Cass. com., 27 novembre 2012, n° 11-19.466
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Avocats :
SCP Defrenois et Levis, SCP Tiffreau, Corlay et Marlange
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 26 mai 2011) et les productions, que la société Franfinance location (la société Franfinance) a conclu avec la société Eridiana Beghin Say huit contrats de crédit-bail portant sur divers matériels de communication téléphonique vendus par la société Sagem, et un neuvième avec la société Beghin Say ; que la société Eridiana Beghin Say a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 5 juillet 2001 à la suite de sa scission et de l'apport, à effet au 1er juillet 2001, de ses différentes activités aux sociétés Beghin Say, Provimi, Cerestar et Cereol ; que, le 1er juin 2001, ces dernières ont constitué une filiale commune, la société Cereplus, qui a eu notamment pour objet d'assurer la gestion des contrats anciens conclus entre Eridiana Beghin Say et Franfinance ; que les quatre associés de la société Cereplus ont décidé le 10 juin 2003 la dissolution amiable de cette dernière ; que, fin 2003, la société Beghin Say devenue Tereos, les sociétés Provimi et Cerestar et la société Cereol devenue Bunge aux droits de laquelle vient la société Bunge Holding France SAS (les sociétés) ont été cédées par leur actionnaire commun à quatre nouveaux actionnaires différents ; que, par courriers du 3 novembre 2004, la société Cereplus en liquidation amiable a notifié à la société Franfinance et à la société Sagem la résiliation des contrats litigieux ; que, le 23 août 2006, la société Franfinance a assigné la société Eridiana Beghin Say en paiement de diverses sommes ; que les quatre sociétés issues de la scission sont intervenues volontairement à l'instance et, la procédure ayant fait l'objet d'un retrait du rôle le 1er juin 2007, ont soulevé la péremption de l'instance, subsidiairement la prescription des créances et la résiliation des contrats ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Attendu que ce grief ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu que les sociétés reprochent à l'arrêt d'avoir rejeté l'exception de péremption de l'instance, alors, selon le moyen :
1°/ que l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ; que ne sont interruptifs d'instance que les actes de nature à faire progresser l'affaire ; que la transmission de conclusions à la partie adverse ne sont interruptives de péremption que si elles sont effectivement signées et déposées ; qu'en l'espèce, la société Franfinance a saisi le tribunal de commerce par un exploit du 23 août 2006 et a communiqué des pièces le 8 décembre 2008 ; qu'en disant que la péremption d'instance devait être écartée aux motifs que des conclusions auraient été télécopiées le 9 janvier 2007 par les société intimées à la société Franfinance, sans constater qu'elles auraient été déposées et signifiées, la cour d'appel a manqué de base légale au regard des articles 386 et 389 du code de procédure civile ;
2°/ que dès lors que l'affaire a fait l'objet d'un retrait du rôle, la seule diligence susceptible d'interrompre la péremption pour que l'affaire puisse être réinscrite au rôle à la demande de l'une des parties est le dépôt au greffe des conclusions comportant cette demande ; qu'en l'espèce il est acquis que la procédure a fait l'objet d'un retrait du rôle le 1er juin 2007 et n'a été réinscrite pour être plaidée que le 20 octobre 2009 ; qu'en disant que les conclusions uniquement télécopiées à la société Franfinance le 9 janvier 2007 en vue de l'audience du 11 janvier suivant, étaient interruptives de péremption malgré le retrait du rôle prononcé le 1er juin 2007, la cour d'appel a violé l'article 383, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Mais attendu que la procédure étant orale, l'envoi par télécopie de leurs conclusions à la partie adverse, par les sociétés, avait un caractère interruptif du délai de péremption; qu'ayant constaté souverainement que la société Franfinance justifiait que des conclusions prises pour le compte des sociétés lui avaient été télécopiées le 9 janvier 2007 en vue de l'audience du 11 janvier suivant, et relevé qu'aucune exception de péremption ne saurait dès lors être retenue entre la date de la première communication de pièces intervenue le 16 août 2006 et celle du 8 décembre 2008, date de la seconde communication de pièces, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 1315 et 1134 du code civil ;
Attendu que pour condamner la société Tereos à payer diverses sommes à la société Franfinance, l'arrêt retient que celle-ci établit, par les contrats de crédit-bail qu'elle produit, lesquels sont tous signés d'un responsable de la société Eridiana Beghin Say pour les huit premiers, et de la société Beghin Say pour le neuvième et dernier contrat, l'existence d'une obligation de paiement des loyers stipulés au contrat à la charge des sociétés contractantes dès lors que les matériels pris en crédit-bail ont été effectivement livrés au crédit-preneur ce que ne contestent pas les sociétés ;
que dans ces conditions il appartient à la société Tereos dont il est constant qu'elle vient aux droits de la société Beghin Say qui vient elle-même aux droits de la société Eridiana Begin Say, de rapporter la preuve qu'elle s'est acquittée du paiement des loyers stipulés aux contrats ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle relevait que la société Cereplus, filiale commune aux sociétés issues de la scission de la société Eridiana Beghin Say avait été constituée notamment pour assurer la gestion des contrats anciennement conclus entre les sociétés Eridiana Beghin Say et Franfinance, et que la société Cereplus, mise en liquidation amiable en novembre 2003, avait informé en novembre 2004 la société Franfinance de la résiliation des contrats, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 1315 et 1134 du code civil, ensemble les articles L. 236-1 et L. 236-3 du code de commerce ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient qu'il appartient à la société Tereos, dont il est constant qu'elle vient aux droits de la société Beghin Say qui vient elle-même aux droits de la société Eridiana Beghin Say, de rapporter la preuve qu'elle s'est acquittée du paiement des loyers stipulés aux contrats ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, cependant qu'elle relevait que la société Tereos n'avait repris qu'une seule des quatre branches des activités de la société Eridiana Beghin Say, et que les quatre sociétés issues de la scission avaient constitué une filiale commune chargée de gérer les contrats litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a confirmé le jugement rejetant l'exception de péremption et la fin de non-recevoir tirée de la prescription, l'arrêt rendu le 26 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée.