Cass. 2e civ., 5 octobre 2017, n° 12-29.572
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X..., militaire de carrière, a souscrit auprès de la société AGPM vie (l'assureur) un contrat garantissant notamment le risque invalidité totale et définitive (ITD) par maladie ou accident ; qu'ayant été victime le 25 novembre 1996 d'un accident de la circulation, il a sollicité en mars 2000 la mise en oeuvre de cette garantie qui lui a été refusée par l'assureur dont les experts avaient estimé qu'il n'était pas en état d'invalidité totale et définitive ; qu'il a été reconnu le 10 juillet 2003 par la Commission technique d'orientation et de reclassement professionnel (la Cotorep) inapte au travail à compter du mois de décembre 2002 et en état "d'invalidité définitive hors guerre" par un arrêté du 15 décembre 2003 du ministre de la défense ; qu'il a reçu son bulletin de pension le 6 mars 2004 ; qu'un juge des référés ayant rejeté le 26 mars 2006 sa demande de désignation d'un expert médical, il a assigné le 20 mars 2007 devant le juge du fond l'assureur qui lui a opposé la prescription de son action en application de l'article L. 114-1 du code des assurances ; qu'un jugement du 27 mars 2008, confirmé par un arrêt du 25 juin 2009, a rejeté cette fin de non-recevoir et a désigné un expert ; que ce dernier ayant déposé son rapport le 5 novembre 2009, M. X... a demandé la condamnation de l'assureur à lui verser une indemnité en exécution de la garantie ITD ; que l'assureur lui a à nouveau opposé la prescription de son action ; que cette fin de non-recevoir a été accueillie par un arrêt du 2 novembre 2012 ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de M. X..., dirigé contre l'arrêt du 2 novembre 2012 :
Vu les articles 1351, devenu 1355, du code civil, 480 et 481 du code de procédure civile ;
Attendu que le jugement qui statue dans son dispositif sur une fin de non-recevoir a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ; que dès son prononcé, il dessaisit le juge de la contestation qu'il tranche ;
Attendu que, pour accueillir la fin de non-recevoir tirée de la prescription, l'arrêt retient que le jugement du 27 mars 2008 et l'arrêt du 25 juin 2009 ont seulement rejeté la fin de non-recevoir présentée par l'assureur et ordonné une expertise sans statuer sur le fond et que ces deux décisions n'ayant pas l'autorité de la chose jugée, l'assureur est recevable à soulever à nouveau la prescription de l'action ;
Qu'en statuant ainsi, alors que son premier arrêt confirmatif du 25 juin 2009 avait, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la question de la prescription et que, dessaisie de la contestation tranchée par sa décision antérieure, elle ne pouvait statuer à nouveau sur la même fin de non-recevoir, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le pourvoi incident de l'assureur, dirigé contre l'arrêt du 25 juin 2009 :
Vu l'article L. 114-1, alinéa 2, 2°, du code des assurances ;
Attendu que toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance ; que, toutefois, ce délai ne court, en cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque là ; qu'en matière d'assurance contre les risques corporels, le sinistre, au sens du texte précité, réside dans la survenance de l'état d'invalidité de l'assuré et est constitué au jour de la consolidation de cet état ;
Attendu que, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale de l'article L. 114-1 du code des assurances, l'arrêt retient que l'état de santé de M. X..., qui produit de nombreux certificats médicaux datés de mars 2007 et de 2008 mentionnant l'aggravation de cet état, n'est pas consolidé ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que M. X... avait été reconnu inapte au travail par la Cotorep le 10 juillet 2003 puis en état d'invalidité définitive par un arrêté ministériel du 15 décembre 2003, et avait reçu le 6 mars 2004 son bulletin de pension, ce dont il résultait nécessairement qu'il avait eu connaissance de son invalidité à cette époque, de sorte que son action introduite le 20 mars 2007 était prescrite, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'en application de l'article 627 du code de procédure civile, la Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus les 25 juin 2009 et 2 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare irrecevable, comme prescrite en application de l'article L. 114-1 du code des assurances, l'action de M. X... ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Dit que les dépens afférents aux instances devant les juges du fond seront supportés par M. X... ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées tant devant les juges du fond que devant la Cour de cassation ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille dix-sept.