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Décisions

Cass. 3e civ., 8 avril 1999, n° 97-18.294

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beauvois

Rapporteur :

M. Bourrelly

Avocat général :

M. Guérin

Avocat :

SCP Ghestin

Bastia, ch. civ., du 29 avr. 1997

29 avril 1997

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 29 avril 1997) que les époux Y..., bailleurs d'un immeuble loué à usage commercial, soutenant que la société Rotisco, preneuse, avait contrevenu au bail prévoyant leur accord exprès et par écrit pour toute modification matérielle des lieux, ont demandé le prononcé de la résiliation de ce contrat et des dommages-intérêts par suite de l'exécution, sur place, d'importants travaux que la société Rotisco avait effectués sans leur consentement ; que la société Rotisco s'est opposée à ces demandes et a réclamé des dommages-intérêts ;

Attendu que les époux Y... font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande en résiliation du bail alors, selon le moyen,"1 / que le preneur est tenu de l'obligation principale d'user de la chose louée en bon père de famille ; qu'en estimant que les importantes modifications des lieux loués par la société preneuse constituant une violation d'une de ses obligations essentielles, ne justifiaient pas la résiliation du bail, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant les articles 1728 et 1184 du Code civil ;

2 / que l'acceptation tacite d'une obligation ne se présume pas mais doit résulter d'actes manifestant sans équivoque avec telle intention ; qu'en déduisant de l'ancienneté des travaux litigieux et du projet sans suite de transaction mené par les parties "l'assentiment tacite" par les bailleurs aux travaux litigieux, sans caractériser le moindre acte dépourvu d'équivoque caractérisant leur ratification de ces travaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil" ;

Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, constaté que l'immeuble, loué en état de délabrement total, avait nécessité d'importants travaux, que les premiers ouvrages que la locataire avait exécutés en violation du bail n'avaient causé aucun désordre dans les lieux et n'avaient pas porté définitivement atteinte à la solidité ou à la structure de ceux-ci, qu'une remise en l'état antérieur était possible, que les autres ouvrages, à but commercial et esthétique pouvaient être qualifiés d'embellissements, que l'amélioration qui en résultait resterait acquise aux bailleurs en fin de bail, qu'aucune des infractions n'était irrémédiable et contraire à l'intérêt bien compris de ceux-ci, la cour d'appel, qui, appréciant souverainement la gravité des infractions, a retenu qu'il n'y avait pas lieu de résilier le bail, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Mais sur le second moyen du pourvoi principal :

Vu l'article 1147 du Code civil ;

Attendu que, pour débouter les époux Y... de leur demande de dommages-intérêts, l'arrêt retient que si c'est sans leur autorisation expresse que la société Rotisco a pratiqué des ouvertures en façades de l'immeuble pris à bail, elle a bénéficié de leur assentiment tacite eu égard à l'ancienneté de ces ouvrages, et qu'un litige survenu en 1992 à l'occasion de la conclusion d'un nouveau bail démontre l'ambiguïté des attitudes respectives des parties ;

Qu'en statuant ainsi, sans relever aucun acte manifestant sans équivoque la volonté des bailleurs d'accepter ces aménagements, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;

Et sur le moyen du pourvoi incident :

Vu l'article 4 nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ;

Attendu que l'arrêt condamne la société Rotisco à refermer les ouvertures pratiquées dans les murs de l'immeuble et dénommées "ouverture jardin d'enfant" et "ouverture cuisine" ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les époux Y... demandaient la résiliation du bail et des dommages-intérêts, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute les époux Y... de leur demande de dommages-intérêts et condamne la société Rotisco à refermer les ouvertures pratiquées dans les murs de l'immeuble loué et dénommées "ouverture jardin d'enfant" et "ouverture cuisine", l'arrêt rendu le 29 avril 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.