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Décisions

CA Riom, ch. com., 9 avril 2014, n° 12/02965

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

C9 (GIE)

Défendeur :

Benoit (ès qual.), Alain Richard (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Andreux

Conseillers :

Mme Javion, Mme Millerand

Avocats :

Me Brodiez, Me Lacquit, Me Benoit-Palaysi, Me Trouche

T. com. Toulouse, du 27 janv. 2009

27 janvier 2009

FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES :

La Sarl Alain Richard, qui avait pour activité la vente de fournitures et équipements destinés aux boulangers pâtissiers, a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 27/01/09, Maître BENOIT étant désigné en qualité de liquidateur ;

Cette société avait participé à la création du GIE C9 le 11/05/01, et en restée membre jusqu'à son exclusion le 4/07/08 ;

Maître BENOIT a entendu réclamer au GIE C9 la part de bénéfices revenant à la Sarl Alain Richard avant cette date ;

Par jugement du 8/11/12, le tribunal de commerce de Clermont Ferrand a fait droit à cette demande en condamnant le GIE C9 à payer la somme de 19 588,60 € outre intérêts au taux légal à compter du 2/04/10, et une indemnité de procédure, rejetant la demande de dommages intérêts pour résistance abusive ;

Par déclaration reçue le 26/12/12, le GIE C9 a interjeté appel ;

Par conclusions transmises le 26/07/13, le GIE C9 poursuit l'infirmation du jugement et le déboutement de Maître BENOIT ;

Il précise que les parties, eu égard à l'exécution provisoire assortissant le jugement, se sont entendues sur un séquestre conventionnel du montant des condamnations ;

S'agissant des sommes réclamées par Maître BENOIT, le GIE C9 fait observer qu'elles étaient erronées dans leur quantum ; il fallait tenir compte d'une somme de 2 837,80 € payée en août 2006 ; des sommes remboursées en juillet 2008 inscrites aux comptes courants de certains associés, arrêtées au 31/12/03 ; à ce titre il a fait parvenir à la Sarl Alain Richard la somme de 13 375,64 € ;

Le tribunal a d'ailleurs tenu compte de ces versements ;

Mais surtout les demandes de Maître BENOIT sont mal fondées ;

Si le but d'un G. I.E n'est pas de réaliser des bénéfices, il peut néanmoins le faire et les affecter en réserve ; ce qui lui permet de s'autofinancer ;

L'article 18 des statuts rappelle le principe de l'article L 251-1 du code de commerce selon lequel les résultats positifs ou négatifs de l'exercice deviennent la propriété ou la charge de chaque membre du groupement ;

Le règlement intérieur conformément à l'article 15 des statuts a été modifié par une assemblée générale extraordinaire du 2/07/04 prévoyant à l'unanimité que les résultats positifs pourraient, sur décision de l'assemblée générale ordinaire, être virés en tout ou partie à un poste de réserves facultatives ;

Ce qui a été le cas de l'assemblée générale ordinaire du 8/07/05, de celle du 7/07/06, de celle du 22/06/07, et de celle du 4/07/08 ; et ce toujours à l'unanimité, et donc avec l'agrément des représentants de la Sarl Alain Richard ;

Et si l'article 8 alinéa 5 des statuts permet au membre qui se retire de revendiquer sa quote part du résultat de l'exercice, encore faut il qu'en amont une assemblée générale ait expressément opté pour la distribution des réserves, ce qui n'a jamais été le cas ;

Il faut aussi souligner que la Sarl Alain Richard a laissé prescrire les éventuelles actions en nullité contre les décisions d'affectation aux réserves des assemblées générales ;

Et il ne faut pas confondre l'appréhension juridique du bénéfice qui suppose une décision de distribution des membres, et son appréhension fiscale qui, compte tenu de la transparence fiscale du G. I.E s'opère de façon automatique ; c'est-à- dire que les membres d'un groupement non passible de l'impôt sur les sociétés sont réputés avoir acquis, dès la clôture de l'exercice, la part des bénéfices sociaux à laquelle ils ont droit, alors même que les bénéfices n'ont pas été distribués; et sont donc imposés sur cette part, même s'ils n'ont pas disposé des bénéfices ;

En tout état de cause, la prescription triennale de l'article 1844-14 du code civil peut être opposée à Maître BENOIT qui ne peut plus contester la faculté pour les membres du groupement d'affecter en assemblée générale une partie des résultats en réserve, l'action se prescrivant à l'expiration d'un délai de 3 ans à compter du jour où la nullité est encourue, l'article L 251-5 alinéa 3 du code de commerce renvoyant expressément à l'article 1844-14 du code civil ;

