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Décisions

CA Versailles, 14e ch., 19 décembre 2012, n° 12/01276

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Green Recovery (SAS)

Défendeur :

SC Gimar 1 Private Equity Holding (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

Me Lafon, Me Brunswick, Me Buquet-Roussel, Me Jullien, Me Hay

T. com. Versailles, du 25 janv. 2012

25 janvier 2012

FAITS ET PROCÉDURE,

Saisi par la société SC GIMAR 1 PRIVATE EQUITY HOLDING, sous le visa de l'article L 225-231 du code de commerce, d'une demande de désignation d'expert destinée à permettre que soit vérifiée la régularité de diverses opérations de gestion, le président du tribunal de commerce de Versailles agissant par délégation, aux termes d'une ordonnance rendue le 25 janvier 2012 en la forme des référés, a désigné M. Robert Paillot en qualité d'expert afin notamment de donner un avis sur la facturation d'une somme de 1 500 000 € environ aux sociétés du portefeuille par les dirigeants de GREEN RECOVERY II, sur le montant et la répartition des frais et honoraires liés aux investissements, et sur certaines opérations de gestion intervenues dans le cadre de l'activité des sociétés du portefeuille.

Par déclaration au greffe en date du 21 février 2012, la société GREEN RECOVERY II a relevé appel de cette décision.

Par des conclusions déposées le 5 novembre 2012, M. Monot, actionnaire de la société GREEN RECOVERY II est intervenu volontairement à l'instance.

Par des conclusions déposées le 21 novembre 2012, la société GREEN RECOVERY II s'est désistée de son instance et de son action à l'encontre de la société SC GIMAR 1 PRIVATE EQUITY HOLDING avec laquelle elle indique avoir signé un protocole d'accord.

Dans des conclusions déposées le même jour, la société SC GIMAR 1 PRIVATE EQUITY HOLDING a accepté ce désistement, renoncé à sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sollicité que chaque partie conserve la charge des dépens exposés par elle.

Par des conclusions déposées le 21 novembre 2012, M. Monot, actionnaire de la société GREEN RECOVERY II prie la cour de :

- déclarer recevable son intervention volontaire,

- rejeter la demande de sursis à statuer,

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

- confirmer les termes de la mission confiée à l'expert telle qu'elle résulte de l'ordonnance entreprise et de l'ordonnance d'extension de mission rendue le 16 mai 2012,

- dire que le bénéfice des décisions du premier juge lui sera étendue et que l'expertise lui sera commune et opposable,

- dire qu'en tant que de besoin, il pourra se substituer à la société SC GIMAR 1 PRIVATE EQUITY HOLDING pour verser la provision à valoir sur la rémunération de l'expert.

Il soutient que les dirigeants de la société GREEN RECOVERY II ont accaparé les pouvoirs de direction au détriment des droits des actionnaires et se sont affranchis des statuts et du règlement de la société qui prévoyaient qu'ils ne percevraient pas de rémunération dans le cadre des opérations d'investissement réalisées.

Il souligne que cette absence de rémunération avait pour contrepartie un sort très favorable faits aux dirigeants relativement à leur participation au capital.

Il indique que les contre-performances de l'entreprise ont mis en évidence des irrégularités de gestion.

Il dénonce en particulier un 'trou' de près de deux millions d'euros alors que les dirigeants ont admis avoir facturé et perçu un million et demi des 'sociétés-cibles' et qu'il n'apparaît pas qu'ils aient participé aux frais d'acquisition de ces sociétés imputés en totalité à la société GREEN RECOVERY II à hauteur de 763 497 € TTC.

Il fait état d'une caution consentie lors de la cession de la société DAPTA et d'une fiducie constituée avant la mise en liquidation de la société EYEDEA au titre des opérations de gestion qui méritent des éclaircissements.

Il mentionne l'ordonnance rendue le 16 mai 2012 qui a étendu la mission de l'expert à l'examen

- d'une 'éventuelle ponction de 2,7 M€ sur les comptes bancaires d'Eurocel au profit des trois actionnaires principaux',

- d'un 'engagement d'investir 5 M€ sur trois ans dont 1 M€ la première année dans l'entreprise DAPTA',

Il indique que cette extension de mission a été ordonnée en application de l'article 236 du code de procédure civile (et non en application de l'article 225-231 du code de commerce) et dénonce l'obstruction des dirigeants.

Il soutient que le contrôle conjoint exercé par la société GREEN RECOVERY II et ses dirigeants sur les sociétés du portefeuille fait présumer une action de concert au sens de l'article L 233-3 du code de commerce et autorise une expertise sur les sociétés du portefeuille.

Il fait valoir qu'indépendamment de sa souscription initiale au capital de la société GREEN RECOVERY II dont la validité fait l'objet d'une contestation judiciaire et qui porte sur 300 000 actions, il détient 2 137 000 actions, soit 14,21 % du capital, ce qui lui confère le droit de se prévaloir de l'article L 225-231 du code de commerce et rend son intervention volontaire recevable nonobstant l'instance pendante devant le tribunal de grande instance de Versailles.

Il dénonce une tentative des dirigeants de la société GREEN RECOVERY II de racheter les actions à bas prix afin de conserver la complète maîtrise de la société.

Il soutient que l'expertise est nécessaire pour lever les contradictions émaillant certaines communications, pour pallier l'absence de réponse à certaines questions et lui permettre de déterminer si la perte de son investissement résulte de la seule conjoncture économique ou bien de fautes consistant notamment en des 'ponctions' importantes opérées par les trois dirigeants à leur profit.

Par des conclusions déposées le 21 novembre 2012, la société GREEN RECOVERY II prie la cour de bien vouloir :

- surseoir à statuer sur l'intervention volontaire de M. Monot dans l'attente de l'issue de la procédure initiée par celui-ci devant le tribunal de grande instance de Versailles et tendant à l'annulation de sa souscription à son capital,

- subsidiairement, déclarer cette intervention volontaire irrecevable,

- plus subsidiairement, infirmer la décision entreprise et l'ordonnance rendue le 16 mai 2012 qui a étendu la mission initialement confiée à l'expert,

- dire que les sociétés du portefeuille ne sont pas des sociétés contrôlées par elle

au sens de l'article L 233-3 du code de commerce et déclarer irrecevable la demande relative à la facturation de la somme de 1 500 000 € aux sociétés du portefeuille par ses dirigeants,

- dire que la demande relative au montant et à la répartition des frais et honoraires liés aux investissements et à la gestion ne vise aucune opération de gestion déterminée et est irrecevable,

- subsidiairement, rejeter l'ensemble des demandes de M. Monot,

- condamner celui-ci à lui verser la somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- le condamner aux dépens et à payer la somme de 15 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société GREEN RECOVERY II expose qu'elle est une société de 'capital-risque' créée en 2006 qui a pour seule activité la reprise d'entreprises en difficulté et dont les actionnaires sont, par hypothèse, des investisseurs professionnels et avertis lesquels ont pris un engagement de confidentialité par rapport aux informations qui leur sont transmises.

Elle souligne la particularité de son statut qui limite à 40 % de l'investissement total le montant de sa prise de participation dans chaque opération et impose à ses trois dirigeants d'apporter directement 60 % de l'investissement alors même que ceux-ci ne sont pas rémunérés par elle.

Elle relate qu'elle a été créée à la suite du succès rencontré par la société GREEN RECOVERY I du fonctionnement de laquelle elle ne se distingue que par le processus d'investissement de ses dirigeants (investissement direct au lieu de 'carried interest') et relève que ses dirigeants sont des professionnels reconnus pour leurs compétences et leur éthique dans leur secteur d'activité.

Elle fait valoir que la crise financière de 2008 et 2009 a fortement affecté le sort de ses 'sociétés-cibles' dont plusieurs ont fait l'objet de procédures collectives et est la seule cause des mauvais résultats obtenus par l'entreprise.

Elle souligne les précautions prises pour informer pleinement ses partenaires des spécificités du marché sur lequel elle intervient.

Elle dénonce une présentation fallacieuse des faits par M. Monot, professionnel de la finance qui ne veut pas assumer ses choix d'investissement et le caractère artificielle d'une démarche de contestation globale de la gestion de la société qui a trouvé très peu d'écho parmi ses actionnaires.

Elle relève une contradiction entre la contestation porté par M. Monot devant le tribunal quant à la validité de sa souscription au capital et son intervention volontaire en qualité d'actionnaire minoritaire et soutient qu'un sursis à statuer est nécessaire afin de déterminer si celui-ci dispose de l'action ouverte aux actionnaires minoritaires détenant 5 % du capital.

Elle reproche à M. Monot de s'être délibérément abstenu de se joindre à l'action initiée par la société GIMAR 1 afin de pouvoir contester sa prise de participation dans le capital de la société GREEN RECOVERY II, puis d'intervenir en cause d'appel après avoir engagé une action aux fins d'annulation de sa souscription.

Elle indique avoir satisfait toutes les demandes d'information sur son fonctionnement après les demandes initialement faites par la société SC GIMAR 1 PRIVATE EQUITY HOLDING notamment en ce qui concerne les facturations opérées par ses dirigeants sur les sociétés acquises et sur les frais de fonctionnement et les frais engagés à l'occasion des prises de participation.

Elle soutient que la mesure d'expertise prévue par l'article L225-231 du code de commerce ne peut porter sur la gestion de ses 'sociétés cibles' qu'elle ne contrôle pas au sens de l'article L 233-10 du même code et rejette la notion d' 'action de concert' entre elle-même et ses dirigeants, telle qu'invoquée par la société GIMAR 1.

Elle dénonce le caractère général d'une demande d'expertise contraire aux dispositions du texte précité et dépourvue de sérieux.

Elle fait valoir que M. Monot ne justifie pas de présomptions d'irrégularités graves dans la gestion de l'entreprise, que l'expertise sollicitée ne permettrait pas d'obtenir plus d'informations que celles déjà fournies notamment en raison de l'incapacité des sociétés-cibles à fournir des documents utiles en raison des procédures collectives ouvertes à leur encontre et ajoute que seuls les mandataires judiciaires de celles-ci pourraient rechercher la responsabilité des dirigeants dans les actes de gestion les concernant.

*

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.

L'instruction de l'affaire a été close le 21 novembre 2012.

Compte tenu du dépôt de conclusions le jour même de la date fixée pour la clôture des débats et afin de faire respecter le principe de contradiction, la cour a autorisé les parties à déposer une note en délibéré dans un délai de quinzaine.

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Il convient de donner acte à la société GREEN RECOVERY II de son désistement d'instance et d'action à l'encontre de la société SC GIMAR 1 PRIVATE EQUITY HOLDING et à cette dernière de son acceptation.

Il y a lieu de constater le dessaisissement de la cour relativement au litige opposant ces deux parties.

Conformément à l'accord intervenu entre elles, chacune d'elles conservera à sa charge des dépens qu'elle a exposés en première instance et devant la cour jusqu'au 21 novembre 2012.

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En application de l'article L 225-231 du code de commerce, un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital peuvent poser par écrit au président du conseil d'administration ou au directoire des questions sur une ou plusieurs opérations de gestion de la société, ainsi que, le cas échéant, des sociétés qu'elle contrôle au sens de l'article L 233-3. Dans ce dernier cas, la demande doit être appréciée au regard de l'intérêt du groupe [...]

A défaut de réponse dans le délai d'un mois ou à défaut de communication d'éléments de réponse satisfaisants, ces actionnaires peuvent demander en référé la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion [...]

S'il est fait droit à la demande, la décision de justice détermine l'étendue de la mission et des pouvoirs des experts[...].

Il ressort de la feuille de présence à l'assemblée générale de la société GREEN RECOVERY II qui s'est réunie le 15 juin 2012 que M. Charles Monot détient 2 137 000 des 15 037 000 actions de la société, soit 14,21 % du capital.

L'action tendant à l'annulation de sa souscription initiale au capital de la société porte sur 400 000 actions (soit 2,66 % du capital) dont les trois quarts ont été libérés.

Quelle qu'elle soit, l'issue de cette action ne saurait donc réduire le nombre d'actions détenues par M. Monot à moins de 5 % du capital de la société.

En conséquence, il n'y a lieu de surseoir à statuer.

Il n'est pas contestable qu'actionnaire minoritaire de la société GREEN RECOVERY, M. Monot, qui n'a été ni partie ni représenté en première instance, avait un intérêt à intervenir dans l'instance opposant la société GREEN RECOVERY II à la société GIMAR 1 et qu'il soutient de façon autonome des demandes tendant notamment à la confirmation de la décision entreprise de sorte que l'extinction du lien d'instance entre les deux autres parties par suite du désistement de la société GREEN RECOVERY II est sans effet sur la recevabilité de son action.

En outre, il ne saurait être induit du rapprochement opéré par la société GREEN RECOVERY II du fait que M. Monot ne s'est pas joint à l'action initiale portée par la société GIMAR 1 devant le premier juge, de l'action aux fins d'annulation de sa souscription initiale au capital de la société et de l'intervention volontaire de l'intéressé devant la cour, l'existence d'une démarche contradictoire et malicieuse, dès lors que l'action introduite par M. Monot devant le tribunal de grande instance n'est pas fondée sur une négation de sa qualité d'actionnaire mais tend uniquement à obtenir le remboursement du montant de sa souscription initiale dans le but manifeste de réduire le résultat négatif de son investissement dans la société.

En conséquence, M. Monot doit être déclaré recevable en son intervention volontaire.

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Bien qu'il n'ait pas été interjeté appel contre l'ordonnance rendue le 16 mai 2012 (non produite aux débats) par laquelle la mission confiée à l'expert par l'ordonnance entreprise a été étendue à deux questions supplémentaires, les deux parties sollicitent qu'il soit statué sur le mérite de cette ordonnance (l'une demandant son infirmation, l'autre sa confirmation).

Dans le contexte de l'espèce, il convient d'analyser l'extension de la mission de l'expert comme un élément tenant à l'évolution du litige qui permet d'accueillir ces demandes croisées dont la recevabilité n'est pas discutée par les parties.

Le présent arrêt porte donc sur l'ensemble de la mission désormais confiée à l'expert.

Il est rappelé qu'une demande d'expertise fondée sur l'article L 225-231 du code de commerce est soumise à de règles spécifiques relatives à son objet, sa finalité et à la procédure applicable et se distingue de la demande de même nature fondée sur l'article 145 du code de procédure civile.

Elle doit porter sur des faits de gestion précisément identifiés, s'inscrire dans la limite des questions soumises aux dirigeants sociaux et présenter un caractère sérieux ainsi qu'une utilité, appréciés, au regard de l'intérêt social, en fonction des éléments de réponse apportés ou non par les dirigeants aux actionnaires minoritaires.

Dans ce contexte, il convient d'examiner successivement les questions soumises aux dirigeants de la société GREEN RECOVERY par la société GIMAR 1 qui ont donné lieu à l'ordonnance entreprise et celles posées par M. Monot le 27 juin 2012 dans le cadre de l'évolution du litige qui a conduit cet intervenant à reprendre l'ensemble des demandes ayant conduit à la désignation d'un expert et déterminé la mission confiée à celui-ci.

- Facturation de prestations de service par les dirigeants de la société GREEN RECOVERY II aux sociétés du portefeuille.

Il ressort des réponses des trois dirigeants de la société GREEN RECOVERY II que ceux-ci ont facturé, chacun, aux sociétés du portefeuille 48 000 € par an pour ce qui concerne la société MALVAUX, 60 000 € en 2007 et 2008 pour la société EYEDEA, 100 000 € en 2009 pour la société EUROCEL et que les facturations émises sur les autres sociétés du portefeuille ont fait l'objet d'avoirs, la situation financière de celles-ci ne permettant pas un paiement effectif.

Cette facturation a été faite par le biais de sociétés animées par ces trois dirigeants dont les références ont été fournies aux actionnaires requérants afin de leur permettre une vérification dans les comptes publiés.

Pour s'opposer à la demande d'expertise sur ce point, la société GREEN RECOVERY II fait valoir qu'elle ne contrôle pas les sociétés de son portefeuille au sens de l'article L 233-3 du code de commerce.

L'article L 233-3 in fine dispose que deux ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérées comme en contrôlant conjointement une autre lorsqu'elles déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale.

En l'espèce, le capital des sociétés concernées est détenu entièrement par la société GREEN RECOVERY II et par les trois dirigeants de celle-ci.

