Cass. com., 7 février 1989, n° 87-10.957
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Baudoin
Rapporteur :
M. Hatoux
Avocat général :
M. Raynaud
Avocat :
SCP Lesourd et Baudin
Attendu, selon l'arrêt déféré (Lyon, 6 novembre 1986), que le syndicat national des fabricants raffineurs d'huiles de graissage, aux droits duquel se trouve aujourd'hui la chambre syndicale du réraffinage (la chambre syndicale), la société Bréjon, la société Brossette et la Société parisienne des lubrifiants nationaux et des entrepôts d'hydrocarbure (Sopaluna), éliminateur agréé, ont demandé que soit constatée la nullité du groupement d'intérêt économique Rhône-Alpes Huiles (le GIE), que soient ordonnées sa dissolution et sa liquidation, qu'il soit fait défense à peine d'astreintes au GIE et à la société SPUR de procéder au ramassage des huiles usagées noires, et ont réclamé des dommages-intérêts ; qu'il était allégué à l'appui de cette demande que le GIE et la société SPUR procédaient au ramassage des huiles usagées en contravention aux dispositions de la loi du 15 juillet 1975 et du décret du 21 novembre 1979, portant réglementation de la récupération des huiles usagées, pris pour l'application de la directive du Conseil des communautés européennes n° 75/439 du 16 juin 1975, et faisant obligation aux détenteurs des huiles soit de les remettre à un ramasseur agréé, soit de les transporter eux-mêmes en vue de les mettre à la disposition d'un éliminateur agréé, soit d'en assurer eux-mêmes l'élimination après avoir obtenu un agrément ; que, par un arrêt du 18 novembre 1982, la cour d'appel a renvoyé les parties à faire trancher par la juridiction administrative le problème de la légalité du décret du 21 novembre 1979, et a consulté la Cour de justice des communautés européennes, en application de l'article 177 du Traité instituant la Communauté économique européenne, sur la compatibilité de la réglementation française avec les dispositions du Traité ; que le Conseil d'Etat a déclaré le décret conforme à la loi, et que la Cour de justice a dit que les objectifs de la directive et les règles du Traité sur la libre circulation des marchandises exigent que les huiles usagées puissent être livrées à un éliminateur d'un autre Etat membre qui a obtenu dans cet Etat l'autorisation prévue par la directive, aussi bien par l'intermédiaire d'un détenteur que d'un ramasseur agréé ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir constaté la nullité du GIE et ordonné sa dissolution et sa liquidation, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel a elle-même jugé que, compte tenu de l'ensemble des décisions rendues jusqu'ici dans cette affaire, il n'est plus contesté que le GIE puisse, en tant que groupement de détenteurs, collecter les huiles usagées détenues par ses membres et les livrer à un régénérateur agréé en France ou dans tout autre Etat de la Communauté européenne ; que par suite, dès lors que l'article 1er de l'ordonnance du 23 septembre 1967 n'interdit pas à des personnes exerçant des activités différentes, mais connexes ou complémentaires, de se regrouper au sein d'un GIE, la cour d'appel ne pouvait, sans violer l'article 3 du décret du 21 novembre 1979, considérer comme illégal et comme devant par suite entraîner la nullité du groupement, le fait que certains de ses membres aient, pour le compte des détenteurs adhérents, exercé sans avoir reçu à titre personnel un agrément de ramassage, des activités matérielles de collectes et de transports des huiles usagées vendues par les détenteurs à des régénérateurs agréés d'autres pays membres de la CEE, et alors, d'autre part, qu'à supposer que la nullité du GIE puisse procéder des constatations de l'arrêt relatives aux conditions dans lesquelles était recueillie l'adhésion des détenteurs adhérents, l'illégalité des activités du groupement et de la SPUR au regard de la règlementation du ramassage des huiles usagées ne pourrait apparaître que comme la conséquence et non pas comme la cause de la nullité ; que par suite, s'agissant d'une nullité relative sanctionnant une irrégularité des adhésions des membres du groupement, la demande en nullité, en dissolution et en liquidation n'aurait pu émaner, comme la cour d'appel l'admet elle-même, que des seuls membres du groupement ayant un grief à faire valoir et non pas de tiers, de sorte que l'arrêt attaqué procède d'une violation de l'article 1165 du Code civil, d'une violation par fausse application de l'article 6 du même code et d'une violation de l'article 13 de l'ordonnance du 23 septembre 1967 ;
Mais attendu que l'arrêt relève que le GIE apparaît comme une simple façade destinée à permettre à la SPUR, qui n'avait pas été agréée selon les dispositions du décret du 21 novembre 1979, d'exercer une activité qui lui était désormais interdite ; qu'en l'état de ces constatataions, dont elle a déduit que l'objet réel du GIE était une activité illicite au regard de dispositions légales et réglementaires ayant un caractère d'ordre public, la cour d'appel a pu dire que le GIE était nul et que cette nullité pouvait être invoquée par quiconque y avait intérêt ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; Sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que, par les moyens reproduits en annexe, il est aussi fait grief à l'arrêt d'avoir fait défense au GIE et à la société SPUR de procéder à l'avenir à la collecte des huiles usagées noires, et d'avoir accordé des dommages-intérêts à la chambre syndicale ainsi que "d'avoir accueilli la demande en dommages-intérêts des sociétés de ramassage agréées et de la Sopaluna" ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions produites que le moyen invoqué par la première branche ait été présenté devant les juges du second degré ; que ce moyen, mélangé de fait et de droit, est donc nouveau ;
Mais attendu, en second lieu, que l'arrêt, dans son dispositif, n'a prononcé aucune condamnation à des dommages-intérêts au profit des sociétés de ramassage agréées et de la société Sopaluna, et que la cour d'appel n'a pas méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile en condamnant le GIE, qui survivait pour les besoins de sa liquidation après que sa dissolution ait été ordonnée, à cesser son activité pour l'avenir et à payer une somme de un franc à la chambre syndicale ;
Que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.