Cass. 2e civ., 1 octobre 2020, n° 19-15.612
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pireyre
Rapporteur :
Mme Dumas
Avocat général :
M. Aparisi
Avocats :
SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Bouzidi et Bouhanna
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 19 février 2019), sur des poursuites de saisie immobilière engagées par le responsable du service des impôts des particuliers de Voiron contre M. O..., un juge de l'exécution a, le 1er juillet 2014, ordonné la vente forcée du bien, qui a eu lieu le 10 mai 2016.
2. Les créanciers inscrits, la Société générale et la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud Rhônes-Alpes (la CRCAM), ont déclaré leurs créances respectivement le 2 et le 17 juin 2014, soit avant et le jour même de l'audience d'orientation.
3. Le 11 janvier 2018, le créancier poursuivant a signifié au débiteur et aux créanciers inscrits un projet de distribution amiable, contesté le 25 janvier 2018 par la Société générale, et un procès-verbal de difficultés a été dressé le 14 février suivant, un juge de l'exécution ayant été ensuite saisi d'une demande de distribution judiciaire.
4. Par jugement du 26 juin 2018, le juge de l'exécution a déclaré irrecevable la dénonciation de la déclaration de créance de la CRCAM au créancier poursuivant et au débiteur, comme cela était demandé par la Société générale, et dit que la CRCAM est déchue du bénéfice de son rang dans la répartition du prix de vente puis a réparti le prix de vente en conséquence.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
5. La Société générale fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable à contester la déclaration de créance de la CRCAM et de dire qu'au titre de la distribution du prix du bien saisi de M. O..., la CRCAM se verrait attribuer la somme de 44 189,03 euros au titre de son hypothèque judiciaire alors « que l'irrecevabilité des contestations formées après l'audience d'orientation ne concerne pas celles fondées sur un fait dont la partie concernée n'a eu connaissance qu'après celle-ci ; qu'en l'espèce, la Société générale faisait valoir (ses conclusions d'appel, p. 3) qu'elle n'avait eu connaissance de la tardiveté de la dénonciation par la CRCAM Sud Rhônes-Alpes de sa déclaration de créance au débiteur saisi qu'à la date de notification le 11 janvier 2018, par le créancier poursuivant, du projet de distribution du prix de vente, lequel faisait état (p. 4) de la « dénonciation de la déclaration de créance au débiteur hors délai » ; qu'en jugeant qu'il appartenait à la Société Générale de vérifier, avant la « procédure d'orientation », la conformité de la dénonciation de la déclaration de créance du Crédit Agricole aux dispositions de l'article R. 322-7- 4° du code des procédures civiles d'exécution, et le cas échéant de soulever une contestation lors de l'audience d'orientation, la cour d'appel, qui a par-là mis à sa charge une obligation de vérification qui ne s'imposait pas à elle, a violé l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les articles R. 322-7 et R. 322-15 du même code, et l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme ».
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 311-5 et R. 322-13 du code des procédures civiles d'exécution :
6. Il résulte de ces textes que le créancier inscrit est recevable à contester la régularité d'une déclaration de créance antérieure à l'audience d'orientation après cette audience, dès lors qu'elle ne lui a pas été dénoncée.
7. Pour infirmer le jugement entrepris et déclarer irrecevable la contestation de la Société Générale, l'arrêt retient que la dénonciation de la déclaration de créance de la CRCAM au débiteur, objet de la contestation, était en date du 4 juin 2014, soit antérieure à l'audience d'orientation qui s'est tenue le 17 juin 2014, et que, dans ces conditions, il appartenait à la Société Générale de vérifier, avant la procédure d'orientation, la conformité de la dénonciation de la déclaration de créance de la CRCAM aux dispositions de l'article R. 322-7-4° du code des procédures civiles d'exécution et de soulever devant le juge de l'exécution, à ce stade de la procédure, une contestation.
8. En statuant ainsi, alors que la Société générale, créancier inscrit, auquel la déclaration de créance n'avait pas été dénoncée, était recevable en sa contestation, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.