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Décisions

CA Lyon, 3e ch. A, 16 mars 2017, n° 16/02582

LYON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

C9 (GIE)

Défendeur :

Benoit (ès qual.), Alain Richard (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Devalette

Conseillers :

Mme Homs, M. Bardoux

Avocats :

Me Tudela, SCP Collet - de Rocquigny - Chantelot - Romenville & Associés

T. com. Toulouse, du 27 janv. 2009

27 janvier 2009

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL Alain RICHARD, qui avait pour activité la vente de fournitures et équipements destinés aux boulangers pâtissiers, a été mise en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 27 janvier 2009, maître Olivier BENOÎT étant désigné en qualité de liquidateur.

Cette société avait participé à la constitution du Groupement d'intérêt économique C9 (GIE C9) dont elle est restée membre jusqu'à son exclusion intervenue le 4 juillet 2008.

Lors des assemblées générales des 8 juillet 2005, 7 juillet 2006, 22 juin 2007 et 4 juillet 2008, les membres du GIE ont décidé d'affecter le résultat positif de l'exercice à la réserve facultative prévue par les statuts et le règlement intérieur.

Par acte du 22 avril 2010, maître BENOÎT ès qualités de liquidateur de la société Alain RICHARD, a assigné le GIE C9 devant le tribunal de commerce de Clermont Ferrand en paiement de la quote part de cette société dans les bénéfices mis en réserve avant son exclusion, soit la somme de 33.035 €.

Par jugement en date du 8 novembre 2012, le tribunal de commerce de Clermont Ferrand a :

- condamné le GIE C9 à payer à maître BENOÎT ès qualités de liquidateur de la société Alain RICHARD, la somme de 19.588,60 € outre intérêts au taux légal à compter du 22 avril 2010,

- débouté maître BENOÎT ès qualités de liquidateur de la SARL Alain RICHARD, de sa demande à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamné le GIE C9 à payer à maître BENOÎT ès qualités de liquidateur de la SARL Alain RICHARD, la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné le GIE C9 aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 26 décembre 2012, le GIE C9 a relevé appel de ce jugement.

Par arrêt du 9 avril 2014, la chambre commerciale de la cour d'appel de Riom a :

- dit que la prescription triennale de l'article 1844-14 du code civil n'est pas opposable à maître BENOÎT ès qualités,

- confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a fixé la somme à rembourser par le GIE C9 à maître BENOÎT à la somme de 19.588,60 €,

statuant de nouveau,

- fixé à la somme de 19.588,10 €, avec intérêts au taux légal à compter du 22 avril 2010, la somme à rembourser par le GIE C9 à maître BENOÎT ès qualités,

- condamné le GIE C9 à verser à maître BENOÎT ès qualités la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné le GIE C9 aux dépens d'appel,

- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires.

Le GIE C9 a formé un pourvoi en cassation.

Par arrêt du 19 janvier 2016, la Cour de cassation a cassé et annulé, sauf en ce qu'il dit que la prescription triennale de l'article 1844-14 du code civil n'est pas opposable à maître BENOÎT, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Alain RICHARD, l'arrêt rendu par la cour d'appel de Riom et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon.

Le 4 avril 2016, le GIE C9 a saisi la présente cour.

Dans ses dernières conclusions, déposées le 13 juin 2016, le GIE C9 demande à la cour de:

- dire et juger recevable et bien fondé son appel,

y faisant droit,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

statuant à nouveau,

- débouter maître BENOÎT ès qualités de liquidateur de la société Alain RICHARD de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,

en toute hypothèse,

- dire et juger mal fondé l'appel incident formé par maître BENOÎT ès qualités et débouter ce dernier de l'intégralité des demandes formées à ce titre,

- condamner maître Olivier BENOÎT ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la société Alain RICHARD, à lui payer et porter la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le même aux entiers dépens de l'instance avec droit de recouvrement direct au profit de maître Tudela.

Le GIE C9 indique, à titre préliminaire, que le montant réclamé par maître BENOÎT est erroné car, il n'a notamment pas été pris en compte une somme de 2.837,80 € payée en août 2016 et la somme de 13.375,64 € correspondant au remboursement, en juillet 2008, des sommes inscrites au compte courant.