Aux termes du règlement intérieur du comité de direction de la société GREEN RECOVERY II, les dirigeants s'interdisent d'agir pour leur intérêt propre contre celui de la société qu'ils administrent et s'engagent notamment à agir en toutes circonstances dans l'intérêt de la société correspondant à l'intérêt commun des actionnaires, à 'ne jamais investir dans une ligne de participation conforme à la politique d'investissement de la société sans que celle-ci n'y investisse parallèlement et à respecter des règles précises de co-investissement'.

Il s'induit sans équivoque de ces dispositions que la société GREEN RECOVERY II et ses trois dirigeants agissent de concert pour déterminer en fait les décisions prises par les assemblées générales des actionnaires des sociétés du portefeuille.

Ne le feraient-ils pas, les dirigeants engageraient leur responsabilité envers la société GREEN RECOVERY II et ses actionnaires, ce dont ils se défendent.

En conséquence, la demande d'expertise est recevable en ce qu'elle porte sur les sociétés du portefeuille de la société GREEN RECOVERY II.

En revanche, la critique émise par M. Monot sur les facturations faites par les dirigeants de la société GREEN RECOVERY II sur les sociétés du portefeuille porte, non pas sur le principe de telles facturations - qui, de fait, n'est prohibé par aucun des documents produits, ni explicitement, ni implicitement, alors que l'investisseur averti qu'est M. Monot n'a pu se méprendre sur la portée des documents décrivant le fonctionnement de la société GREEN RECOVERY II et notamment son règlement intérieur - mais sur la réalité de leur contrepartie.

Or, les deux parties indiquent que toutes les sociétés du portefeuille, à la seule exception de la société MALVAUX, ont fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ou ont été vendues pour un 'euro symbolique'.

Dans ces circonstances, il est manifeste que la demande d'expertise visant les facturations émises sur des sociétés liquidées ou vendues est dépourvue de tout utilité dans la mesure où la société GREEN RECOVERY II, en sa qualité d'actionnaire ou ancien actionnaire ne pourra prétendre à aucune action et que seul le mandataire-liquidateur des sociétés concernés pourrait, le cas échéant, engager la responsabilité des dirigeants, prestataires.

En conséquence, la demande d'expertise concernant l'ensemble des sociétés du portefeuille à l'exclusion de la société MALVAUX est mal fondée et doit être rejetée.

S'agissant de cette dernière, aucune précision n'a été apportée par M. Talon, président de la société GREEN RECOVERY II sur la nature et la consistance des prestations facturées à la société MALVAUX.

Dans une lettre en date du 30 juin 2011 adressée à un actionnaire, il faisait état de mandats exécutifs et de responsabilités dans la gestion opérationnelle des sociétés du portefeuille assumés par les dirigeants de la société GREEN RECOVERY II, ajoutant que le principe d'une rémunération des dirigeants était appliqué avec souplesse, sans qu'aucune règle automatique ne soit mise en place, les dirigeants adaptant leurs facturations aux capacités de l'entreprise concernée pour, semble-t-il, en 'dispenser' les sociétés en difficultés.

Si le principe de la rémunération d'un travail effectif ne peut susciter la critique, la proportion importante de la facturation faite sur la seule société in bonis parmi les neuf sociétés du portefeuille (près de 50 % de l'ensemble des facturations faites depuis 2006) alors qu'il n'est pas justifié de l'importance relative des prestations servies à la société MALVAUX et que celle-ci ne saurait supporter des charges incombant éventuellement à d'autres sociétés et le montant de ces facturations (150 000 € environ par an pour les trois dirigeants) qui - à défaut d'autre élément d'appréciation - peut être rapproché de la rémunération annuelle de 18 000 € consenti à M. Vigna pour ses fonctions de président de la société EUROCEL le 2 novembre 2010 ou de la société ILLOCHROMA EUROPE le 1er juillet 2010, justifient une mesure d'expertise relativement à la seule société MALVAUX dans les termes indiqués ci-dessous.

- Frais et honoraires liés aux investissements et à la gestion de la société GREEN RECOVERY II

Ainsi que l'indique M. Monot dans ses écritures (page 9), les dirigeants de la société GREEN RECOVERY II, répondant aux questions posées par la société GIMAR 1 le 15 septembre 2011, ont exposé les conditions dans lesquelles des frais d'acquisition à hauteur de 763 497 € TTC avaient été imputés à la société GREEN RECOVERY II depuis son origine en en précisant le montant par année et par société acquise.

