Cass. com., 14 mai 2002, n° 00-14.891
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Lardennois
Avocat général :
M. Jobard
Avocat :
Me Bertrand
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que Mme E..., liquidateur judiciaire de la société Cap'D (la société), reproche à l'arrêt déféré (Paris, 16 février 2000) de l'avoir déboutée de son action tendant à la condamnation solidaire de MM. J..., C..., Y..., Z..., I..., A... de Fontgalland, F..., K..., D..., Langlois et H..., de Mme L... et des sociétés Finaxia, Segespartitres, Nord Est participations, Information économique et financière à lui payer la somme de 100 000 000 francs au titre de l'insuffisance d'actif de la société, alors, selon le moyen :
1 / que l'administrateur, qui est tenu à une surveillance et à un contrôle sérieux de l'administration de la société, répond des dettes sociales dans la mesure où il a effectivement contribué à la commission d'une faute de gestion, soit en prenant l'initiative de la mesure fautive, soit par un manque de contrôle et de vigilance, soit encore par passivité, peu important l'intérêt limité qu'il a dans l'affaire ; qu'en estimant que la responsabilité des administrateurs de la société n'ayant pas le rang de président du conseil d'administration ou de directeur général ne pouvait être retenue, au motif que ces administrateurs n'avaient pas eu connaissance de la situation exacte de la société, que pour certain d'entre eux ils n'avaient pas été convoqués aux conseils d'administration et que même la tenue de certains conseils paraissait douteuse, tout en constatant cependant que le conseil d'administration avait décidé de la prise de participation de la société Acrymat grâce à un financement manifestement critiquable, qu'il avait pris l'initiative d'octroyer des garanties excessives aux filiales de la société, que, connaissant l'échec des tentatives d'augmentation de capital, il avait laissé se développer la stratégie d'expansion sans fonds propres suffisants de l'entreprise, et qu'enfin, conscient de l'urgence des décisions à prendre sur l'apurement de la société, il avait laissé se poursuivre l'exploitation déficitaire de la société, d'où il résultait nécessairement que les administrateurs avaient été, soit à l'origine de fautes de gestion, soit en avaient permis la réalisation du fait de leur passivité, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui en découlaient et a violé l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ;
2 / qu'en relevant que les procès-verbaux des conseils d'administration des 15 et 18 mai et 20 novembre 1990 faisaient mention des besoins de trésorerie non satisfaits et de l'urgence de décisions à prendre sur l'apurement de la situation de la société, puis en énonçant que les administrateurs n'avaient pas eu connaissance de la situation exacte de la société puisque les informations leur étaient dissimulées, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction qui la prive de motifs, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / qu'en estimant que seuls le président du conseil d'administration et le directeur général de la société pouvaient être condamnés à prendre en charge une partie des dettes sociales, dès lors qu'ils avaient effectivement, activement et personnellement participé à la commission des fautes de gestion, à l'inverse des autres administrateurs, auxquels il ne pouvait être imputé une telle participation, la cour d'appel, qui distingue en réalité, au sein du conseil d'administration, des administrateurs gestionnaires et des administrateurs contrôleurs, a violé l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985, auquel elle a ajouté une distinction que ce texte ne comporte pas ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel n'a pas fait de distinction entre les administrateurs gestionnaires et les administrateurs contrôleurs mais a énoncé que chaque administrateur doit répondre des dettes sociales dans la mesure où il a effectivement contribué à la commission d'une faute de gestion sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur l'opportunité du classement des membres du conseil d'administration en administrateurs gestionnaires et administrateurs contrôleurs ;
Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que la participation effective des administrateurs de la société, autres que MM. J... et A... de Fontgalland, dans la prise des décisions fautives n'est pas établie dès lors qu'ils n'ont pas eu connaissance de la situation exacte de la société puisque les informations leur étaient dissimulées, que, pour certains d'entre eux, ils n'ont pas été convoqués aux conseils d'administration et que même la tenue de certains conseils paraît douteuse ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui ne s'est pas contredite, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.