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Décisions

Cass. com., 17 janvier 2012, n° 10-27.562

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

Me Brouchot, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Saint-Denis de la Réunion, du 19 juill. …

19 juillet 2010

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... et M. Philippe X..., associés minoritaires de la société par actions simplifiée les Tamarins (la SAS), qui détient majoritairement le capital de la société civile agricole la ferme du Piton Doret et de la société clinique X..., ont demandé la désignation, sur le fondement de l'article L. 225-231 du code de commerce, d'un expert de gestion, aux fins notamment d'étudier les apports en compte courant consentis par la SAS à la société la ferme du Piton Doret et d'examiner les modalités de la mise à disposition auprès de cette société ainsi que de la société clinique Durieux et de M. Maurice X... de treize salariés de la SAS ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la SAS fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande d'expertise de gestion de Mme X... et de M. Philippe X... et désigné un expert pour étudier les apports en compte courant consentis par elle à La Ferme du Piton Doret, alors, selon le moyen :

1°/ qu'un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital ne peuvent, à défaut de communication d'éléments de réponse satisfaisants, demander en référé la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion, qu'après avoir posé par écrit au président du conseil d'administration ou du directoire de la société anonyme des questions demeurées sans réponse ou sans réponse satisfaisante ; que pour déclarer justifiée la demande d'expertise visant le montant et les apports effectués par la SAS Les Tamarins à la SCA La Ferme du Piton Doret, ses avantages et ses inconvénients, la cour d'appel a énoncé que l'apport en compte courant consenti par la SAS Les Tamarins à La Ferme du Piton Doret pouvait porter atteinte à l'intérêt social ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, même d'office, si Mme X... avait interrogé préalablement M. Georges X... sur cet apport en compte courant, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 225-231 du code de commerce ;

2°/ subsidiairement, qu'un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital ne peuvent, à défaut de communication d'éléments de réponse satisfaisants, demander en référé la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion que si les opérations en cause présentent un risque d'atteinte à l'intérêt social et un caractère suspect ; que la cour d'appel a uniquement observé que l'apport en compte courant consenti par la SAS Les Tamarins à La Ferme du Piton Doret peut porter atteinte à l'intérêt social ; qu'en se prononçant par des motifs quasi-dubitatifs et en tout cas insusceptibles d'établir, faute de considérations circonstanciées, que cet apport présentait un risque réel d'atteinte à l'intérêt social, première des deux conditions cumulatives, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 225-231 du code de commerce ;

3°/ très subsidiairement, qu'un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital ne peuvent, à défaut de communication d'éléments de réponse satisfaisants, demander en référé la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion que si les opérations en cause présentent un caractère suspect et présentent un risque d'atteinte à l'intérêt social, double condition cumulative et non alternative ; qu'en s'abstenant de constater le caractère suspect de cet apport en compte courant, la cour d'appel qui n'a pas constaté l'accomplissement de la seconde condition, n'a pas légalement justifié son arrêt au regard de l'article L. 225-231 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que dans ses conclusions d'appel la SAS a reconnu que Mme X... l'avait interrogée sur la question des comptes courants d'associés ; qu'elle n'est donc pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire à ses écritures ;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant relevé que l'apport en compte courant consenti par la SAS à la société la ferme du Piton Doret pouvait porter atteinte à l'intérêt social dès lors que cette dernière cumulait depuis des années des pertes importantes comblées par la SAS, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir le risque d'atteinte à l'intérêt social, et qui n'était pas tenue de caractériser en outre le caractère suspect de cet apport a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article L. 225-231 du code de commerce ;

Attendu que, pour accueillir la demande d'expertise portant sur les modalités de la mise à disposition de personnel auprès de la société la ferme du Piton Doret par la SAS, l'arrêt se borne à retenir que la finalité et les modalités de ces opérations méritent d'être éclaircies par une expertise ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser en quoi cette mise à disposition était susceptible de porter atteinte à l'intérêt social, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :

CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions ayant fait droit à la demande d'expertise de gestion de Caroline et Philippe X... et désigné un expert pour étudier les apports en compte courant consentis par la SAS Les Tamarins à La Ferme du Piton Doret, l'arrêt rendu le 19 juillet 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion autrement composée.