bail commercial du 31 mai 2007 conclu entre la société T. et la société R. Automobiles emporte ainsi renonciation, par avance, du locataire au bénéfice de l'indemnité d'éviction ;
- de dire et juger que la clause relative au droit d'entrée, stipulée en page 9 du bail commercial du 31 mai 2007 conclu entre la société T. et la société R. Automobiles fait donc indirectement échec au droit au renouvellement du preneur,
- de dire et juger que la clause relative au droit d'entrée, stipulée en page 9 du bail commercial du 31 mai 2007 conclu entre la société T. et la société R. Automobiles, est nulle et doit être réputée non écrite,
- de dire que la société R. Automobiles est recevable et bien fondée en ses demandes,
- de dire et juger que les créances invoquées par la société société T. sont infondées et injustifiées,
- de constater que la créance dont la société T. entend se prévaloir au titre de la révision triennale des loyers pour la période du 31 mai 2010 au 30 mai 2013 est atteinte par la prescription biennale de l'article l145-60 du code de commerce,
- de dire et juger que la société T. n'est pas recevable à solliciter la condamnation de la société R. Automobiles au titre d'une créance de révision de loyer pour la période du 31 mai 2010 au 30 mai 2013 compte tenu que celle-ci est atteinte par la prescription de l'article l145-60 du code de commerce,
En conséquence,
- de dire et juger que la société R. Automobiles, représentée par la selarl B. & G., prise en la personne de Me G., en sa qualité de liquidateur judiciaire, désigné à cette fonction par jugement du tribunal de commerce d'Annecy du 13 avril 2016, peut prétendre à une indemnité d'éviction suite au congé du 26 novembre 2015 notifié par la société T. comprenant refus de renouvellement du bail commercial du 31 mai 2007,
- de condamner la société T. à verser à la selarl B. & G., prise en la personne de Me G., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société R. Automobiles, la somme de 297.165,15 € au titre de l'indemnité d'éviction outre intérêt au taux légal à compter du 1er avril 2016 date de l'assignation,
- d'ordonner la capitalisation des intérêts,
En tout état de cause,
- de condamner la société T. à régler à la selarl B. & G., prise en la personne de Me G., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société R. Automobiles, la somme de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la même aux entiers dépens au profit de la société B.A. B., avocats associés, en application des dispositions de l'article de l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur le principe de l'indemnité d'éviction et l'expertise
Quand bien même l'activité aurait cessé, le fonds de commerce peut conserver une valeur eu égard notamment à l'existence d'un droit au bail ou d'une clientèle susceptible de lui être encore attachée à raison de son emplacement.
Dès lors, il convient de constater qu'à la date de restitution des clés, la société R. Automobiles, qui était créancière d'un droit à indemnité d'éviction dont le fait générateur se situait à la date de signification du congé sans offre de renouvellement, a bien été privée d'un droit susceptible de donner lieu à réparation, en raison du refus du renouvellement du bail.
En conséquence, en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties.
Sur la validité de la clause du bail commercial relative aux droits d'entrée et à la compensation avec l'indemnité d'éviction
Selon l'article 145-13 du code de commerce invoqué par les intimées, sont réputés non écrits, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit de renouvellement institué par le présent chapitre ou aux dispositions des articles l. 145-4, l. 145-37 à l. 145-41, du premier alinéa de l'article l. 145-42 et des articles l. 145-47 à l. 145-54.
En l'espèce, les intimées soutiennent que doit être déclarée non écrite la clause suivante :
Le présent bail est consenti et accepté à la charge pour les preneurs de verser au bailleur la somme de 152.000 € à titre de droits d'entrée et pas de porte. Le versement de ce droit d'entrée ne sera toutefois exigible qu'au terme du présent bail, soit le 31 juillet 2011, et dans le cas seulement où le dit bail viendrait à être renouvelé, ou, en cas de refus de renouvellement par le bailleur, dans le cas où serait due, à la charge de ce dernier, une indemnité d'éviction au profit des preneurs.
Dans ce dernier cas, il est d'ores et déjà expressément convenu qu'une compensation sera effectuée entre le droit d'entrée et la dite indemnité d'éviction, les preneurs s'engageant irrévocablement à renoncer à la part de l'indemnité d'éviction qui pourrait excéder le montant du droit d'entrée réévalué. Enfin le montant du droit d'entrée ci-avant défini sera réajusté sur la base de la variation de l'indice insee du coût de la construction, ou de tout autre indice qui viendrait à lui être substitué".
