CA Paris, 16e ch. A, 5 mars 2003, n° 2001/004491
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Immobilière Dassault (SA)
Défendeur :
Gerc (GIE)
Les faits et la procédure peuvent être résumés ainsi qu'il suit :
Suivant acte sous seing privé en date à PARIS du 17 décembre 1982, la SCI PIERRE CROISSANCE aux droits de laquelle se trouvent la société FIMD puis la société IMMOBILIERE DASSAULT SA, a donné à bail commercial à Monsieur NAUDY Jacques et au GIE GERC, pour y exercer l'activité d'expertise et de révision comptable, des locaux à usage de bureaux commerciaux sis à PARIS 17, <adresse> et ce, pour 9 années à compter du 15 septembre 1982 pour se terminer le 15 septembre 1991.
Concomitamment, la société propriétaire consentait à Monsieur NAUDY un bail à usage d'habitation et professionnel qui portait sur un appartement mitoyen qu'elle avait réuni avec celui faisant l'objet d'un bail commercial.
Suivant avenant en date du 6 septembre 1994, ledit bail commercial a été renouvelé pour 9 années à compter du 1er janvier 1993, date à compter de laquelle le prix du loyer principal a été porté à la somme annuelle de 240.000 frs.
Par acte du 29 juillet 1997, le GIE GERC et Madame NAUDY venant aux droits de Monsieur NAUDY, décédé, ont donné congé des lieux loués pour le 31 janvier 1998 et ce conformément aux dispositions des articles 5 du décret du 30 septembre 1953 et 57 A alinéa 4 de la loi du 23 décembre 1986.
La société FIMD a contesté la validité de ce congé, estimant que celui-ci ne pouvait être valablement donné que pour le 31 décembre 1998, date d'expiration de la seconde période triennale.
La société bailleresse a assigné le GIE GERC et Madame NAUDY devant le Tribunal de Grande Instance de PARIS aux fins de voir dire et juger que le congé notifié le 29 juillet 1997 ne pouvait être valablement donné que pour le 31 décembre 1998 et en conséquence, de voir condamner les concluants à lui payer la somme de 269.466,36 frs représentant les loyers, charges et taxes pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1998.
C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement déféré.
La société IMMOBILIERE DASSAULT SA, appelante, demande à la Cour de :
- recevoir l'appel de la société IMMOBILIERE DASSAULT venant aux droits de la société GROUPE INDUSTRIEL MARCEL DASSAULT venant elle-même aux droits de la société FINANCIERE ET IMMOBILIERE MARCEL DASSAULT et le déclarer bien fondé ;
- réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par la 18ème Chambre du Tribunal de Grande Instance de PARIS le 24 octobre 2000 et ce faisant :
Vu l'article 1134 du Code Civil,
Vu le décret du 30 septembre 1953 et la loi du 12 mai 1965,
Vu le bail du 17 décembre 1982 et son avenant du 6 septembre 1994,
Vu le congé donné le 27 juillet 1997,
- dire et juger que le bail en date du 17 décembre 1982 est soumis aux dispositions relatives aux baux commerciaux et que l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 est inapplicable en l'espèce ;
- dire et juger que le congé ne pouvait être valablement donné que pour le 31 décembre 1998 ;
- condamner de ce fait Madame NAUDY et le GIE GERC solidairement à payer à la société IMMOBILIERE DASSAULT SA la somme de 41.079,88 euros représentant les loyers, charges et taxes impayés pour la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 1998, ladite somme portant intérêts à compter du 17 mai 1999, date de l'assignation introductive d'instance ;
- ordonner la capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an, conformément à l'article 1154 du Code Civil ;
- condamner le GIE GERC à payer à la société IMMOBILIERE DASSAULT la somme de 2.290 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens au profit de Maître PAMART, avoué, conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Par arrêt du 5 juin 2002, la Cour a ordonné la réouverture des débats aux fins de voir les parties conclure sur le point de savoir si le GIE GERC pouvait revendiquer le bénéfice de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986.