Sur le fond, il fait valoir que l'affectation en réserve des bénéfices est conforme aux dispositions de l'article L. 251-1 du code de commerce tel qu'interprété par une doctrine constante et par la Cour de cassation dans son arrêt du 6 mai 2014 mais également conformément aux statuts qui ont, de façon parfaitement régulière, consacré ce système dans le cadre d'une modification statutaire.

Il souligne que tout comme l'assemblée générale extraordinaire du 2 juillet 2004, ayant modifié le règlement intérieur d'origine, les délibérations autorisant l'affectation du bénéfice ont été adoptées à l'unanimité, ce qui signifie qu'elles ont reçu le parfait agrément des représentants de la société Alain RICHARD.

Il soutient que si une affectation en réserve du bénéfice est décidée, la partie portée en réserve reste la propriété du GIE et ne devient pas celle des membres, sauf décision d'assemblée générale décidant de la distribution des réserves. Or, en l'espèce, aucune assemblée générale ordinaire validant le principe d'un remboursement de la quote part des membres du GIE affectée en réserve n'a eu lieu.

Maître BENOÎT ès qualités de liquidateur de la société Alain RICHARD n'a pas constitué avocat.

La déclaration de saisine et les conclusions du GIE C9 lui ont été signifiées par acte du 23 juin 2016 remis à personne habilitée.

En application des articles 632 et 634 du code de procédure civile, maître BENOÎT ès qualités de liquidateur de la société Alain RICHARD, qui ne comparaît pas devant la cour de renvoi, est réputé s'en tenir aux moyens et prétentions qu'il avait soumis à la cour d'appel de Riom.

Devant cette cour, il avait sollicité la confirmation du jugement querellé en ce qu'il a confirmé le principe du droit au remboursement des dividendes acquis à un membre du groupement et qu'il soit fait droit à son appel incident tendant à la condamnation du GIE C9 à lui payer:

- la somme principale de 32.435 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- la somme de 5.000 € de dommages intérêts pour résistance abusive,

et que soient réservés ses droits à liquider ses droits à dividendes sur les exercices 2008 à 2013 dès que le GIE C9 aura produit les comptes sociaux s'y rapportant.

Il faisait notamment valoir que :

- le GIE C9 ne peut s'approprier les résultats positifs de l'exercice, qui ne lui profitent pas, sans les restituer à ses membres soit au terme de l'exercice, soit au retrait d'un membre et ce, selon les dispositions d'ordre public de l'article L. 251-1 alinéa 2 du code de commerce,

- la notion de réserve pour un GIE est purement comptable et les développements du GIE C9 sur la transparence fiscale sont hors débat,

- en se retirant en 2008, la société Alain RICHARD avait droit à appréhender la totalité des bénéfices constitués pour son compte par le GIE C9 ; le groupement ne dispose pas de capitaux propres et ses membres incluent chaque année dans leurs revenus les profits qui leur reviennent,

- le moyen de prescription tirée de l'article 1844-14 du code civil est voué à l'échec dès lors qu'il n'a jamais sollicité la nullité d'une délibération d'assemblée générale et qu'en tout état de cause ces délibérations sont inopposables puisqu'elles sont contraires aux dispositions d'ordre public de l'article L. 251-1 du code de commerce,

- le GIE C9 ne peut opposer la compensation avec une somme de 13.375,664 € restituée à la société Alain RICHARD au titre de son compte courant d'associé créditeur et celle ci a droit à la restitution des droits à bénéfices acquis sut la totalité de l'année 2008 et sur les années 2009 à 2013.

Pour plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour renvoie, en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées par les parties et ci dessus visées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 septembre 2016.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour de cassation n'ayant pas cassé l'arrêt de la cour d'appel de Riom en ce qu'il a dit que la prescription triennale de l'article 1844-14 du code civil, n'est pas opposable à maître BENOÎT ès qualités de liquidateur de la société Alain RICHARD, cette cour n'est pas saisie de ce moyen qui n'est d'ailleurs pas invoqué par le GIE C9.