Alors que cette interrogation reprise par M. Monot porte, non pas sur une opération de gestion spécifique mais sur le fonctionnement général de la société GREEN RECOVERY II, il apparaît que la critique émise ne concerne en réalité que l'absence de prise en charge par les dirigeants, co-investisseurs d'une quote-part de ces frais.

Or, la réponse apportée par ceux-ci confirme sans équivoque que la totalité de ces frais a été supportée par la société GREEN RECOVERY II et le recours à une mesure d'expertise n'est pas utile pour déterminer, en droit, si une quote-part de ces frais incombait ou non aux dirigeants.

Ces deux motifs conduisent à rejeter la demande d'expertise relativement aux frais d'acquisition.

M. Monot a par ailleurs mis en question le montant des frais de fonctionnement (408 097 € TTC) supportés par la société GREEN RECOVERY II.

A défaut de se rapporter à une opération de gestion précise, ce point échappe également au champ de l'expertise sollicitée.

En outre, il faut relever que les dirigeants ont produit l'ensemble des factures se rapportant à ces frais et en ont explicité les objets principaux de sorte que la demande ne peut être considérée comme sérieuse sur ce point.

Il convient de la rejeter.

- Engagement de caution consenti à la société DAPTA et fiducie constituée dans le cadre de l'acquisition de la société EYEDEA .

Il ressort de la réponse apportée par les dirigeants le 15 septembre 2011 que l'ensemble des actions de la société DAPTA détenues par la société GREEN RECOVERY II et ses dirigeants a été cédé en 2008 pour un euro aux salariés de l'entreprise et qu'il n'existe plus aucune caution ni aucun engagement de la société GREEN RECOVERY II lié à cette société.

Une demande d'expertise relative à la société DAPTA manque donc de sérieux et d'utilité et ne saurait partant être admise.

Le 15 septembre 2011, les dirigeants ont fourni des informations chiffrées sur les modalités de prise de participation dans les sociétés du groupe EYEDEA qui ne suscitent en elles-mêmes aucune interrogation persistante de la part de M. Monot dont la seule demande porte sur la constitution d'une fiducie.

Or, si les articles de presse produits par ce dernier relatent l'émoi d'un certain nombre d'acteurs du monde de la photographie par rapport au sort susceptible d'être réservé au fonds photographique d'une importance majeure qui constitue la sûreté constituée au bénéfice de la société GREEN RECOVERY II, M. Monot n'explicite pas en quoi la mise en place d'une telle garantie - à la supposer validée à l'issue des procédures en cours la concernant - pourrait être préjudiciable à la société GREEN RECOVERY II ou au groupe.

Il convient de rappeler que l'expertise prévue par l'article L 225-231 du code de commerce doit répondre à un intérêt social.

Dans ces circonstances, cette demande ne présente pas un caractère sérieux et son utilité n'est pas justifiée.

Il convient de la rejeter.

- Opération sur les comptes bancaires de la société EUROCEL

Ainsi que cela a déjà été relevé ci-dessus, une expertise se rapportant à une société contrôlée qui fait l'objet d'une liquidation judiciaire est manifestement dépourvue de toute utilité.

Il faut ajouter qu'une demande d'expertise sous le visa de l'article L 225-231 du code de commerce étayée par un simple article de presse relayant les propos imagés d'un élu local relativement à la fermeture d'une entreprise ne peut être considérée comme sérieuse.

La demande sur ce point doit être rejetée.

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Il résulte des motifs qui précèdent que les opérations déjà menées par M. Paillot, expert judiciaire dans la seule limite de la mission retenue ci-dessous doivent être déclarées opposables à M. Monot, à charge pour la société GREEN RECOVERY II de communiquer à celui-ci l'ensemble des pièces s'y rapportant déjà transmises à l'expert et à charge pour l'expert de mettre M. Monot en mesure de faire valoir ses observations sur les diligences déjà accomplies.

Il incombera à M. Monot de satisfaire aux ordonnances de consignation complémentaire susceptibles d'être prises par le magistrat chargé du contrôle de la mesure d'expertise.

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L'erreur commise par une partie dans l'étendue de ses droits ne suffit pas à caractériser une démarche malicieuse susceptible de donner lieu à des dommages-intérêts et le fait que la demande de M. Monot prospère, fusse très partiellement, conduit à débouter la société GREEN RECOVERY II de sa demande de dommages-intérêts.

En revanche, il y a lieu de relever :

- que l'action de M. Monot s'inscrit principalement dans une négociation entre professionnels particulièrement avertis en matière d'investissement capitalistique relativement aux conditions de sortie du capital de la société GREEN RECOVERY II dont tous les actionnaires ont subi des pertes importantes,

- qu'elle est motivée, pour une large part, par des considérations étrangères à l'intérêt social ainsi que cela ressort clairement d'une part, de la démarche décrite par son message électronique du 28 juin 2011 dans lequel notamment il propose à un autre actionnaire de racheter ses actions sur la base d'une évaluation proposée dans la 'fairness opinion' dont il conteste par ailleurs la pertinence, et d'autre part, de son message électronique du 6 octobre 2011 ('il est hors de question, dans le contexte d'aujourd'hui où défendre son patrimoine tient déjà du miracle, de se faire rincer de 90 % de son investissement par des gens qui bafouent leurs actionnaires comme leurs engagements').

Dans ce contexte les dépens exposés devant la cour par M. Monot et ceux exposés par la société GREEN RECOVERY II à compter du 21 novembre 2012 doivent être supportés par l'intervenant volontaire qui succombe dans la plus grande part de ses prétentions.

M. Monot doit être condamné à payer à la société GREEN RECOVERY la somme de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS ;

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Donne acte à la société GREEN RECOVERY II de son désistement d'instance et d'action à l'encontre de la société SC GIMAR 1 PRIVATE EQUITY HOLDING et à celle-ci de son acceptation du désistement ;

Constate qu'elle est dessaisi du litige opposant ces deux sociétés ;

Dit que chacune d'elle conservera la charge des dépens exposés devant le premier juge et en appel jusqu'au 21 novembre 2012 ;

Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer sur l'action de M. Monot ;

Déclare celui-ci recevable en son intervention volontaire ;

Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a désigné M. Robert Paillot en qualité d'expert mais la réforme quant à la mission confiée à l'expert et, statuant à nouveau,

Donne mission à l'expert de :

- se rendre dans les locaux de la société MALVAUX ou tout autre lieu utile à sa mission,

- recueillir toutes observations, consulter ou se faire remettre toutes pièces comptables ou autres documents relatifs à des prestations facturées à la société MALVAUX par MM. Christophe Talon, Philippe Denavit et Bernard Grouchko à la société MALVAUX entre 2006 et 2012,

- décrire de façon détaillée ces prestations dans leur nature et leur ampleur et donner tous éléments d'information sur la formalisation de contrats ou mandats s'y rapportant,

- en rechercher les montants facturés et les montants payés,

- donner un avis sur la pertinence de ces prestations au regard de la situation de l'entreprise et sur leur coût,

Exclut toute autre question de la mission de l'expert et rejette les demandes de M. Monot pour le surplus ;

Confirme l'ordonnance entreprise en ses dispositions générales relatives au déroulement de la mesure d'expertise et notamment dans la désignation du juge chargé du contrôle des opérations d'expertises du tribunal de commerce de Versailles pour suivre la mesure d'instruction ;

Déclare les opérations déjà menées par M. Paillot, expert judiciaire dans la seule limite de la mission libellée ci-dessus opposables à M. Monot, à charge pour la société GREEN RECOVERY II de communiquer à celui-ci l'ensemble des pièces s'y rapportant déjà transmises à l'expert et à charge pour l'expert de mettre M. Monot en mesure de faire valoir ses observations sur les diligences déjà accomplies ;

Dit qu'il incombera à M. Monot de satisfaire aux ordonnances de consignation complémentaire susceptibles d'être prises par le juge chargé du contrôle de la mesure d'expertise ;

Déboute les parties de toutes autres demandes ;

Condamne M. Monot aux dépens exposés par la société GREEN RECOVERY II devant la cour à compter du 21 novembre 2012 et laisse à sa charge ses propres dépens ;

Autorise l'application de l'article l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne M. Monot à payer à la société GREEN RECOVERY II la somme de 10 000 € (dix mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile.