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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. A, 10 septembre 2015, n° 13/23440

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Newtec Packaging (SAS), Patrick Chaix Management Services (Sté), Perfectis Private Equity (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roussel

Conseillers :

Mme Durand, Mme Chalbos

Avocats :

Me Rochas, Me Bouillot, Me Bidault, Me Trigalo, Me Goumard

T. com. Aix-en-Provence, du 30 sept. 201…

30 septembre 2013

Le groupe Newtec, spécialisé dans le domaine de la palettisation, étendu aux activités de manutention, stockage, tri et soufflage de bouteille, était constitué de la société Newtec International Group détenant elle-même plusieurs filiales à 100%.

Courant 2006, la société Newtec International Group a été rachetée dans le cadre d'une opération de LBO par la holding Newtec Packaging, cette acquisition étant financée par des apports en fonds propres de l'ensemble des associés à hauteur de 23,6%, par émission de bons de souscription d'actions à hauteur de 75000 €, par émissions d'obligations convertibles à hauteur de 3138060 € et par recours à un emprunt bancaire dit dette senior à hauteur de 7600000 € .

Le fonds de placement F. Perfectis II (Perfectis), est devenu l'actionnaire majoritaire de la société Newtec Packaging dont il détient 60,82% du capital.

Il a par ailleurs souscrit à l'emprunt obligataire à hauteur de 2358770 €.

Monsieur Frédéric H. et Madame Emmanuelle S. sont membres des familles fondatrices du groupe Newtec qui ont cédé les titres de Newtec International Group. Ils ont souscrit au capital de la holding d'acquisition Newtec Packaging à hauteur de 2,60% chacun et ne détiennent que des actions ordinaires. Monsieur H. a exercé les fonctions de directeur commercial au sein du groupe et l'époux d.S., celles de directeur financier jusque fin septembre 2010.

À la suite de difficultés financières, le groupe Newtec a bénéficié de la désignation d'un mandataire ad hoc le 4 novembre 2009 en la personne de Maître Michel Gillibert, suivie d'une procédure de conciliation ayant abouti à la signature d'un protocole de conciliation homologué le 12 février 2010 par le tribunal de commerce d'Aix en Provence qui prévoyait notamment un apport en compte courant des associés investisseurs, un rééchelonnement du contrat d'émission des obligations convertibles et capitalisation des intérêts dus, un rééchelonnement des échéances et un report d'exigibilité de la dette senior, la mise à disposition de financements à court terme.

Malgré les mesures entérinées au premier protocole le groupe Newtec a dû recourir à une nouvelle procédure de mandat ad hoc puis de conciliation fin 2011, donnant lieu à la signature du protocole de conciliation du 23 mars 2012, homologué par le tribunal le 3 avril 2012, prévoyant notamment un apport en compte courant des actionnaires, les modalités de remboursement de la dette senior à la suite de la cession de la filiale Newtec Case Palletizing, la mise en place d'un prêt bancaire à court terme et de nouvelles lignes de caution au profit de la filiale Newtec Bag Palletizing.

À la suite de ce protocole la société Newtec Packaging a convoqué les associés à une assemblée générale mixte en date du 15 juin 2012 avec notamment pour ordre du jour :

- la prorogation de la durée de l'emprunt obligataire émis le 7 juillet 2006 jusqu'au 31 janvier 2016,

- la modification de la clause d'amortissement obligatoire,

- la modification de la clause de conversion des obligations en actions.

Les appelants ont adressé par courrier du 13 juin 2012 une demande d'explications sur les modifications envisagées ainsi que sur les cessions en cours.

Les résolutions soumises à l'assemblée générale ont été adoptées, les appelants s'étant abstenus de voter.

Lors de cette assemblée générale, la société Patrick Chaix management services a été nommée présidente de la société Newtec Packaging en remplacement de Monsieur D. démissionnaire.

Les actionnaires ont été convoqués par LRAR du 30 novembre 2012 pour une assemblée générale d'approbation des comptes de l'exercice clos au 31 mars 2012, qui s'est tenue le 17 décembre 2012.

Entre temps, les appelants ont adressé à la société Newtec Packaging le 8 novembre 2012 une mise en demeure de convoquer l'assemblée générale et d'assurer une information préalable pleine et entière de chacun des actionnaires, et le 10 décembre 2012, une demande de renseignements et de pièces comptables.

Par courriel du 15 décembre 2012, la société Newtec Packaging s'engageait à répondre dans le délai d'un mois aux questions écrites conformément aux dispositions des articles L225-232 et R225-164 du code de commerce en précisant que certains éléments de réponse seraient apportés lors de l'assemblée du 17 décembre 2012.

La société Newtec Packaging a également adressé un courrier de réponse par LRAR du 6 mars 2013, non distribuée aux destinataires.

Par acte en date du 7 mai 2013, Monsieur H. et Madame S. ont fait assigner la SAS Newtec Packaging et la SA Perfectis Private Equity, société de gestion du FCPR Perfectis II, devant le tribunal de commerce d'Aix en Provence aux fins d'entendre :

- Condamner la société Newtec Packaging à apporter une réponse circonstanciée à la lettre du 10 décembre 2012 et à chacune des questions exposées dans la lettre du 10 décembre 2012 à savoir :

- Pourquoi les actionnaires n'ont ils pas été informés comme le prévoit l'article 3 de l'avenant de la convention de subordination, en cas de procédure collective

- Copie des actes de cession des sociétés, ou des actions relatives aux sociétés Newtec Bag et Newtec Case, et indication du motif pour lequel les actionnaires n'ont pas été informés de cette cession, ni même de la valorisation des actifs vendus,

- Indication des modalités de garanties post cession, avec précisions quant aux coûts restant à supporter dans le groupe,

- Sur le remboursement anticipé de la dette senior, il conviendra de nous préciser comment les fonds ont ils été remontés chez Newtec P. alors que les cessions ont été réalisées chez Newtec International Group, avec indication du détail de modalité de ces opérations,

- Indication du motif pour lequel les actionnaires minoritaires n'ont pas été informés d'une telle décision de cession pas plus que la valorisation de cette opération,

- Pourquoi reste t il 6,5 millions d'euros de survaleur à l'actif du bilan alors que les titres ont été dépréciés

- Condamner la société Newtec Packaging à communiquer les documents sollicités dans cette même lettre, à savoir :

- Balance générale des comptes de la société Newtec Packaging,

- Détail des litiges provisionnés pour 51000 € ,

- Détail des provisions passées pour indemnités de licenciement,

- Détail des créances clients et détail des autres créances,

- Détail des emprunts souscrits,

- Détail des autres dettes,

- Détail des rémunérations salariales versées,

- Indication du sort qui a été réservé à l'acompte Isover,

- Communication des comptes de la société Newtec International afin de comprendre comment la valeur de ses titres a t elle pu faire l'objet d'une telle dépréciation à l'actif du bilan de Newtec P. pour une valeur de 14,23 millions d'euros,

- Rapport de gestion de Newtec International Group avec rapport de son commissaire aux comptes ,

- Indication du motif pour lequel le remboursement de la dette senior ne figure pas en annexe parmi les événements postérieurs à la clôture des comptes,

- Copie de la convention passée entre la société Newtec Packaging et Chaix Management Services.

- Condamner la société Newtec Packaging à exécuter chacune de ses obligations d'informations sous astreinte de 5000 € par jour de retard à l'expiration d'un délai de 10 jours suivant la signification du jugement à intervenir,

- Prononcer et juger la nullité de l'assemblée générale du 15 juin 2012 ainsi que la nullité de l'avenant n° 2 au contrat d'émission d'obligations convertibles en date du 15 juin 2012 ainsi que tous actes en découlant,

- Prononcer et juger la nullité de l'assemblée générale du 17 décembre 2012,

- Condamner la société Newtec Packaging à payer la somme de 8500 € au profit de Monsieur H. et Madame S. sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par jugement du 30 septembre 2013, le tribunal de commerce d'Aix en Provence a :

- débouté Monsieur H. et Madame S. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- rejeté l'ensemble des autres demandes, fins et conclusions des parties,

- condamné solidairement Monsieur H. et Madame S. à payer la somme de 3000 € à la SAS Newtec Packaging et celle de 1000 € à la SA Perfectis Private Equity sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Le tribunal a considéré que l'associé majoritaire Perfectis et son représentant légal Monsieur Gabriel F. se comportaient en gérants de fait de la SAS Newtec Packaging et que l'abus de majorité de la société Perfectis était démontré, mais que les demandeurs ne rapportaient pas la preuve de fautes de gestion à l'origine du résultat déficitaire de l'entreprise.

Monsieur H. et Madame S. ont interjeté appel de cette décision le 5 décembre 2013.

Deux autres actionnaires minoritaires, Messieurs Jean Pierre M. et Jean Paul R., ont déclaré intervenir volontairement à l'instance pour s'associer aux moyens soutenus par les appelants par conclusions notifiées le 13 octobre 2014.

Par décision du 18 mars 2015 l'assemblée générale extraordinaire a prononcé la dissolution anticipée de la société Newtec Packaging et désigné la société Patrick Chaix Management Services en qualité de liquidateur amiable, cette dernière intervenant volontairement à l'instance ès qualités par conclusions notifiées le 25 mai 2015.

Par conclusions déposées et notifiées le 13 octobre 2014, Monsieur H. et Madame S. demandent à la cour, vu les statuts de la société Newtec Packaging, vu les dispositions des articles L225-232, L227-1 du code de commerce, 325, 328 et 239 du code de procédure civile, de :

- dire et juger Monsieur H. et Madame S. recevables et bien fondés en leur appel,

- dire et juger recevable et bien fondée l'intervention volontaire de Messieurs Jean Pierre M. et Jean Paul R., à l'appel interjeté par Monsieur H. et Madame S. contre les sociétés Newtec Packaging et Perfectis Private Equity,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que l'abus de majorité est manifeste et en ce qu'il a jugé que l'associé majoritaire et son représentant légal se comportent en gérant de fait de la société Newtec Packaging,

- infirmer le jugement déféré en toutes ses autres dispositions.

Ils reprennent leurs demandes dans les termes de l'assignation sauf à solliciter également la condamnation de la société Perfectis Private Equity.

Ils demandent la condamnation in solidum de la société Newtec Packaging et de la société Perfectis Private Equity à leur payer la somme de 12500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Ils soutiennent qu'ils sont confrontés aux décisions contraires à l'intérêt général de la société, dictées par le seul intérêt de l'actionnaire majoritaire Perfectis, qui se comporte comme un gérant de fait de la société Newtec Packaging et ne cherche qu'à préserver la rémunération de la dette obligataire qu'il perçoit au taux de 10% l'an, supérieur au taux du marché, outre une prime de non conversion de 623000 € perçue en 2012 en l'absence de toute stipulation contractuelle le permettant, que sont ainsi motivées par le seul intérêt de Perfectis les modifications du contrat d'émission de titres votées lors de l'assemblée générale du 15 juin 2012 concernant le report de l'échéance de l'emprunt obligataire et la suppression d'un cas de conversion des obligations convertibles.

Ils prétendent que les filiales du groupes ont été cédées à vil prix et dans des conditions opaques, dans l'unique but de rembourser de manière anticipée la dette senior pour permettre à Perfectis de préserver ses engagements obligataires, privant la société Newtec Packaging de l'ensemble de ses activités et ressources.