La référence par Maître BENOIT à l'article L 251-5 alinéa 2 du code de commerce, selon lequel l'action en nullité est éteinte lorsque la cause a cessé d'exister le jour où le tribunal statue sur le fond en 1ère instance, est inopérante car elle n'élude en aucun cas la règle de droit commun ;

Et si les réserves sont effectivement être distribuées aux associés conformément aux dispositions de l'article L 232-11 du code de commerce, ce n'est qu'à condition qu'une assemblée générale en ait décidé ;

Enfin, le GIE C9 sollicite une indemnité de procédure de 4 500 € ;

Selon conclusions transmises le 27/05/13, Maître BENOIT ès qualités soutient la confirmation du jugement querellé en ce qu'il a confirmé le principe du droit au remboursement de dividendes acquis à un membre du groupement ; il sollicite qu'il soit fait droit à son appel incident tendant à la condamnation du GIE C9 à lui payer :

- la somme principale de 32 435 € ;

- outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

- la somme de 5 000 € de dommages intérêts pour résistance abusive ;

- une indemnité de procédure de 5 000 € ;

et que soient réservés ses droits à liquider ses droits à dividendes sur les exercices 2008 à 2013 dès que le GIE C9 aura produit les comptes sociaux s'y rapportant ;

Il fait valoir que le GIE C9 ne peut s'approprier les résultats positifs de l'exercice sans les restituer à ses membres soit au terme de l'exercice, soit au retrait d'un membre ; et ce selon dispositions d'ordre public de l'article L 251-1 alinéa 2 du code de commerce ;

Les droits ainsi acquis au profit de la Sarl Alain Richard s'élèvent pour les années 2001 à 2007 à 33 435 €, et du 1/01 au 4/07/08 (date du retrait) à 2 366,54 €, soit au total 35 801,54 € dont il faut retrancher la part de bénéfices versée en 2005 (2 837,80 €) soit à la somme de 32 963,74 € ;

A aucun moment, le groupement ne peut s'approprier de façon définitive des revenus ou ressources qui ne lui profitent pas ;

La notion de réserve pour un G. I.E est purement comptable, et les développements sur la transparence fiscale du GIE C9 sont hors débats ;

En se retirant en 2008, la Sarl Alain Richard avait droit à appréhender la totalité des bénéfices constitués pour son compte par le GIE C9 ; le groupement ne dispose d'aucun capitaux propres ; aussi les membres du groupement incluent chaque année dans leur revenu les profits qui leur reviennent ;

Quant à la prescription au visa de l'article 1844-14 du code civil, ce moyen est voué à l'échec dès lors que la nullité d'une délibération d'assemblée générale n'a jamais été sollicitée par Maître BENOIT ; et en tout état de cause les délibérations sont inopposables puisque contraires aux dispositions d'ordre public de l'article L 251-1 du code de commerce et que les délibérations étant fondées sur une cause illicite, la prescription est centenaire ;

Enfin, le GIE C9 ne peut opposer en compensation la somme de 13 375,64 € restituée à la Sarl Alain Richard au titre du compte courant d'associé créditeur dans ses livres ;

Et Maître BENOIT rappelle le droit de la Sarl Alain Richard à restitution des droits aux bénéfices acquis sur la totalité de l'année 2008 et sur les années 2009 à 2013 ;

La procédure a été clôturée par ordonnance du 9/01/14.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la prescription opposable à l'action du liquidateur de la Sarl Alain Richard :

Attendu que l'article 1844-14 du code civil enferme les actions en nullité de délibérations postérieures à la constitution d'une société dans un délai de 3 ans à compter du jour où la nullité est encourue, en fait du jour de la délibération ;

Que ces dispositions sont applicables au fonctionnement d'un GIE. en application des dispositions de l'article L 251-5 du code de commerce ;

Mais qu'il est constant que Maître BENOIT ès qualités ne poursuit pas la nullité des résolutions des assemblées générales ordinaires du GIE C9 ayant entre le 8/07/05 et le 4/07/08 décidé, après modification de l'article 18 des statuts et de l'article 5 du règlement intérieur par l'assemblée générale extraordinaire du 2/07/04, l'affectation du bénéfice net comptable de l'exercice à la réserve facultative ;

Que la prescription ne saurait lui être opposée ;

Sur le droit au remboursement d'un membre du GIE. à sa part dans les résultats positifs :

Attendu que ce droit est reconnu par l'article 8 des statuts (pièce 5 du GIE) à un membre qui se retire ;

