Cass. soc., 9 mai 2018, n° 17-21.180
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Huglo
Avocats :
SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy
Attendu, selon le jugement attaqué, que le syndicat CGT Forclum PACA a saisi le tribunal d'instance afin, notamment, qu'il soit fait injonction à la société Game Energie Bouches-du-Rhône d'organiser les élections des délégués du personnel et du comité d'entreprise ainsi que de renouveler le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (le CHSCT) ; que l'Union régionale de la construction CGT PACA (l'URC CGT PACA) est intervenue volontairement à l'instance ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief au jugement de déclarer nul l'acte introductif d'instance du syndicat CGT Forclum PACA et de débouter ce dernier de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que le secrétaire d'un syndicat, habilité par les statuts à représenter le syndicat en justice, n'a pas à justifier d'un pouvoir spécial pour ce faire ; que pour déclarer nul l'acte introductif d'instance, le tribunal a considéré que le mandat produit n'était pas suffisant ; qu'en statuant comme il l'a fait, quand l'article 11 des statuts du syndicat CGT Forclum PACA stipule que le secrétaire assure la représentation du syndicat dans tous ses actes et que M. Y..., en sa qualité de secrétaire, était habilité à représenter le syndicat en justice, sans avoir à justifier d'un mandat, le tribunal a violé l'article 117 du code de procédure civile ;
2°/ qu'à tout le moins en exigeant une délibération spéciale de l'assemblée générale, il a dénaturé les statuts et violé l'article 1103 du code civil l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
3°/ que le syndicat CGT Forclum PACA, qui a engagé l'action le 21 mars 2017, a produit un mandat daté du 17 mars 2017, mentionnant que l'assemblée générale donnait mandat à M. Y... pour saisir le tribunal ; que pour déclarer nul l'acte introductif d'instance, le tribunal a retenu que le document était une attestation du secrétaire établie en cours d'instance ; qu'en statuant comme il l'a fait, quand le mandat avait été donné avant l'introduction de l'instance, sur papier à entête du syndicat CGT Forclum PACA, mentionnant que l'assemblée générale donnait mandat à M. Y... pour saisir le tribunal, le tribunal a dénaturé ledit mandat, en méconnaissance de l'article 1103 du code civil et de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
4°/ que la délibération de l'assemblée générale : elle peut être orale et ne fait pas nécessairement l'objet de la rédaction d'un procès-verbal écrit qui devrait être produit ; que le tribunal a affirmé que le document produit était une attestation du secrétaire, laquelle ne pouvait suppléer la production de la délibération prévue par les statuts ; qu'en statuant comme il l'a fait, en ajoutant des conditions non prévues par les statuts, le tribunal a violé l'article 117 du code de procédure civile ;
5°/ qu'à tout le moins en statuant ainsi, il a violé l'article 1103 du code civil l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
6°/ qu'un tiers ne peut invoquer les statuts d'une personne morale pour critiquer la régularité de la désignation de son représentant, en vue de contester sa qualité à agir en justice ; que le tribunal a considéré que le document produit était insuffisant au regard des statuts du syndicat ; qu'en statuant comme il l'a fait, le tribunal a violé l'article 117 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que le tribunal a relevé que l'article 12 des statuts du syndicat CGT Forclum PACA spécifie que, sur délibération de son assemblée générale, celui-ci agit en justice, par la voix de ses mandataires ;
Attendu, ensuite, que le tribunal, ayant constaté qu'était produit aux débats non pas le procès-verbal de la délibération de cette assemblée autorisant une telle action, mais une simple attestation du secrétaire du syndicat, a exactement décidé que cette pièce ne pouvait suppléer la production de cette délibération ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles 329 du code de procédure civile, L. 2132-3 et L. 2133-3 du code du travail ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable l'intervention volontaire de l'URC CGT PACA, l'arrêt énonce que, pour justifier d'un droit propre à demander que soient organisées des élections professionnelles et le renouvellement du CHSCT, cette union de syndicats produit uniquement un courrier émanant de ses propres instances ; qu'a contrario, il résulte de l'ensemble des pièces produites par les parties que la société a seulement invité le secrétaire du syndicat CGT Forclum PACA à participer à la négociation du protocole d'accord préélectoral ; qu'il s'en déduit que l'URC CGT PACA est défaillante à démontrer qu'elle dispose d'un droit propre quant aux prétentions qu'elle soutient ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, sauf stipulation contraire de ses statuts, une union de syndicats à laquelle la loi a reconnu la même capacité civile qu'aux syndicats eux-mêmes peut exercer les droits conférés à ceux-ci, le tribunal a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'intervention volontaire de l'Union régionale de la construction CGT PACA, le jugement rendu le 23 juin 2017, entre les parties, par le tribunal d'instance de Martigues ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Salon-de-Provence.