Ils reprochent à la société Newtec Packaging et à son dirigeant de fait de maintenir les actionnaires minoritaires à l'écart de la vie sociale, de ne pas les avoir informés sur les difficultés financières de la société, et de ne pas avoir respecté le droit d'information prévu d'une part à l'article 18.2 des statuts relatif à l'information préalable à toute consultation, et d'autre part à l'article L225-232 du code de commerce qui permet à un ou plusieurs associés représentant au moins 5% du capital de poser par écrit deux fois par exercice des questions aux dirigeants sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l'exploitation, de ne pas avoir répondu aux demandes d'explications et documents formulées le 10 décembre 2012, d'avoir communiqué pour l'assemblée générale d'approbation des comptes du 17 décembre 2012 un document comptable succinct, approximatif, ne permettant aucun contrôle et comportant des incohérences sur lesquelles ils n'ont pu obtenir aucune réponse.

Par conclusions déposées et notifiées le 25 mai 2015, la société Newtec Packaging et son liquidateur amiable demandent à la cour, vu les articles L225-232 et L227-1 du code de commerce, de :

- recevoir la société Patrick Chaix Management Services en son intervention volontaire en qualité de liquidateur amiable de la société Newtec Packaging,

- débouter Monsieur Frédéric H., Madame Emmanuelle S., Monsieur Jean Pierre M. et Monsieur Jean Paul R. de leurs demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce d'Aix en Provence du 30 septembre 2013 en ce qu'il a débouté Monsieur Frédéric H. et Madame Emmanuelle S. de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions et les a condamnés à payer à la société Newtec Packaging la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- y ajoutant, condamner solidairement Monsieur Frédéric H. et Madame Emmanuelle S. au paiement de la somme de 6000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de Maître Patrice Bidault.

Ils prétendent que le droit d'information des actionnaires, qui n'est régi, s'agissant d'une SAS, que par les seules dispositions statutaire, a bien été respecté par l'envoi, lors de la convocation aux assemblées générales des 15 juin et 17 décembre 2012, des documents énoncés à l'article 21 des statuts, 

que la direction n'a pas à justifier de ses motivations quant aux différentes stratégies et politiques adoptées,

que les documents sollicités par les appelants par courrier du 10 décembre 2012 n'entrent pas dans la cadre du droit d'information statutaire, les appelants étant titulaires d'actions O et ne disposant pas du droit d'information renforcé des titulaires d'actions P,

qu'au cours de l'assemblée générale du 17 décembre 2012 il a été remis aux actionnaires un document comptable circonstancié établi à partir des comptes sociaux certifiés par les commissaires aux comptes, contenant les réponses à leurs questions,

qu'un courrier a également été adressé aux appelants par LRAR du 6 mars 2013, dont la société ne peut être tenue pour responsable des difficultés d'acheminement liées à un changement d'adresse qu'ils ont omis de signaler,

que les appelants connaissaient la situation de la société et la stratégie financière mise en place du fait de la participation de Messieurs H. et S. à l'équipe de direction jusqu'à fin 2010,

que tous les courriers adressés par Monsieur H. et Madame S. ont fait l'objet d'une réponse.

Ils soutiennent que les demandes en nullité des assemblées générales ne reposent sur aucun texte, qu'en particulier le défaut de réponse écrite aux questions posées au visa de l'article L225-232 n'est pas sanctionné par la nullité de l'assemblée générale, et que les appelants ne démontrent pas que l'associé majoritaire a agi dans un intérêt contraire à celui de la société.

Par conclusions déposées et notifiées le 25 mai 2015, la société Perfectis Private Equity agissant au nom et pour le compte et en qualité de société de gestion du FCPR Perfectis II, demande à la cour de :

- débouter Monsieur Frédéric H., Madame Emmanuelle S., Monsieur Jean Pierre M. et Monsieur Jean Paul R. de leurs demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement rendu le 30 septembre 2013 par le tribunal de commerce d'Aix en Provence en ce qu'il a débouté Monsieur Frédéric H. et Madame Emmanuelle S. de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions,

- statuant à nouveau, dire et juger que la société Perfectis Private Equity n'a pas la qualité de dirigeant de fait de la société Newtec Packaging,

- dire et juger que l'abus de majorité n'est nullement caractérisé,

- en conséquence, infirmer le jugement déféré en ce qu'il a qualifié la société Perfectis Private Equity de dirigeant de fait de la société Newtec Packaging et jugé que l'abus de majorité était établi,

- condamner solidairement Monsieur H. et Madame S. à payer à la société Perfectis Private Equity la somme de 7000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel distraits au profit de Maître Patrice Bidault.

Elle conteste s'être comportée en dirigeant de fait de la société Newtec Packaging et prétend que les interventions citées par les appelants sont justifiées par sa qualité d'actionnaire majoritaire et par les statuts et ne constituent pas des actes de gestion de la société.

Elle conteste l'existence d'un abus de majorité et soutient :

que les appelants étaient parfaitement informés des difficultés rencontrées par le groupe du fait des mandats exercés par Messieurs H. et S. jusqu'en fin 2010, qu'ils ont signé les protocole de conciliation,

que les cession des filiales n'ont pas été décidées à l'occasion d'une assemblée générale et ne peuvent donc constituer un abus de majorité,

que ces cessions, qui ont permis d'éviter le dépôt de bilan de la société, ont été décidées sous l'égide de Maître Gillibert dans le cadre d'un protocole homologué par le tribunal de commerce,

que les comptes annuels soumis à l'approbation de l'assemblée générale du 17 décembre 2012 ont été certifiés sans réserves par les commissaires aux comptes,

que la rémunération de la dette obligataire a été adoptée le 7 juillet 2006 et le contrat d'émission de titre signé à cette date par Monsieur H. et Madame S., de sorte que la contestation de cette rémunération est prescrite.

Elle conteste avoir perçu une prime de non conversion de ses obligations convertibles d'un montant de 623000 € et affirme que la confusion provient d'une erreur matérielle contenue dans le document remis aux actionnaires lors de l'assemblée générale du 17 décembre 2012.

Elle soutient que cette prime ne figure pas dans les comptes certifiés par le commissaire aux comptes et qu'en tout état de cause, elle ne ressort pas d'une décision d'assemblée générale et ne peut donc fonder un abus de majorité.

Elle prétend que les modifications du contrat d'émission des obligations convertibles, votées en assemblée générale, ne sont pas contraires aux intérêts de la société,

que la suppression de la clause prévoyant une faculté de conversion des obligations en cas d'impossibilité pour la société de faire face aux échéances du prêt senior s'explique par le fait que cette clause devenait sans objet du fait du remboursement anticipé de ce prêt,

que le report d'échéance de l'emprunt obligataire avait pour principal objectif de préserver les intérêts de la société qui n'était pas en mesure de rembourser cette dette,

que les actionnaires minoritaires ne subissent aucun préjudice du fait de ces mesures qui évitent la liquidation judiciaire de la société et lui permettent de rester in bonis pour conduire à terme certaines opérations en cours.

La procédure a été clôturée le 10 juin 2015.

MOTIFS :

Il sera donné acte à Messieurs Jean Paul R. et Jean Pierre M., actionnaires minoritaires, de leur intervention volontaire accessoire au soutien des prétentions des appelants, et à la société Patrick Chaix Management Services de son intervention volontaire en qualité de liquidateur amiable de la société Newtec Packaging, la recevabilité de ces interventions n'étant contestée par aucune des parties.

Sur la qualité de dirigeants de fait de Perfectis et de Monsieur F. :

Le jugement déféré ne statue pas sur ce point dans son dispositif.

Il n'y a donc pas lieu à confirmer ou infirmer le jugement sur ce point qui n'est évoqué que dans les motifs du jugement, sans qu'il en soit tiré de conséquence dans le dispositif.

La cour doit cependant statuer sur cette question, en ce que les demandes tendant à la communication de réponses et de documents sont formulées par les appelants à l'encontre de Perfectis, pris en sa qualité de dirigeant de fait de la société Newtec Packaging.

La direction de fait se caractérise par l'exercice, en toute indépendance, d'une activité positive de gestion et de direction de la personne morale.

La seule qualité d'actionnaire majoritaire ne confère pas celle de dirigeant de fait.

Les appelants soutiennent que Perfectis et son dirigeant se sont régulièrement immiscés dans la gestion de la société Newtec Packaging, Monsieur F. s'étant notamment chargé de l'organisation et de la présidence de certaines assemblées générales, tenues dans les locaux de Perfectis.

La tenue des assemblées générales dans des locaux autres que le siège de la société et sous la présidence de l'associé détenant le plus grand nombre d'actions étant expressément prévue par les statuts, ces circonstances ne peuvent caractériser un acte d'immixtion dans la gestion, constitutif d'une direction de fait.

Les appelants produisent d'autre part des courriers électroniques échangés courant juin et septembre 2012 entre Frédéric H., Gabriel F. et Patrick C..

Dans ces courriers, Monsieur F., répond à des demandes d'informations qui lui sont adressées par Monsieur H., en sa qualité de président de séance concernant la tenue de l'assemblée générale, et en sa qualité d'actionnaire majoritaire et de président du comité de surveillance concernant les cessions de filiales. Ces échanges d'informations ne constituent pas un acte de gestion.

Monsieur H. et Madame S. versent également aux débats un courrier adressé par la société Perfectis le 7 octobre 2011 en réponse à un courrier adressé par leur conseil le 12 septembre 2011.

Il résulte des termes du courrier du 12 septembre 2011 que Monsieur H. et Madame S. se sont adressés à la société Perfectis en sa qualité d'actionnaire majoritaire pour formuler une offre de cession de leurs actions et bons de souscription d'actions.

La réponse négative de la société Perfectis en date du 7 octobre 2011 concerne l'exécution du pacte d'associé et non pas la gestion de la société Newtec Packaging.

La qualité de dirigeants de fait de la société Newtec Packaging n'est donc pas démontrée à l'égard de la société Perfectis et de Monsieur F., même si la qualité d'actionnaire majoritaire, de principal apporteur en compte courant et principal créancier de l'emprunt obligataire permet nécessairement à Perfectis et à son dirigeant d'avoir une influence prépondérante sur la vie sociale.

Les appelants seront en conséquence déboutés de leurs demandes dirigées contre la société Perfectis Private Equity.

Sur la demande de communication de documents :

Les appelants se fondent sur les dispositions de l'article 18-2 des statuts de la société Newtec Packaging aux termes duquel toute consultation de la collectivité des associés doit faire l objet d une information préalable comprenant l'ordre du jour, le texte des résolutions et tous documents d'information leur permettant de se prononcer en connaissance de cause sur la ou les résolutions présentées à leur approbation.

Ces dispositions sont destinées à assurer aux associés une information préalable en vue d'une assemblée générale à venir.

Elles permettent aux associés de solliciter, avant la tenue de l'assemblée générale, une injonction de faire en référé, ou encore de se prévaloir de la nullité des résolutions votées en méconnaissance de leur droit d'information préalable.

Elles ne peuvent cependant servir de fondement à une demande de communication de pièces postérieurement à l'assemblée générale.

La demande de communication de pièces formée en dehors de toute échéance consultative sera en conséquence rejetée.

Sur la demande de réponse aux questions écrites :

Les appelants se fondent sur les dispositions de l'article L225-232 du code de commerce, auxquelles renvoie l'article L227-1 pour les sociétés par actions simplifiées, qui dispose : Un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5% du capital social (...) peuvent, deux fois par exercice, poser par écrit des questions au président du conseil d'administration ou au directoire sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l'exploitation. La réponse est communiquée au commissaire au compte.

L'article R225-164 précise que la réponse doit intervenir par écrit dans le délai d'un mois.

L'article L225-231 dispose d'autre part que : Un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5% du capital social (...) peuvent, poser par écrit des questions au président du conseil d'administration ou au directoire sur une ou plusieurs opérations de gestion de la société ainsi que, le cas échéant, des sociétés qu'elle contrôle au sens de l'article L233-3 (...).

À défaut de réponse dans un délai d'un mois ou à défaut de communication d'éléments de réponse satisfaisants, ces actionnaire peuvent demander en référé la désignation d'un ou plusieurs experts sur une ou plusieurs opérations de gestion (...)'.

La société Newtec Packaging considère qu'il a été répondu aux questions posées par les appelants, par la remise d'un document comptable circonstancié commenté lors de l'assemblée générale du 17 décembre 2012 et par un courrier RAR du 6 mars 2013 qui n'a pas été distribué mais qui est versé aux débats, par lequel la société renvoie aux réponses données le 17 décembre 2012.

En l'état de la réponse formulée par le président de la société Newtec Packaging, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande des appelants tendant à la condamnation sous astreinte de la société à répondre aux questions posées dans la lettre du 10 décembre 2012.

Ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges, il appartenait aux appelants, s'ils estimaient ces réponses non satisfaisantes, de mettre en oeuvre la sanction prévue à l'article L225-231 alinéa 2 du code de commerce et demander une expertise en référé.

Sur la demande en annulation des assemblées générales :

Les appelants fondent leur demande à la fois sur le non respect des dispositions statutaires relatives à l'information préalable des associés, et sur un abus de majorité.

- Concernant l'assemblée générale du 15 juin 2012 :

Il ressort du procès verbal de délibérations versé aux débats que lors de cette assemblée ont été votées, après lecture du rapport du président, les résolutions suivantes :

- résolutions ordinaires :

- constat de la démission de Monsieur Yann D. de son mandat de président,

- nomination de la société Patrick Chaix Management Services en qualité de nouveau président,

- prise d'acte de la démission de Monsieur Patrick C. de ses fonctions de membre du comité de surveillance,

- résolutions extraordinaires :

- modifications du contrat d'émission de titres du 7 juillet 2006 : report au 31 janvier 2016 de l'échéance de l'emprunt obligataire, suppression d'un cas d'amortissement obligatoire et de deux cas de conversion de l'emprunt obligataire eu égard au remboursement anticipé du prêt senior.

Il résulte du courrier adressé aux associés le 31 mai 2012 qu'étaient joints à la convocation, outre les formulaires de vote à distance et de pouvoir :

- le projet d'avenant au contrat d'émission des obligations convertibles,

- le rapport du président,

- l'ordre du jour et le texte des résolutions.

Ces documents apportent une information suffisante au sens de l'article 18-2 des statuts, permettant aux associés de se prononcer en connaissance de cause sur les résolutions.

Par courrier du 13 juin 2012 adressé à Newtec P., Monsieur H. et Madame S. ont fait part de leurs interrogations sur les cessions d'actifs en cours, cette question ne figurant cependant pas à l'ordre du jour de l'assemblée générale, sur les motivations de l'avenant au contrat obligataire et sur la prépondérance des associés investisseurs.

Ils n'ont toutefois sollicité la communication d'aucun document complémentaire.

La demande d'annulation fondée sur le non respect du droit d'information préalable des associés sera en conséquence rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

Les appelants soutiennent d'autre part que le vote des résolutions relatives à la modification du contrat d'émission d'obligations convertibles constitue un abus de majorité.

Il leur appartient de démontrer que ce vote est contraire à l'intérêt social et dicté par le seul intérêt des associés majoritaires.

Or il résulte des termes du protocole de conciliation signé le 23 mars 2012 sous l'égide de Maître Gillibert et de la médiation nationale du crédit entre les sociétés du groupe Newtec, les actionnaires investisseurs et titulaires d'obligations convertibles, les banques, et en présence de l'ensemble des actionnaires de la société Newtec Packaging, qu'à la suite des difficultés économiques et financières rencontrées par le groupe, la société Newtec Packaging a été contrainte d'envisager le remboursement de la dette senior exigible en capital au 10 décembre 2011, en cédant à cet effet l'une de ses filiales.

Ce protocole, présenté en son article 10 comme devant mettre fin à tout état de cessation des paiements éventuel des sociétés et à assurer la pérennité de leur activité, mentionne d'ores et déjà en son article 6 le nécessaire report du terme de l'emprunt obligataire.

Il rappelle en outre le principe de subordination, en application duquel le remboursement de l'emprunt obligataire ne peut intervenir que lorsque la dette bancaire a été intégralement remboursée.

Le vote de la prorogation du terme de l'emprunt obligataire lors de l'assemblée générale du 15 juin 2012 s'inscrit donc dans l'exécution du protocole signé par toutes les parties dans l'intérêt des sociétés du groupe Newtec et homologué par le tribunal.

Il ne peut donc être considéré comme contraire aux intérêts de la société.

La société Newtec Packaging ne disposant pas des fonds lui permettant de rembourser cet emprunt obligataire, le report du terme lui permettait de rester in bonis.

L'assemblée générale n'avait par ailleurs aucune possibilité d'imposer la conversion des obligations en actions, cette décision n'appartenant qu'aux titulaires d'obligations convertibles en leur qualité de prêteur, et non en leur qualité d'actionnaire.

D'autre part, les clauses du contrat d'émission de titres dont la suppression a été votée par l'assemblée générale, qui énonçaient un cas d'amortissement obligatoire et deux cas de conversion de l'emprunt obligataire en cas d'impossibilité pour la société de faire face à la dette senior , étaient devenues sans objet du fait du remboursement de la dette senior, de sorte que la modification ainsi apportée au contrat n'a pu avoir aucune incidence préjudiciable aux intérêts de la société ou des associés minoritaires.

Les appelants ne démontrent pas que les résolutions votées lors de l'assemblée générale du 15 juin 2012 sont constitutives d'un abus de majorité. Ils seront en conséquence déboutés de leur demande d'annulation fondée sur ce motif.

- Concernant l'assemblée générale du 17 décembre 2012 :

Il résulte du procès verbal de délibérations versé aux débats que les résolutions votées lors de cette assemblée sont toutes relatives à l'approbation des comptes de l'exercice.

Il ressort du courrier adressé aux associés le 30 novembre 2012 qu'étaient joints à la convocation, outre les formulaires de vote à distance et de pouvoir :

- les comptes annuels et les comptes consolidés,

- les rapports du président,

- les rapports des commissaires aux comptes,

- l'ordre du jour et le texte des résolutions.

L'article 21 des statuts relatif à l'information des associés précise que les documents nécessaires à l'information des associés consistent en un rapport à l'assemblée de l'auteur de la convocation ainsi que le cas échéant de commissaires prévus par la loi et, à l'occasion de l'approbation des comptes, les comptes sociaux de la société.

Les documents joints à la convocation du 30 novembre 2012 constituent donc une information suffisante des associés au sens des articles 18-2 et 21 des statuts.

La demande d'annulation fondée sur le non respect du droit d'information préalable des associés sera en conséquence rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

Par ailleurs, les appelants ne démontrent pas en quoi l'approbation des comptes certifiés sans réserves par les commissaires aux comptes, serait contraire à l'intérêt social et dicté par le seul intérêt des associés majoritaires.

La demande d'annulation fondée sur un abus de majorité sera également rejetée.

Les appelants qui succombent en leurs prétentions seront condamnés aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Reçoit Messieurs Jean Pierre M. et Jean Paul R. en leur intervention volontaire,

Reçoit la société Patrick Chaix Management Services en son intervention volontaire en qualité de liquidateur amiable de la société Newtec Packaging,

Déboute Monsieur Frédéric H. et Madame Emmanuelle S. de leurs demandes formées à l'encontre de la société Perfectis Private Equity et fondées sur une prétendue direction de fait,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur H. et Madame S. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, rejeté l'ensemble des autres demandes, fins et conclusions des parties, condamné solidairement Monsieur H. et Madame S. à payer la somme de 3000 € à la SAS Newtec Packaging et celle de 1000 € à la SA Perfectis Private Equity sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur H. et Madame S. à payer la somme de 2000 € à la SAS Newtec Packaging et celles de 2000 € à la SA Perfectis Private Equity à titre d'indemnités pour frais irrépétibles d'appel,

Condamne Monsieur H. et Madame S. aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.