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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re ch. C, 29 janvier 2015, n° 14/02767

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

PARTIES

Défendeur :

Nikki Beach (SAS), Cachalot (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Kerraudren

Conseillers :

Mme Bourrel, Mme Klotz

T. com. Fréjus, du 6 janv. 2014, n° 2013…

6 janvier 2014

EXPOSE DE L'AFFAIRE

Le 11 octobre 2012, Monsieur Christian J., actionnaire de la SAS NIKKI BEACH à concurrence de 15 % du capital, a interrogé Monsieur Eric O., président de ladite société, sur les redevances de brevets et /ou licences réglées par la SAS CACHALOT, filiale à 100 % de la société NIKKI BEACH. Ne s'estimant pas satisfait de la réponse fournie le 02 novembre 2012, il a de nouveau interrogé Monsieur O., le 11 janvier 2013, à l'effet d'obtenir des précisions sur l'identité de l'associé de l'EURL ALICIA, société ayant cédé le contrat de licence à la société NIKKI BEACH, sur les raisons du paiement des redevances par la société CACHALOT pour un contrat auquel elle n'est pas partie, réclamant en outre la communication des pièces correspondantes.

N'étant pas davantage satisfait de la réponse fournie par Monsieur O. le 06 février 2013, Monsieur J. a saisi en la forme des référés le président du tribunal de commerce de Fréjus à l'effet d'obtenir une expertise de gestion, sur le fondement de l'article L225 - 231 du Code de commerce.

Par décision du 06 janvier 2014, la juridiction a, au visa des articles 872 et 873 du Code de procédure civile :

- débouté Monsieur J. de ses demandes,

- condamné le même à payer à la SAS NIKKI BEACH et à la SAS CACHALOT la somme de 5 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné Monsieur J. aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 67,24 euros T.T.C.

Monsieur J. a relevé appel de cette ordonnance et il a conclu en dernier lieu le 1er décembre 2014.

Les sociétés intimées ont déposé leurs conclusions récapitulatives le 25 septembre 2014.

La Cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.

MOTIFS

Attendu que les intimées concluent à l'irrecevabilité des pièces produites en anglais par l'appelant et non traduites par une personne assermentée ; que sont notamment visées selon les motifs des conclusions, les pièces numéros 10, 11 et 14 ;

Attendu cependant que les pièces 10 et 11 ont fait l'objet d'une traduction libre (pièce 14), dont il n'est pas prétendu qu'elle soit inexacte ; qu'en revanche, ni la lettre en réponse de Monsieur O. du 02 novembre 2012, ni celle du 06 février 2013 ne sont accompagnées d'une traduction en langue française, de sorte qu'elles seront écartées des débats ;

Attendu que l'appelant réclame l'annulation de l'ordonnance déférée pour défaut de motivation ;

Attendu qu'il n'est pas discuté que, devant le premier juge, Monsieur J. a produit des pièces en anglais, mais également des pièces en français ; que, pour débouter l'intéressé de ses demandes, le juge des référés se borne à considérer comme irrecevables les documents produits en anglais, sans la moindre précision ou analyse, même sommaire, et sans davantage examiner les autres pièces en français ; qu'il s'ensuit que, dépourvue de motifs suffisants, l'ordonnance doit être annulée conformément aux dispositions des articles 455 alinéa 1er et 458 du Code de procédure civile ;

Attendu que les intimées soulèvent, dans les motifs de leurs écritures, l'irrecevabilité de la demande formée à l'encontre de la société NIKKI BEACH ; qu'elles ne reprennent pas cette prétention dans le dispositif de leurs conclusions, au terme desquelles elles sollicitent la confirmation de l'ordonnance qui a débouté Monsieur J. de ses demandes ; qu'il n'y a donc lieu de statuer sur ladite irrecevabilité, par application de l'article 954 du Code de procédure civile ;

Qu'en outre il ne ressort d'aucune des pièces produites par les parties que l'appelant aurait cédé ses actions, de sorte que son intérêt à agir n'est pas discutable de ce chef, observation faite qu'aucune irrecevabilité n'est reprise à cet égard dans le dispositif des conclusions des sociétés intimées ;

Attendu qu'il convient de rechercher, au fond, si les conditions requises par l'article L 225-231 du Code de commerce, applicable aux sociétés par actions simplifiées, sont réunies en l'espèce, n'étant pas discuté que Monsieur J. détient 'au moins 5 % du capital social' ;

Attendu que, dans une première lettre du 11 octobre 2012, Monsieur J. réclamait des précisions sur l'identité des bénéficiaires des paiements de la société CACHALOT, l'objet de la convention conclue avec les bénéficiaires, l'utilité de cette convention pour la société CACHALOT, les modalités de détermination du prix de la redevance ; qu'il ressort des écritures des parties (faute de traduction des réponses) que Monsieur O. a indiqué le bénéficiaire (société P. MANAGEMENT), l'objet du contrat, à savoir l'utilisation de la marque NIKKI BEACH, ainsi que le paiement d'une redevance par la société CACHALOT ; que n'ont pas été fournies les modalités de fixation du prix des redevances ni leur fondement contractuel ;

