Cass. com., 3 mars 1998, n° 95-21.016
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Rémery
Avocat général :
M. Mourier
Avocat :
Me Blondel
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un lot de machines à coudre a été chargé au port de Santos (Brésil) sur le navire "Lode Bay" en vue de son acheminement par la société Barbican line Limited (le transporteur maritime) jusqu'au port de la Pointe-des-Galets (Ile de la Réunion) à destination de la Société réunionnaise de distribution (société de distribution);
que celle-ci, n'ayant pas reçu livraison de la marchandise, a agi en réparation de son préjudice à l'encontre du transporteur maritime devant le tribunal de commerce de Saint-Denis;
que, se fondant sur une clause du connaissement attribuant compétence aux tribunaux anglais, le défendeur a soulevé l'incompétence de la juridiction saisie;
que la cour d'appel a accueilli cette exception et renvoyé la société de distribution à se mieux pourvoir ;
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Attendu que la société de distribution reproche à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'exception d'incompétence, alors, selon le pourvoi, que s'il est prétendu que la juridiction saisie est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d'irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée;
qu'en se bornant, dès lors, à relever que la loi interne anglaise permettait de déterminer la juridiction effectivement compétente, dispensant ainsi le transporteur maritime, demandeur à l'exception, de justifier avec précision de la juridiction étrangère qu'il estimait compétente, la cour d'appel viole les articles 75 et 96 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, après avoir exactement énoncé que, dans l'ordre international, la désignation générale des juridictions d'un Etat étranger par une clause attributive de compétence est licite si le droit interne de cet Etat permet de déterminer le Tribunal spécialement compétent, a relevé qu'il en était ainsi de la loi anglaise de procédure en l'espèce;
que, dès lors, le transporteur maritime a satisfait aux exigences de l'article 75 du nouveau Code de procédure civile en faisant connaître, dans son déclinatoire fondé sur la clause litigieuse, que l'affaire devait être portée devant les juridictions du Royaume-Uni;
que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur ce moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que pour dire la clause attributive de compétence figurant au connaissement opposable à la société de distribution, l'arrêt retient que la copie de ce document versée aux débats porte au verso, outre la signature et le cachet humide du chargeur, ceux du destinataire lui-même qui, nayant pas reçu la marchandise transportée, a nécessairement apposé sa marque et sa signature avant livraison, acceptant ainsi les conditions du transport ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans avoir invité les parties, qui n'avaient discuté que de l'incidence à l'égard du destinataire de l'acceptation de la clause par le chargeur, à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'exception d'incompétence soulevée par la société Barbican line Limited, l'arrêt rendu le 1er août 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée.