Cass. com., 21 juin 2005, n° 04-12.087
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
Mme Besançon
Avocat général :
M. Main
Avocat :
Me Foussard
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 7 juillet 2003), qu'un jugement du 6 novembre 1996 a homologué le plan de redressement de la société Restocop (la société), mise en redressement judiciaire le 20 décembre 1995, et désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan la SCP Sauvan-Goulletquer, ultérieurement remplacée par M. X... ; qu'un jugement du 18 novembre 1998 a prononcé la résolution du plan de la société puis sa liquidation judiciaire ; que par requête déposée au greffe le 14 novembre 2001, M. X... a fait citer, notamment, M. Y... et M. Z..., en leur qualité de gérant, aux fins de condamnation solidaire au paiement des dettes sociales ; que le tribunal, par jugement du 17 juillet 2002, a rejeté l'exception de prescription de l'action et condamné solidairement MM. Y... et Z... à supporter la totalité des dettes de la société ; que l'arrêt confirme cette décision ;
Sur le premier moyen :
Attendu que MM. Y... et Z... font grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, qu'en matière d'action en comblement du passif, seule l'assignation régulièrement signifiée est susceptible d'interrompre la prescription, et non la requête en comblement du passif déposée par le liquidateur ; qu'en décidant le contraire, pour estimer que la requête déposée par M. X... au greffe du tribunal avait produit un effet interruptif de prescription, les juges du fond ont violé l'article L. 624-3 du Code de commerce, ensemble l'article 2244 du Code civil ;
Mais attendu que, selon les articles 74, deuxième alinéa, et 76 du décret du 7 avril 1928 relatif à l'organisation de l'administration de la justice en Nouvelle-Calédonie et dépendances, toutes les demandes sont formées par requête, signée de la partie ou de son mandataire et les requêtes sont communiquées aux parties intéressées par les soins du greffier ; qu'il résulte de ces textes que la requête, qui saisit le tribunal, interrompt la prescription ;
Attendu qu'ayant relevé que la requête déposée au greffe du tribunal avait pour objet direct et immédiat d'introduire une instance, l'arrêt retient, à bon droit, que son dépôt au greffe avait interrompu, à sa date, la prescription de l'action en paiement des dettes sociales ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les deuxième et troisième moyens, réunis :
Attendu que MM. Y... et Z... font encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1 / que dans le cadre d'une action en comblement de passif. le dirigeant ne peut être condamné à supporter que le passif que sa faute a contribué à faire apparaître ; que les seules fautes relevées à l'encontre des dirigeants se situent, dans le temps, postérieurement à l'adoption du plan de continuation ; qu'en condamnant les dirigeants à prendre en charge au titre de l'action en comblement de passif, non seulement le passif apparu postérieurement à la mise en place du plan de continuation, mais également le passif existant préalablement à l'ouverture de la procédure collective, par hypothèse sans lien avec les fautes retenues, les juges du fond ont violé l'article L. 624-3 du Code de commerce ;
2 / que si le dirigeant, qui fait l'objet d'une action en comblement de passif ne peut se prévaloir de la faute d'un tiers pour s'exonérer en tout ou en partie, il est autorisé en revanche à se prévaloir des fautes commises par les organes de la procédure qui agissent en comblement de passif pour s'exonérer en tout ou en partie ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article L. 624-3 du Code de commerce ;
3 / que, et de la même façon, si la faute du tiers ne peut être invoquée, le dirigeant est autorisé, en revanche, à se prévaloir de la faute commise par les créanciers dans l'intérêt desquels l'action est engagée ;
que pour avoir décidé le contraire, les juges du fond ont violé l'article L. 624-3 du Code de commerce ;
Mais attendu que le dirigeant d'une personne morale peut être déclaré responsable, sur le fondement de l'article L. 624-3 du Code de commerce, même si la faute de gestion qu'il a commise n'est que l'une des causes de l'insuffisance d'actif et peut être condamné à supporter en totalité ou partie les dettes sociales, même si sa faute n'est à l'origine que d'une partie d'entre elles ;
Attendu que l'arrêt relève que, dès le prononcé de la liquidation judiciaire la société, n'avait aucun actif tandis que le passif s'élevait à la somme de 17 075 337 FCFP, que MM. Y... et Z... ont continué l'activité sans paiement des cotisations sociales et des impôts, qu'ils n'ont pas fait de déclaration de cessation des paiements bien que la société était manifestement hors d'état de faire face à son passif exigible puisqu'elle ne payait même pas les échéances du plan ; qu'il retient que ces fautes ont contribué à créer l'insuffisance d'actif, que le caractère syndical du restaurant exploité par la société ne dispensait pas les dirigeants de respecter les règles minimales de bonne gestion et que l'absence du commissaire à l'exécution du plan ne constitue pas une cause d'exonération ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel n'a fait qu'user de ses pouvoirs en condamnant les gérants à supporter le passif social ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.