En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en retenant qu'une clause évaluant à l'avance forfaitairement l'indemnité d'éviction devait être réputée non écrite comme portant potentiellement atteinte au droit au renouvellement dont la garantie est constituée par l'indemnité d'éviction.
En revanche, ainsi que le tribunal l'a reconnu, les parties étaient libres de convenir un droit d'entrée qu'elles ont fixé à la somme de 152 000 €, payable en fin de bail, par compensation avec l'indemnité d'éviction.
En conséquence, seule la clause « les preneurs s'engageant irrévocablement à renoncer à la part de l'indemnité d'éviction qui pourrait excéder le montant du droit d'entrée réévalué» doit être annulée.
Le jugement sera donc réformé de ce chef.
Sur les créances de la société T.
1) doit d'entrée
Cette somme due par la société R. Automobiles est bien certaine, liquide et exigible.
En conséquence, il sera fait droit à cette demande et le jugement sera réformé de ce chef.
2) sur l'indemnité de remise en état des locaux
En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties. En effet, la société T. ne produit qu'un constat d'huissier de justice qui ne permet aucunement d'imputer à la société R. Automobiles les travaux de remise en état invoqués.
3) sur les loyers
En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties.
En effet, il convient de constater la prescription biennale en ce qui concerne la demande de révision de loyer portant sur la période du 31 mai 2010 au 30 mai 2013 est acquise.
Seule la révision du loyer pour la période triennale suivante peut être admise.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur la demande de compensation
La créance d'indemnité d'éviction de la société R. Automobiles sera compensée avec la créance de la société T. relative au droit d'entrée, ainsi que les parties en ont librement convenu.
Le jugement sera réformé de ce chef.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur les dépens
Les parties étant perdantes chacune pour partie, les dépens, dont il sera fait masse seront partagés par moitié entre les parties.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement en ce qu'il a :
- dit que la société R. Automobiles, représentée par la selarl B. & G., prise en la personne de Me G., en sa qualité de liquidateur judiciaire, désigné à cette fonction par jugement du tribunal de commerce d'Annecy du 13 avril 2016, peut prétendre à une indemnité d'éviction suite au congé du 26 novembre 2015 notifié par la société T. comprenant refus de renouvellement du bail commercial du 31 mai 2007,
avant dire droit,
- ordonné une expertise judiciaire (etc...)
- débouté la société T. de sa demande de voir constater et fixer au passif de la société R. Automobiles représentée par la selarl B. & G., prise en la personne de Me Jean-François G., les créances de :
- 50.000 € au titre de la remise en état des locaux,
- 50.000 € au titre de la reconstruction d'un auvent,
- fixé au passif de la société R. Automobiles représentée par la selarl B. & G., prise en la personne de Me Jean-François G., les créances de :
- 10.047,60 euros ttc relative aux loyers pour la période de février à avril 2016,
- 9.645 € ht au titre de l'actualisation du loyer suite à révision triennale pour la période du 31 mai 2013 au 31 janvier 2016,
- dit que l'affaire sera renvoyée à la première audience de mise en état suivant le dépôt du rapport d'expertise,
Le réformant pour le surplus,
Dit que la clause relative au droit d'entrée, stipulée en page 9 du bail commercial du 31 mai 2007 conclu entre la société T. et la société R. Automobiles, est réputée non écrite seulement en ce qu'elle prévoit : « (...) Les preneurs s'engageant irrévocablement à renoncer à la part de l'indemnité d'éviction qui pourrait excéder le montant du droit d'entrée réévalué »,
Fixe au passif de la société R. Automobiles représentée par la selarl B. & G., prise en la personne de Me Jean-François G., la créance de 152.000 € au titre du droit d'entrée, réévaluée dans les termes du bail,
Dit que cette créance se compensera avec le montant de l'indemnité d'éviction,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Rejette les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Fait masse des entiers dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront partagés par moitié entre l'appelante et les intimés, avec distraction au profit des avocats de la cause qui en ont fait la demande, suivant les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.