Aux termes de l'article L. 251-1 du code de commerce :

'Deux ou plusieurs personnes physiques ou morales peuvent constituer entre elles un groupement d'intérêt économique pour une durée déterminée.

Le but du groupement est de faciliter ou de développer l'activité économique de ses membres, d'améliorer ou d'accroître les résultats de cette activité. Il n'est pas de réaliser des bénéfices pour lui même.

Son activité doit se rattacher à l'activité économique de ses membres et ne peut avoir qu'un caractère auxiliaire par rapport à celle ci'.

Selon l'article 18 des statuts du GIE C9 - 'Appropriation des résultats' :

'Le Groupement d'Intérêt Economique ne donnant pas lieu, par lui même, à la réalisation et au partage de bénéfices, les résultats positifs ou négatifs de l'exercice s'il en existe, deviennent la propriété ou la charge de chaque membre du Groupement dès qu'ils sont constatés, dans les proportions fixées par le règlement intérieur.

Toutefois, l'assemblée générale ordinaire peut soit décider le virement de tout ou partie du bénéfice à un poste de réserves facultatives, soit que chaque membre reversera dans la caisse du Groupement, en compte courant non productif d'intérêts, une somme proportionnelle à celle qui lui revient en vertu de l'alinéa qui précède.'

L'article 5 du règlement intérieur du GIE C9 prévoit :

'Les résultats positifs ou négatifs dégagés par le groupement au titre de chaque exercice social, son répartis entre les membres à proportion du volume des achats réalisés auprès des fournisseurs référencés par le GIE.

Toutefois, les résultas positifs pourront, sur décision de l'assemblée générale ordinaire, âtre versés en tout ou partie à un poste de réserves facultatives.'

Il résulte des dispositions de l'article L. 251- 1 du code de commerce que le but d'un GIE n'est pas de réaliser des bénéfices pour lui même mais cette règle ne fait pas obstacle à ce qu'une partie des résultats provenant de ses activités soit mise en réserve dans les comptes du groupement pour les besoins de la réalisation de son objet légal.

Le GIE étant une personne morale, les bénéfices qu'il réalise figurent dans son patrimoine et donc, contrairement à ce que soutient maître BENOÎT ès qualités de liquidateur de la société Alain RICHARD, ils lui appartiennent. Dès lors, ils ne peuvent passer du patrimoine du GIE au patrimoine de ses membres que par l'effet d'une décision sociale conforme aux statuts et au règlement intérieur.

Il s'ensuit d'une part, que l'assemblée générale d'un GIE peut décider que la totalité ou une partie du résultat d'un exercice sera affectée à la constitution d'une réserve facultative et d'autre part, que dans ce cas, la partie portée en réserve reste la propriété du GIE et ne devient pas celle des ses membres.

En l'espèce, les sommes dont maître BENOÎT ès qualités de liquidateur de la SARL Alain RICHARD sollicite le remboursement ont été affectées à la réserve facultative du groupement par décisions successives de l'assemblée générale comme le permettaient les statuts et le règlement intérieur.

En conséquence, maître BENOÎT ès qualités de liquidateur de la société Alain RICHARD n'est pas fondé en sa demande principale et par voie de conséquence en sa demande subséquente de dommages intérêts. Il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris.

En application de l'article 639 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond, y compris sur ceux afférents à la décision cassée.

Conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, maître BENOÎT ès qualités de liquidateur de la société Alain RICHARD, partie perdante doit supporter les dépens exposés devant le tribunal de commerce, devant la cour d'appel de Riom et devant la présente cour de renvoi.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la partie condamnée aux dépens est également condamnée à payer à l'autre partie une somme au titre des frais non compris dans les dépens et qu'il convient de fixer en l'espèce, à 5.000 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Déboute maître BENOÎT ès qualités de liquidateur de la SARL Alain RICHARD de ses prétentions,

Condamne maître BENOÎT ès qualités de liquidateur de la SARL Alain RICHARD au paiement d'une indemnité de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne maître BENOÎT ès qualités de liquidateur de la SARL Alain RICHARD aux dépens exposés en première instance et devant les cours d'appel de Riom et de Lyon, avec faculté, pour les dépens d'appel, de les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.