Attendu que, le 11 janvier 2013, Monsieur J., ne s'estimant que partiellement satisfait, demandait l'identité de l'associé de la société ALICIA, laquelle avait cédé le contrat de licence à la société NIKKI BEACH, ainsi que les raisons du paiement des redevances par la société CACHALOT au titre du contrat de licence auquel elle n'était pas partie ;

Attendu que Monsieur O. a répondu que l'EURL ALICIA avait obtenu la licence de NIKKI BEACH et que la société CACHALOT exploitait la licence NIKKI BEACH qui lui avait été cédée et donc payait la redevance ;

Attendu que la question relative à l'identité de l'associé unique de l'EURL ALICIA ne concerne pas un acte de gestion, ainsi que le soutiennent à bon droit les intimées ;

Attendu en revanche qu'aucune réponse n'a été fournie à la question précise relative à la fixation de la redevance due par la société CACHALOT, laquelle concerne bien les intérêts du groupe, alors que cette redevance est passée de 325639 euros en 2010 à 410989 euros en 2012 ; que l'appelant justifie, contrairement à ce qu'affirment les intimées, de ce qu'un sieur Jack P. est le dirigeant de la société bénéficiaire des redevances, (selon extrait du registre des sociétés de l'Etat de Floride) alors que Monsieur Jack P. est actionnaire majoritaire de NIKKI BEACH ; qu'il est fondé à soupçonner une irrégularité de gestion, même si les intimées font valoir qu'il s'agit de personnes différentes ;

Attendu que le seul fait que la convention ait été approuvée par les actionnaires n'interdit pas l'organisation d'une expertise, dès lors qu'est en cause un acte de gestion ;

Attendu en conséquence qu'il doit être fait droit à la demande d'expertise de l'appelant, selon les modalités prévues au dispositif du présent arrêt ;

Attendu enfin qu'il n'est pas contrarie à l'équité que chaque partie supporte ses frais irrépétibles de procédure ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Déclare irrecevables les pièces numéros 5 et 7 communiquées par Monsieur J.,

Annule l'ordonnance déférée,

Statuant en vertu de l'effet dévolutif,

Ordonne une expertise,

Commet pour y procéder Monsieur Philippe D.[...], avec mission, les parties régulièrement convoquées et entendues, si elles comparaissent, de :

- prendre connaissance des documents de la cause et de toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,

- présenter un rapport sur le paiement par la société CACHALOT de redevances à la société P. MANAGEMENT INTERNATIONAL LLC, en précisant notamment les pièces contractuelles sur lesquelles repose ce paiement, l'utilité de la convention pour la société CACHALOT et les éléments selon lesquels ont été fixées les redevances,

Dit que le contrôle de l'expertise ordonnée est dévolu au président du tribunal de commerce de Fréjus ou à son délégataire chargé du contrôle des expertises à qui une expédition du présent arrêt sera transmise,

Dit que Monsieur J. devra consigner à peine de caducité au greffe du tribunal de commerce à qui est dévolu le contrôle de l'expertise dans le délai de 1 mois à compter de l'avis donné par le greffe en application de l'article 270 du nouveau code de procédure civile, la somme de 2 500 euros à titre de provision à valoir sur la rémunération de l'expert,

Dit que lors de la première ou au plus tard de la deuxième réunion des parties, l'expert dressera un programme de ses investigations, et évaluera d'une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours,

Dit qu'à l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître au président du tribunal de commerce de Fréjus ou son délégataire, la somme globale qui lui parait nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours, et sollicitera le cas échéant, le versement d'une consignation complémentaire,

Dit que l'expert pourra, s'il le juge nécessaire, se faire assister d'un sapiteur d'une autre spécialité que la sienne, pris sur la liste des experts de la cour de céans,

Désigne le président du tribunal de commerce de Fréjus ou son délégataire pour contrôler l'expertise ordonnée,

Dit que l'expert devra déposer au greffe du tribunal de commerce de Fréjus rapport de ses opérations dans le délai de 3 mois à dater de l'avis de la consignation, sauf prorogation dûment autorisée, et qu'il en délivrera lui-même copie à chacune des parties en cause et un second original à la juridiction mandatée,

Dit qu'au cas où les parties viendraient à se concilier, il devra constater que sa mission est devenue sans objet et en faire rapport,

Dit qu'en cas d'empêchement, refus ou négligence, l'expert commis pourra être remplacé par ordonnance rendue sur simple requête présentée par la partie la plus diligente à Monsieur le président du tribunal du tribunal de commerce de Fréjus ou son délégataire,

Rejette les demandes des parties fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne les sociétés NIKKI BEACH et CACHALOT aux dépens de première instance et d'appel.