Le GIE GERC et Mme NAUDY, intimés, prient la Cour de :
Vu les articles 1134 du Code Civil, L 145-9 du Nouveau Code de Commerce et 57 A de la loi du 23 décembre 1986,
- dire et juger que le congé notifié le 29 juillet 1997 par Madame NAUDY et le GIE GERC a été valablement donné pour le 31 janvier 1998,
- dire et juger la société IMMOBILIERE DASSAULT SA mal fondée en son appel ;
En conséquence,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 octobre 2000 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS,
- débouter l'appelante de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- donner acte au GIE GERC et à Madame NAUDY de ce qu'ils se sont acquittés de la somme de 22.567 frs au titre des loyers et charges dus pour le mois de janvier 1998,
- condamner la société IMMOBILIERE DASSAULT SA à payer à Madame NAUDY et au GIE GERC la somme de 20.000 frs en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- condamner la société IMMOBILIERE DASSAULT SA en tous les dépens qui pourront être recouvrés directement par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Ceci étant exposé, la Cour
Considérant que les parties s'accordent pour reconnaître que le bail en cause renouvelé le 6 septembre 1994 à effet du 1er janvier 1993 est soumis volontairement au statut des baux commerciaux ;
Considérant que la société IMMOBILIERE DASSAULT soutient que le GIE GERC ne peut se substituer aux membres qui le composent dans l'exercice de leur profession réglementée, en l'espèce d'expertise comptable, de sorte que ce groupement ne peut qu'être un groupement de simples moyens, de sorte qu'il ne peut prétendre au bénéfice de l'article 57 A la loi du 23 décembre 1986 qui suppose pour son application l'exercice d'une activité professionnelle ;
Mais considérant que ci l'activité d'un G.I.E ne peut avoir qu'un caractère auxiliaire par rapport à l'activité économique de ses membres, selon l'article L 251-1 du Code de Commerce, son objet ne saurait être étranger à ladite activité même si, comme c'est le cas en l'espèce, le but du groupement était de faciliter l'activité de ses membres ; que le GIE GERC participe donc de la nature de l'activité professionnelle des experts comptables qui le constituent ; que partant, ce G.I.E, en tant que tel, remplit les conditions pour prétendre au bénéfice de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 ;
Considérant, ceci étant posé, que le GIE GERC a manifesté sans équivoque sa volonté de renoncer en toute connaissance de cause au bénéfice des dispositions dudit article 57 A puisqu'il a conclu un bail renouvelé le 6 septembre 1994 alors qu'à cette date, il est réputé connaître l'existence de ce texte ; que ne pouvant cumuler le statut des baux commerciaux et celui né de l'article 57 A précité, le GIE GERC, en accord avec la société bailleresse, a choisi à la date du renouvellement du bail de conserver le bénéfice du statut des baux commerciaux et ce, en connaissance de cause ; qu'il convient en effet d'observer que la bailleresse était tenue en 1994 de renouveler le bail soit application des dispositions du statut des baux commerciaux sous le régime duquel les parties s'étaient volontairement soumises, par conclusion d'un nouveau bail aux mêmes clauses et conditions que le bail renouvelé, soit par conclusion d'un bail régi par l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986, mais en ce cas, avec perte pour le locataire du statut des baux commerciaux ; à la condition pour le locataire de revendiquer le bénéfice de ce texte, ce qui n'a pas été le cas ;
Considérant que le jugement déféré sera infirmé puisque le congé ne pouvait valablement être délivré par la société locataire que pour le 31 décembre 1998 ;
Qu'en conséquence, Madame NAUDY et la société GIE GERC seront solidairement condamnées à payer à la société IMMOBILIERE DASSAULT SA la somme de 41.079,88 euros en deniers ou quittances, représentant les loyers, charges et taxes impayés pour la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 1998, avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 1999, date d'assignation, et ce avec anatocisme au 6 février 2002, date de la demande, et à chaque date anniversaire de celle-ci ;
Considérant qu'il ne paraît pas inéquitable de laisser la société IMMOBILIERE DASSAULT SA supporter la charge de ses frais irrépétibles de procédure ;
Considérant que Madame NAUDY et le GIE GERC, qui succombent, ne sauraient se voir allouer une indemnité sur ce même fondement ;
Par ces motifs
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
Condamne Madame Jeanne NAUDY et le GIE GERC à verser à la société IMMOBILIERE DASSAULT SA la somme de 41.079,88 euros représentant les loyers, charges et taxes impayés pour la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 1998, et ce, en deniers ou quittances, avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 1999,
Dit que les intérêts échus depuis plus d'un an au 6 février 1992 et à chaque anniversaire de cette date produiront eux-mêmes des intérêts,
Y ajoutant :
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne Madame Jeanne NAUDY et le GIE GERC aux dépens de première instance et d'appel ; autorise Maître Rémi PAMART, avoué, à les recouvrer conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.