Que la Sarl Alain Richard ne s'est pas retirée du GIE C9, mais en a été exclue par le vote de la résolution n° 5 de l'assemblée générale extraordinaire du 4/07/08 (pièce 12 du GIE) ;

Que pour autant, aucune disposition statutaire ne prive le membre objet d'une exclusion de son droit à sa part dans les résultats positifs ;

Que l'absence de différence de traitement entre un membre qui se retire et un membre exclu est corroborée par un raisonnement a contrario à partir de la mention figurant sur le document par lequel la Sarl Alain Richard (cf pièce 55 de Maître BENOIT) accepte le blocage de son compte courant durant 3 ans à compter du 25/02/05, énonçant comme suit précision faite que le retrait ou l'exclusion de la société ... n entraînera pas le remboursement des sommes ainsi bloquées avant l'expiration de la date sus indiquée' ;

Que par ailleurs le fait que les résolutions des assemblées générales ordinaires des 8/07/05, 7/07/06, 22/06/07 et 4/07/08 (pièces 9 à 12 du GIE) relatives à l'affectation du bénéfice de l'exercice à la réserve facultative aient été votées à l'unanimité, et donc avec un vote positif de la Sarl Alain Richard, ne lui est pas opposable dès lors qu'elle n'est plus membre du GIE ;

Que par contre la corrélation consacrée par l'article 18 des statuts entre l'appropriation des résultats positifs de l'exercice et la qualité de membre du GIE C9, implique que suite à la perte de cette qualité un membre n'ait plus droit à une part des ces résultats ;

Qu'il en résulte que le liquidateur de la Sarl Alain Richard est fondé à revendiquer, comme l'a constaté le premier juge, la part de la société dans les bénéfices affectés à la réserve facultative jusqu'au 4/07/08, date de son exclusion, mais non au delà ;

Sur la somme à rembourser au titre de la part de la Sarl Alain Richard dans les bénéfices réalisés par le GIE C9 :

Attendu que Maître BENOIT revendique (page 6 de ses écritures) au titre des exercices 2001 à 2007 une somme de 33 435 € , à laquelle il conviendrait d'ajouter la part pour la période du 1/01 au 4/07/08 (date du retrait) soit 2 366,54 € , et de retrancher la part de bénéfice versée en 2005 soit 2 837,80 € , soit une somme de 32 963,74 € ;

Qu'il y a lieu de retrancher encore de cette somme celle remboursée le 24/07/08 (cf pièce 19 de Maître BENOIT) figurant au compte courant de la Sarl Alain Richard, soit 13 375,64 € ;

Qu'en effet ce solde créditeur incluait nécessairement la part de bénéfice revenant à la Sarl en qualité de membre du GIE. C9 pour les exercices antérieurs au 2/07/04, date à laquelle l'assemblée générale extraordinaire a accordé à l'assemblée générale ordinaire la faculté de décider l'affectation du bénéfice à la réserve facultative, alors qu'avant cette date l'assemblée générale ordinaire ne pouvait, selon l'article 18 des statuts, décider que du reversement dans la caisse du groupement, en compte courant non productif d'intérêts (cf pièce 36 de Maître BENOIT) ;

Que la somme revenant au titre du remboursement de la part de la Sarl Alain Richard dans les bénéfices s'élève à (32 963,74 - 13 375,64 =) 19 588,10 € , avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation devant le tribunal de commerce de Clermont Ferrand soit le 22/04/10 ;

Sur les autres demandes :

Attendu que le premier juge a à juste titre constaté que Maître BENOIT ès qualités ne justifiait pas de l'existence d'un préjudice différent de celui dû au retard dans le remboursement de la part de bénéfice de la Sarl Alain Richard ;

Qu'il y a lieu de condamner le GIE. C9 à régler à Maître BENOIT une indemnité de procédure de 1 500 € ;

Qu'enfin le GIE. C9 aura à supporter les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et après en avoir délibéré ;

Dit que la prescription triennale de l'article 1844-14 du code civil n'est pas opposable à Maître BENOIT ès qualités ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a fixé la somme à rembourser par le GIE. C9 à Maître BENOIT ès qualités à la somme de 19 588,60 € ;

Statuant à nouveau ;

Fixe à la somme de 19 588,10 €, avec intérêts au taux légal à compter du 22 avril 2010, la somme à rembourser par le GIE. C9 à Maître BENOIT ès qualités ;

Condamne le GIE. C9 à verser à Maître BENOIT ès qualités la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne le GIE. C9 aux dépens d'appel, et accorde à Maître LACQUIT, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires.