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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 23 mars 2017, n° 15/17091

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franchi

Conseillers :

Mme Picard, Mme Rossi

Avocats :

Me Montini, Me Etevenard

TGI Paris, du 21 mai 2015, n° 12/11758

21 mai 2015

Monsieur X est inscrit depuis le 19 avril 2004 au répertoire des métiers de Paris. Le nom commercial de son entreprise individuelle était X Entreprise.

En 2007, l'entreprise X a été soumise à un contrôle fiscal sur les revenus et sur la TVA pour les années 2004 et 2005. A la suite de ce contrôle, Monsieur X s'est trouvé redevable de la somme de 340.629 euros au titre de la TVA et de la somme de 204.881 euros au titre des revenus non déclarés. L'entreprise X a été mise en liquidation judiciaire.

Estimant qu'il existait une société créée de fait entre Monsieur X et Monsieur Y qui donnait lieu à partage des bénéfices et des pertes générées par la société, Monsieur X a, par acte introductif d'instance en date du 6 juillet 2012, assigné Monsieur Y en paiement.

Par jugement en date du 21 mai 2015, le tribunal de grande instance de Paris a débouté Monsieur X de ses demandes et l'a condamné à payer la somme de 1.500 euros à Monsieur Y au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le tribunal a relevé que Monsieur X ne rapportait pas la preuve de l'existence de l'affectio societatis entre lui et Monsieur Y, qu'il n'était pas établi que ce dernier collaborait sur un pied d'égalité avec Monsieur X et qu'il participait aux bénéfices comme aux pertes. Pour les mêmes raisons le tribunal a estimé que la preuve d'un mandat tacite n'était pas rapportée. Le tribunal a également écarté l'action de in rem verso dès lors que Monsieur X s'était prévalu de l'existence d'une société de fait.

Monsieur X a interjeté appel de cette décision le 6 août 2015.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 4 novembre 2015, Monsieur X demande à la cour d'appel de :

Vu les articles 1832, 1985 alinéa 2, 815-3 alinéa 2 du Code civil,

Vu les pièces versées au débat,

- Dire Monsieur X recevable et bien fondé en son'appel,

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 21 mai 2015 par le Tribunal de Grande Instance de Paris,

Et statuant à nouveau

- Dire et juger Monsieur X bien fondé en ses demandes, fins et conclusions ;

- Débouter Monsieur Y de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

A titre principal :

- Constater l'existence d'une société créée de fait entre Monsieur X et Monsieur Juan Carlos V. ;

- En conséquence, condamner Monsieur Juan Carlos V. à payer à Monsieur X la somme de 293 869 €, au titre de sa participation aux bénéfices et aux pertes ;

A titre subsidiaire :

- Constater l'existence d'un mandat tacite entre Monsieur X et Monsieur V. ;

- En conséquence condamner Monsieur Juan Carlos V. à payer à Monsieur X la somme de 293 869 € à titre de dommages et intérêts ;

A titre infiniment subsidiaire :

- Constater l'existence d'un enrichissement sans cause au profit de Monsieur Juan Carlos V. ;

- En conséquence, condamner Monsieur Juan Carlos V. à payer à Monsieur X la somme de 211 148 € à titre d'enrichissement sans cause ;

- Dire que les sommes au paiement desquelles Monsieur Juan Carlos V. sera condamné produiront intérêt au taux légal à compter de l'exploit introductif d'instance ;

- Condamner Monsieur Juan Carlos V. à payer à Monsieur X la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du CPC ;

- Condamner Monsieur Juan Carlos V. en tous les dépens dont distraction pour ceux là concernant au profit de Maître Zaïnah Sahabun qui pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile ;

- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Monsieur Y a signifié ses conclusions par voie électronique le 11 mai 2016.

Par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 15 septembre 2016, ces conclusions ont été déclarées irrecevables en application de l'article 909 du Code de procédure civile.

SUR CE

Sur la société de fait

Monsieur X fait valoir qu'il existait une société de fait entre lui et Monsieur Y. Ce dernier a apporté la somme de 27.015, 47 euros ainsi que sa clientèle à la société de Monsieur X, il s'occupait de la gestion de l'entreprise, il en était même le gérant de fait, il partageait les revenus de l'entreprise, employait sa famille, envoyait de l'argent à sa famille sur un compte ouvert au nom de X, faisait des chèques, donnait des ordres, gérait les sous traitants. Il existait un véritable affectio societatis entre eux qui s'est ensuite traduit par la constitution d'une société entre eux postérieurement au contrôle fiscal. Ils partageaient les bénéfices, Monsieur V. ayant l'usage des moyens de paiement de la société pour ses besoins personnel. Aucun lien de subordination n'existait entre eux.

Aux termes des dispositions de l'article 1832 du code civil 'la société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter. Elle peut être instituée dans les cas prévus par la loi par l'acte de volonté d'une seule personne. Les associés s'engagent à contribuer aux pertes.'

L'article 1873 du code civil ajoute que 'les dispositions du présent chapitre sont applicables aux sociétés crées de fait.'

La société créée de fait nécessite la présence de trois caractéristiques, l'affectio sociétatis, les apports et la volonté de partager les bénéfices et les pertes. La preuve de l'existence d'une société créée de fait peut être apportée par tous moyens.

A l'appui de sa demande Monsieur X produit des relevés de comptes établissant que l'entreprise Z de Monsieur Y a versé à l'entreprise X des sommes à hauteur de 27.000 euros environ en 2004 au moment de sa création, ces sommes ne pouvant qu'être qualifiées d'apports en dehors de toute autre explication, notamment en dehors de la production d'un contrat de sous traitance. Il produit des 'cahiers de clients' montrant que les clients de l'entreprise Z avaient été transférés à la société X. Il est également établi que l'entreprise Z a transféré sa ligne téléphonique à l'entreprise X ainsi que des factures telle la facture Foncia.

Ces éléments montrent que Monsieur Y, par l'intermédiaire de l'entreprise Z, a effectué des apports à l'entreprise X que ce soient des apports en numéraire ou des apports incorporels tels les clients ou l'industrie.

Monsieur X produit également des quittances de loyers montrant que c'était l'entreprise X qui payait le loyer de Monsieur Y, des relevés de Western Union ou Travelex montrant que Monsieur Y envoyait de l'argent en Colombie sur le compte de l'entreprise X.

Il ressort de ces pièces que Monsieur Y disposait de la signature de l'entreprise et utilisait ses comptes comme les siens propres participant ainsi aux bénéfices de l'entreprise en sus du salaire qu'il recevait.

Enfin, la cour constate que les attestations de madame Fernandez V. ancienne secrétaire de l'entreprise, corroborent le rôle joué par Monsieur Y au sein de l'entreprise X. Elle expose en effet que Monsieur Y prenait toutes les décisions relatives à la gestion de l'entreprise que ce soient les décisions d'embauche ou le choix des chantiers et plus généralement les décisions financières se comportant ainsi comme un dirigeant et non comme un salarié. Aucun lien de subordination envers Monsieur X n'est décrit.

La cour note enfin que messieurs V. et X s'étaient associés dans une société créée en 2006, cet élément montrant qu'ils ont eu à un moment la volonté de collaborer officiellement.

La constitution de cette société ainsi que les apports effectués par Monsieur Y au profit de la société X et l'usage égal fait pas les deux parties des biens de la société suffisent à démontrer l'existence d'un affectio societatis excluant tout autre lien tel un lien de subordination entre eux.

La cour constate en conséquence que les éléments constitutifs d'une société créée de fait existait entre Monsieur X et Monsieur Y.

Sur le partage des bénéfices et des dettes

Monsieur X sollicite le paiement de la somme de 293.869 euros au titre de sa part des bénéfices qu'il aurait du percevoir en sa qualité d'associé de la société créée de fait avec Monsieur Y. Il demande également que Monsieur Y participe aux pertes par moitié avec lui.

La cour ne dispose d'aucun élément qui lui permettrait de faire les comptes entre les parties et notamment de déterminer la part des bénéfices pris par Monsieur Y dans l'entreprise X et ce d'autant plus qu'elle ignore la valeur des apports de chacun d'eux lors de la création de la société notamment ceux de Monsieur X et qu'elle ignore si Monsieur X a lui même perçu des bénéfices. Pour ce qui est du passif la cour ne dispose pas non plus d'éléments lui permettant de calculer le passif de l'entreprise, les documents fiscaux produits se référant aussi bien à la TVA qu'à l'impôt sur le revenu de Monsieur X lequel ne peut être mis à la charge de Monsieur Y et la totalité du passif n'étant pas connue. La cour ignore également ce que Monsieur X a payé réellement sur les sommes réclamées à divers titres ;

Monsieur X sera en conséquence débouté de sa demande à ce titre.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Monsieur X sollicite le paiement de la somme de 2.500 euros à ce titre.

Monsieur X ayant été débouté de sa demande il n'apparaît pas inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

- Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 21 mai 2015,

- Déboute Monsieur X de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamne Monsieur X aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.