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Décisions

Cass. soc., 11 avril 2018, n° 16-14.853

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvet

Avocats :

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Lyon, du 3 févr. 2016

3 février 2016


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., qui occupait en dernier lieu la fonction de directeur de métier, a été licencié pour faute grave le 3 juin 2012 par la société DC Management ; qu'après avoir saisi le conseil de prud'hommes de Lyon le 17 juin 2015, il a déclaré se désister de son instance à l'audience du bureau de conciliation du 3 septembre 2015 ; que, par décision du même jour, le bureau de conciliation a constaté que le désistement n'était pas parfait ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident éventuel de l'employeur qui est préalable :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire l'appel du salarié recevable, d'annuler la décision de refus de désistement rendue le 3 septembre 2015 par le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Lyon, et de renvoyer la cause et les parties devant la formation de jugement du conseil de prud'hommes de Lyon prétendument seule compétente pour connaître de la demande de désistement présentée par le salarié en présence de la contestation de la partie adverse, alors, selon le moyen :

1°/ que la décision par laquelle le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes constate que le désistement du demandeur n'est pas parfait et rejette en conséquence cette demande est une simple mesure d'administration judiciaire insusceptible de tout recours ; qu'en l'espèce, par décision du 3 septembre 2015, le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Lyon avait constaté que le désistement de M. Y... n'était pas parfait de sorte qu'il devait être débouté de sa demande et les parties renvoyées devant le bureau de jugement au prétexte que la non-acceptation du défendeur était fondée sur un motif légitime ; qu'en jugeant recevable l'appel de cette décision formé par le salarié lorsque celle-ci, constitutive d'une simple mesure d'administration judiciaire, n'était pas susceptible de recours, la cour d'appel a violé l'article 537 du code de procédure civile ;

2°/ que le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes peut, sans commettre d'excès de pouvoir, apprécier si le désistement du demandeur doit être ou non constaté et s'il produit le cas échéant son effet extinctif ; qu'il en résulte que sa décision sur ce point ne peut faire l'objet d'un appel immédiat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré qu'ayant tranché le litige opposant M. Y... à la société DC Management sur le point de savoir si le désistement du premier devait ou non être constaté et produire son effet extensif, le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Lyon qui avait ce faisant apprécié si la non-acceptation du défendeur qui n'avait alors formulé par écrit aucune demande reconventionnelle mais disposait de la faculté de le faire même oralement jusqu'à l'audience de jugement en raison de la procédure prud'homale, se fondait sur un motif légitime selon les dispositions de l'article 396 du code de procédure civile, avait excédé les pouvoirs limitativement énumérés qui lui étaient accordés par les articles R. 1454-14 et R. 1454-15 du code du travail ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article R. 1454-16 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant retenu que le bureau de conciliation avait excédé ses pouvoirs, la cour d'appel en a exactement déduit que l'appel immédiat de sa décision par le salarié était recevable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le pourvoi principal du salarié :

Sur la recevabilité du pourvoi principal contestée par la défense :

Attendu que l'employeur soutient que le pourvoi principal est irrecevable dès lors qu'il est dirigé contre un arrêt qui n'a ni tranché le principal, ni mis fin à l'instance ;

Mais attendu que le pourvoi est recevable contre une décision qui constate un excès de pouvoir et en tire des conséquences ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Vu les articles 394 et 395 du code de procédure civile, ensemble l'article R. 1454-14 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu que pour renvoyer la cause et les parties devant la formation de jugement du conseil de prud'hommes de Lyon, l'arrêt, après avoir énoncé qu'à l'audience du bureau de conciliation du 3 septembre 2015 l'employeur s'était opposé au désistement d'instance demandé par le salarié bien que n'ayant présenté aucune défense au fond ni aucune fin de non-recevoir, retient que le bureau de conciliation, en constatant que le désistement de l'intéressé n'était pas parfait et en le déboutant de sa demande de désistement d'instance, a tranché le litige sur le point de savoir si le désistement devait ou non être constaté et produire son effet extinctif, que ce faisant il a excédé les pouvoirs limitativement énumérés qui lui étaient accordés par les articles R. 1454-14 et R. 1454-15 du code du travail, qu'il importe en conséquence d'annuler la décision rendue par le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Lyon refusant de lui donner acte de son désistement au motif qu'il n'était pas parfait et de le renvoyer à mieux se pourvoir devant la formation de jugement de cette même juridiction, seule compétente pour connaître du litige ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de défense au fond ou de fin de non-recevoir présentée par le défendeur, le désistement d'instance du demandeur à l'audience du bureau de conciliation produisait immédiatement son effet extinctif que celui-ci devait constater, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il renvoie la cause et les parties devant la formation de jugement du conseil de prud'hommes de Lyon seule compétente pour connaître de la demande de désistement présentée par M. Y... en présence de la contestation de la partie adverse, l'arrêt rendu le 3 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée.