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Décisions

Cass. com., 24 mai 2018, n° 16-26.478

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Versailles, du 21 sept. 2016

21 septembre 2016


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la commune de [...] (la commune) qui, pour financer la réalisation ou la rénovation d'équipements communaux, a régulièrement eu recours à des prêts, consentis notamment par la société Dexia Crédit Local (la société Dexia), a, en octobre 2007, conclu avec cette dernière trois contrats de prêts destinés à refinancer neuf prêts souscrits précédemment ; que ces trois contrats stipulaient que, pendant tout ou partie de leur durée, les intérêts seraient calculés par application d'un taux variable dépendant, pour les premier et troisième prêts, de l'évolution de l'Euribor 12 mois et, pour le deuxième, de la différence entre le CMS (Constant Z... ) Eur 30 ans et le CMS Eur 1 an ; qu'estimant avoir été ainsi exposée à des risques importants en raison de la nature spéculative de ces prêts, la commune a assigné la société Dexia en annulation des stipulations d'intérêt figurant dans chacun de ces trois contrats ; que la société Caisse française de financement local (la société CAFFIL), filiale de la société Dexia, est intervenue volontairement à l'instance à titre principal ;

Sur le troisième moyen, pris en ses première, deuxième, quatrième et cinquième branches :

Attendu que la commune fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation des stipulations d'intérêts des contrats de prêts souscrits auprès des sociétés Dexia et CAFFIL alors, selon le moyen :

1°/ que la loi de validation n° 2014-844 du 29 juillet 2014 s'applique à un prêt structuré souscrit par une personne morale de droit public à la condition que le contrat indique la durée du prêt ; que la commune faisait valoir que les durées stipulées aux contrats ne correspondaient pas à celles indiquées dans les tableaux d'amortissement et étaient du reste erronées de plusieurs jours ; qu'en se bornant, pour faire application de la loi de validation, à constater que les contrats stipulaient la durée précise de chacun des prêts qui était de 24 ans et 6 mois pour le premier, de 24 ans et 4 mois pour le deuxième et de 24 ans et 8 mois pour le troisième, sans vérifier l'exactitude de ces stipulations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1 et 2 de la loi susvisée ;

2°/ que la loi de validation n° 2014-844 du 29 juillet 2014 s'applique à un prêt structuré souscrit par une personne morale de droit public à la condition que le contrat indique la périodicité des échéances de remboursement du prêt ; que la commune soutenait que si les contrats prévoyaient une périodicité annuelle des échéances de remboursement du prêt, cette mention était inexacte dès lors que la première échéance des contrats avait en réalité eu une durée écourtée ; qu'en se bornant, pour faire application de la loi de validation, à constater que la périodicité des échéances de remboursement était expressément mentionnée aux contrats et que le remboursement du capital et le paiement des intérêts s'effectuaient à chaque échéance annuelle, de même que la date de la première et de la dernière échéance étaient expressément mentionnées, sans vérifier l'exactitude de ces stipulations, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1 et 2 de la loi susvisée ;

3°/ qu'une partie ne peut être privée de son droit à l'accès au juge ou au recours par l'effet disproportionné d'une loi de validation rétroactive ; que, pour rejeter la demande de la commune en annulation des stipulations d'intérêts, l'arrêt attaqué a retenu que la loi de validation du 29 juillet 2014 était applicable aux trois contrats qu'elle avait souscrits et que le moyen tiré du défaut de mention du taux effectif global, du taux de période ou de la durée de la période devait être écarté ; qu'en validant les stipulations d'intérêts de ces prêts structurés, portant ainsi une atteinte disproportionnée au droit de la commune à un procès équitable et à un recours effectif, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1er, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4°/ qu'une partie ne peut être privée de son droit au respect de ses biens par l'effet disproportionné d'une loi de validation rétroactive ; que, pour rejeter la demande de la commune en annulation des stipulations d'intérêts, l'arrêt attaqué a considéré que la loi de validation du 29 juillet 2014 était applicable aux trois contrats qu'elle avait souscrits et que le moyen tiré du défaut de mention du taux effectif global, du taux de période ou de la durée de la période devait être écarté ; qu'en validant les stipulations d'intérêts de ces prêts structurés, portant ainsi une atteinte disproportionnée au droit de la commune au respect de ses biens, la cour d'appel a violé l'article 1er du protocole additionnel n° 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'aux termes de ses deux premiers articles, d'interprétation stricte, la loi n° 2014-844 du 29 juillet 2014 ne s'applique qu'aux contrats de prêts souscrits par des personnes de droit public formalisés par un écrit mentionnant, de façon conjointe, le montant ou le mode de détermination des échéances de remboursement du prêt en principal et intérêts, la périodicité de ces échéances et leur nombre ou la durée du prêt ; qu'ayant relevé que les trois contrats de prêt litigieux comportaient ces mentions, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'en vérifier l'exactitude, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu, en second lieu, qu'une commune, qui n'est pas assimilée à une organisation non gouvernementale au sens de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (la Convention) dans la mesure où, s'agissant d'une personne morale de droit public, elle exerce une partie de la puissance publique, ne peut, ni saisir la Cour européenne des droits de l'homme, ni invoquer utilement devant les juridictions nationales les stipulations de la Convention ou de son premier Protocole additionnel et ce, quelle que soit la nature du litige ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, sur le deuxième moyen, sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche, et sur le quatrième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 329 du code de procédure civile et les articles L. 513-15 et L. 513-16 du code monétaire et financier ;

Attendu que, pour déclarer recevable l'intervention volontaire à titre principal de la société CAFFIL, l'arrêt, après avoir constaté que les contrats de prêt stipulaient que la société Dexia, le « prêteur », agissait tant pour elle-même que, le cas échéant, pour sa filiale DMA, devenue la société CAFFIL, relève que c'est cette dernière société qui a prêté les fonds mis à la disposition de la commune en exécution de ces contrats et en déduit que son intervention se rattache ainsi par un lien suffisant aux prétentions des deux autres parties ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, compte tenu de son statut de société de crédit foncier, la société CAFFIL avait qualité pour procéder seule au recouvrement de ses créances et, partant, pour intervenir à titre principal à l'instance ou si ce recouvrement ne pouvait être assuré que par un établissement de crédit ou une société de financement lié à elle par contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement entrepris, il déclare recevable l'intervention volontaire de la société Caisse française de financement local, en ce qu'il condamne la commune de [...] à payer à cette société la somme de 1 424 961,48 euros, majorée des intérêts de retard, en ce qu'il ordonne la capitalisation et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 21 septembre 2016 entre les parties par la cour d'appel de Versailles ; remet en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.